Quels sont les nouveaux leviers de croissance du retail media en 2023 ?


  • Le retail media a explosé on-site en 2022 et il va sans doute lui falloir regarder ailleurs pour continuer à grandir (vite) en 2023.
  • Minted fait le tour des leviers de croissance plus ou moins explorés par les retailers : de l'extension d'audience à la data as a service, en passant par l'in-store.

“Sur le on-site, le job est fait pour les plus gros.” Arick Abbou, commerce solution director chez iProspect, résume bien le sentiment général. Les pionniers du retail media ont réussi à mettre sur pied une offre bien structurée, autour de deux produits, le search sponsorisé et le display on-site. Les bases sont saines… et il va sans doute falloir aller voir ailleurs pour continuer à faire grandir le business. 

C’est d’autant plus vrai que, comme le rappelle Alban Schleuniger, la monétisation on-site de la plupart des retailers n’est pas loin d’atteindre un plafond de verre. Après deux années de frénésie, les ventes e-commerce plafonnent, ce qui a évidemment un impact sur la croissance des inventaires publicitaires de chacun. Raison pour laquelle Minted a recensé trois pistes de croissance à explorer en priorité en 2023.

L’extension d’audience… comme extension d’annonceurs

Des années qu’on nous le serine : la data des retailers, qu’elle soit intentionniste (produit cherché / mis en panier) ou transactionnelle (produit acheté) vaut de l’or. L’avènement du retail media, et les revenus qui vont avec, ont évidemment décomplexé des retailers historiquement très protectionnistes sur le sujet. En 2023, les choses vont s’accélérer. “D’abord parce que le contexte - la disparition des cookies tiers - va rendre la data transactionnelle des retailers encore plus incontournable”, rappelle le PDG de Mediarithmics, Gilles Chetelat. C’est particulièrement vrai pour les annonceurs non endémiques (qui n’achètent pas d’inventaire on-site car ils n’y vendent pas de produits) que les retailers vont pouvoir cibler en priorité.

“L’enjeu, c’est maintenant l’extension d’audience, notamment sur tous les inventaires liés à la TV”, observe Arick Abbou. C’est le sens du deal passé entre Criteo et Magnite pour l’activation des données des clients du premier en CTV. Ou des accords second party noués entre TF1Pub et des acteurs comme Infinity Advertising, Rakuten et La Redoute, dont les données vont servir à 1) optimiser la diffusion des campagnes TV 2) mesurer l’impact de ses dernières sur les ventes. “On observe un intérêt grandissant pour de l’activation de données e-commerce en haut de funnel - ciblage socio-démo, intention d’achat - at scale”, résume Nicolas Rieul, MD SEU chez Criteo. Pas une surprise alors que le contexte économique difficile impose aux marketeurs de rendre leurs campagnes branding un peu plus ROIstes. Quitte à faire de l’awareness, autant le faire sur des intentionnistes.

“C’est l’année où jamais pour permettre au retail media de s’affranchir des budgets trade marketing et aller piocher, beaucoup plus, du côté de ceux issus du marketing”

“C’est l’année où jamais pour permettre au retail media de s’affranchir des budgets trade marketing et aller piocher, beaucoup plus, du côté de ceux issus du marketing”, estime Erwan Lohezic, associé chez 3qtz. Il va falloir, pour celà, que les retailers s’organisent enfin autour de standards (voir nos prédictions retail media pour 2023) mais aussi qu’ils décloisonnent leurs offres on et off. “C’est rarement le cas et cela empêche les marques endémiques de pouvoir gérer la pression publicitaire entre ces deux environnements”, observe Thibault Hennion, MD international operations chez Epsilon. Et d'ajouter que "très peu de distributeurs le font de manière connectée (avec la même data ou la même plateforme) alors que c'est d'autant plus vertueux que c'est du revenu additionnel sans aucun effort pour un distributeur."

Un vrai frein ! Tout comme l’est, chez les marques non endémiques, “cette construction mentale qui veut que le média vale 85% du CPM et que la data doive se contenter des 15%”, à en croire Gilles Chetelat. Le dirigeant de Mediarithmics estime qu’il est important de rééquilibrer ce partage de la valeur, sans pour autant baisser celle du média. “Aujourd’hui, la donnée retailer se vend entre un et quatre euros du CPM. Cela ne reflète pas ce qu’elle peut apporter aux annonceurs.” Car, s’il est important d’être visible, il l’est encore plus de vendre, lorsqu’on est dans un contexte de ralentissement économique. Ce en quoi la donnée intentionniste et transactionnelle des retailers n’a pas vraiment d’égal.

Du retail media aux retail insights

Aider les annonceurs à mieux cibler les audiences, c’est bien. Les aider à mieux comprendre l’impact de leurs campagnes médias sur les ventes, c’est encore mieux. Les retailers ont évidemment une très belle carte à jouer sur ce point alors que leurs magasins représentent, encore aujourd’hui, l’essentiel des ventes et que l’essor de la technologie de la data clean room leur offre un environnement de partage ultra-sécurisé qu’ils n’avaient pas jusque-là. “La clean room offrant une vision précise et granulaire de la performance d’une campagne à court terme”, selon Arick Abbou et, en cela, très complémentaire des modèles de marketing mix modeling qui vont, eux aussi, fleurir dans le post-cookie tiers, mais sur un temps plus long, de manière moins fine. 

Il va falloir, pour cela, optimiser le taux de clients encartés (un gros chantier 2023) et se rapprocher de technologies comme Mediarithmics, Liveramp, Infosum ou Habu. Ou pourquoi pas se greffer aux offres de data clean room de plateformes sociales, comme l’a fait le distributeur Albertsons avec Pinterest outre-Atlantique. Une cleanroom qui permet à n’importe quel annonceur Pinterest d’uploader ses données CRM, pour isoler l’impact d’une campagne sur les ventes d’Albertsons. 

"Des outils pour aider les annonceurs à avoir une meilleure compréhension de leurs audiences"

Partie intégrante de la mesure de la performance d’une campagne publicitaire, le retailer peut également beaucoup apporter sur le volet “insights”. “Les retailers vont être de plus en plus nombreux à mettre en place des outils pour permettre aux annonceurs d’avoir une meilleure compréhension de leurs audiences”, prédit Marianne Schneider, qui accompagne des retailers sur les sujets de monétisation publicitaire. 

Un moyen de permettre aux marques de s’affranchir des sacro-saints panels pour comprendre qui sont leurs consommateurs et quels sont leurs cycles d’achat. “Il n’y a pas mieux que la donnée retail là-dessus”, complète Marianne Schneider. C’est devenu la norme dans la GSA, même si c’est plutôt dans le cadre de budgets trade marketing, et cela devrait s’étendre à l’ensemble du retail media. Retailink le permet déjà, tout comme Galeries Lafayette avec Tailored Insights

Le pionnier en la matière, c’est évidemment Amazon qui a, lui, fait de ces informations une commodité offerte aux marques qui investissent beaucoup : quels sont les ciblages à intégrer en fonction de sa cible, quels sont les mots-clés à privilégier… Ou encore quelle est l’évolution de sa PDM sur la catégorie suite à une campagne. La data insight ne représentera dans ce cas de figure pas une nouvelle ligne de revenu mais elle est, par ricochet, un accélérateur de business : en convainquant les retailers de l’intérêt de communiquer auprès de telle audience et en les aidant à mieux investir. Un exemple à suivre ? 

“C’est, pour beaucoup de retailers, une vraie interrogation : est-ce que cette data doit être vendue ou simplement un “must have” offert aux meilleurs clients pour qu’ils investissent plus ?”, s’interroge Christophe Blot. Une interrogation légitime quand on sait, comme le rappelle le dirigeant de Cdiscount Advertising, que “le coût d’une équipe data analystes est loin d’être anodin.”

Dans ce nouveau paradigme qui est devenu plus difficile à décrypter, parce que la situation économique est inédite et parce que les outils de tracking se sont raréfiés, tout acteur disposant de data, a une belle carte à jouer. “Pas uniquement les retailers, assure Arick Abbou, qui anticipe l’explosion de la customer data as a service.” Toutes les entreprises qui ont de la donnée first party, comme Air France, la Sncf ou une marque de grande conso qui fait du DtoC, vont vouloir surfer sur l’opportunité. Ce n’est pas Erwan Lohezic, le cofondateur de 3qtz, qui prophétisait l’arrivée de cette 4e vague, il y a déjà un an, qui dira le contraire. Pas plus que Stellantis (Peugeot, Citroën, Fiat, Chrysler…) qui vient, lui, de lancer une division “data as a service”, consacrée à la commercialisation des données issues de ses véhicules

La marketplace et l’in-store comme leviers de croissance

Le retail media reste, à ce jour, l’affaire d’e-commerçants mais, alors que leur inventaire on-site sature déjà et que l’augmentation des emplacements publicitaires se heurte à de nombreux obstacles (notamment l’UX), il va falloir élargir le champ des possibles. Deux pistes évidentes : le offline, “où se réalise encore 80% des achats”, comme le rappelle Arick Abbou, et l’activité marketplace, qui est en plein essor chez la plupart des retailers, exception faite de l’alimentaire où, de l’aveu d’Alban Schleuniger, la pratique n’est pas ancrée dans les usages.

“On estime qu’en 2025, les marketplace représenteront 75% du e-commerce”, écrivent Grégoire Flatin (RelevanC) et Cédric Chamoux (Cospirit) dans un article consacré au sujet. Le retail media en profitera d’autant plus que les vendeurs de marketplace investissent historiquement une quote part beaucoup plus importante de leur chiffre d’affaires dans de l’acquisition. “Ils voient le retail media comme un investissement, plus qu’une dépense marketing, comme c’est le cas de beaucoup d’industriels”, observe Christophe Blot. Pas d’OI, avec une date de fin, mais plutôt des investissements “always on”. Le développement de l’activité marketplace a donc une double vertu : il permet de booster les ventes e-commerce, en intégrant plus d’offres, et il permet de booster les revenus publicitaires. Les technologies dédiées sont en plein boom, qu’il s’agisse de Mabaya, chez Criteo, RelevanC ou, évidemment, Mirakl Ads.

“L’exemple à suivre, c’est Amazon, dont l’ensemble des produits publicitaires étaient, au début, réservés aux marques endémiques, avant que la plateforme ne les ouvre aux distributeurs de sa marketplace”, observe Christophe Le Marchand, DG de Cospirit Commerce. C’est d’autant plus vrai que l’expert observe une réduction de l’assortiment de marques au sein de l’offre 1P de certains retailers, notamment dans le food. “Les retailers mettent de plus en plus en avant leurs marques propres ou MDD, ce qui va peut-être contraindre les marques à passer par la marketplace pour croître.” Ou alors à booster le retail media en 1p pour être visible. Dans tous les cas, le retailer est gagnant. 

L’autre levier de croissance, c’est le carrelage, comme on l’appelle dans le milieu. Le bon vieux magasin, qui reste, alors que l’e-commerce plafonne après deux années de frénésie, le meilleur moyen pour une marque de booster ses ventes. La plupart des technologies de retail media en sont, aujourd’hui, trop souvent déconnectées. Un des mots d’ordre doit être l’omnicanalité. 

En d’autres termes, la capacité à piloter depuis une même interface ses investissements retails media, qu’ils soient on ou off. “Qu’il s’agisse de DOOH ou de nouveaux supports publicitaires dans les rayons, il y a énormément d’innovation sur ce sujet”, observe Thibault Hennion. Et de citer l’exemple d’Imagotag, société spécialisée dans les linéaires digitaux, valorisée près de 2 milliards de dollars. L’intégration des écrans digitaux plus classiques, présents en magasins, est déjà un sujet dans les pays anglo-saxons. “Les industriels peuvent, depuis l’interface Citrus, acheter de l’inventaire retail media sur les sites de plusieurs clients australiens mais aussi sur leurs écrans digitaux”, illustre Thibault Hennion. 

L’outil de monétisation retail media devient la console unique on et off. “C’est aussi ce qu’Amazon fait aux Etats-Unis alors que son DSP est intégré aux écrans digitaux de sa chaîne de magasins Whole Foods”, illustre Arick Abbou. Et d’ajouter qu’il n’est pas insensé d’imaginer Amazon faire de même avec des distributeurs tiers. Sous réserve que ces derniers acceptent de laisser le loup entrer dans la bergerie évidemment…