Azerion met la main sur l’adtech française Hawk


  • L'adtech néerlandaise, Azerion, continue ses emplettes en France. C'est le DSP Hawk qui passe cette fois dans son escarcelle.
  • Azerion met la main sur une très belle marque et un groupe d'une centaine d'experts reconnus de l'adtech. Mais un groupe déficitaire, qui arrivait à court d'argent. Montant de l'opération : entre 12 et 18 millions d'euros selon nos informations, dont une bonne partie en actions Azerion.

Où s’arrêtera Azerion ? Le géant néerlandais de la publicité n’en finit pas de grossir puisqu’il vient, selon nos informations, de mettre la main sur Hawk, adtech française fondée par Hakim Metmer et Renaud Biet, spécialisée dans l’achat programmatique. Montant de l’opération : entre 12 et 20 millions d’euros, avec de l’earn out, une partie de cash et, pour l’essentiel, des actions Azerion, comme c’est toujours le cas dans un deal opéré par l’adtech néerlandaise.  

Hakim Metmer et Renaud Biet vont continuer à piloter le développement de Hawk. On les imagine soulagés. Car les discussions avec Azerion, qui ont débuté il y a déjà plusieurs mois, ont tardé à se concrétiser dans la dernière ligne droite. A tel point que les équipes de Hawk, dont le bail est arrivé à échéance fin septembre, ont dû basculer en télétravail total dans le laps de temps. 

Une levée de fonds qui a capoté en début d'année

Il faut dire que la situation financière de Hawk, précaire, n’a pas facilité les échanges. L’adtech, qui sera fortement déficitaire sur l'exercice, arrivait à court d’argent. La faute à une levée de fonds qui a capoté en début d’année, freinant, au passage, les velléités de développement à l’international de l’adtech. La faute, aussi, à un contexte économique difficile. La chute de Mediamath est venu (s’il était encore besoin) le rappeler : le business de DSP est très gourmand d’un point de vue trésorerie. Il faut avoir les reins solides pour maintenir le cap. 

C’est d’ailleurs pour cela que Hawk avait pris soin de diversifier son activité, scindant celle-ci en deux : une plateforme d’achat média en libre-service (un DSP donc) et une offre de type managed-services, OMNI, qui permet aux agences médias de sous-traiter aux équipes de Hawk une partie de la gestion de leurs campagnes médias. Une activité qui offre une marge plus confortable et a rapidement pesé près de 20% des revenus de l’adtech en France. 

Fondée en 2013 par Hakim Metmer et Renaud Biet, l’adtech française était initialement positionnée comme un trading desk mobile, baptisé Tabmo. Le nom historique avait été abandonné en 2021, alors que l’adtech, rebaptisée Hawk, s’était ouverte à de nouveaux canaux (dont l’audio, le DOOH et la TV connectée).

L’indépendance de Hawk était presqu’une anomalie dans un marché dominé par des géants comme Google (DV 360), Microsoft (Xandr), Amazon ou The Trade Desk. Difficile d’exister dans un marché où 81% des investissements sont captés par 5 acteurs, comme le rappelle le dernier baromètre d’Alliance Digitale. Ce même si, toujours selon ce baromètre, l’activité de Hawk est en croissance puisque sa part de marché est passée de 2,1 à 3,7% entre le premier semestre 2022 et le premier semestre 2023.

Une stratégie de croissance qui tient aussi au positionnement d’early adopter de Hawk, toujours prompt à investir les nouveaux environnements médias, comme l’audio digital, l’in-gaming ou le DOOH. C’est ainsi que 67% des investissements programmatiques alloués  au format audio transitent par Hawk, toujours selon le baromètre d’Alliance Digital. C’est ce qui explique que Triton Digital, géant américain de l’audio digital qui a récemment racheté Manadge, s’était un temps positionné sur le dossier. 

Azerion, qui a racheté l’activité audio de Targespot, est lui aussi devenu en peu de temps un poids lourd du secteur. L’adtech, qui vient de sécuriser une nouvelle ligne de crédit de 165 millions d’euros et de céder son activité de “gaming” pour 150 millions d’euros, a de l’argent pour financer son ambition.

L’acquisition de Hawk lui permet de rajouter la dernière brique qui lui manquait à sa plateforme “all in one” : un outil d’achat. Elle lui permet également de mettre la main sur “une très belle marque, une qualité de services +++ et des équipes à l’expertise pointue”, selon un insider. Et de pousser plus loin un partenariat noué en juillet 2022.

Coté en bourse, Azerion devra néanmoins réussir à redresser Hawk s’il ne veut pas que cette opération influe négativement sur le cours de son action (le marché veut de la croissance sur les revenus ET l’Ebitda). Les effectifs de Hawk, qui compte une cinquantaine de collaborateurs en France et autant à l’international (Royaume-Uni et Allemagne), seront forcément impactées. Les fonctions supports et tech, qui doublonnent fatalement avec celles d’Azerion, sont plus particulièrement concernées.

Ce ne sera a priori pas le cas des équipes commerciales qui continueront, elles, à vendre Hawk... et les autres solutions d'Azerion. Les commerciaux de ce dernier (22 personnes en France) vendent toutes les briques, d'où qu'ils viennent, nous expliquait le GM France d'Azerion, Antoine Ripoche.

Se pose, par ailleurs, la question de la pérennité de l’offre Omni alors qu’Azerion est, lui, situé côté supply. Une offre de type “managed services”, où c’est l’humain qui arbitre sur la ventilation des budgets, est-elle viable quand l’actionnaire principale est positionné côté supply ? Pas sûr, à en croire un patron d’agence média qui dit qu’il restera “vigilant sur le sujet”. 

L’activité DSP est, en tout cas, moins exposée à ce risque de conflit d’intérêt. Il faudra, en revanche, composer avec une concurrence accrue. C’est le lot des “early adopters”, ils évangélisent un marché en même temps qu’ils grandissent et, lorsque le marché arrivent à maturité, ils voient les gros marcher sur leurs plates-bandes. DV 360 et The Trade Desk, les deux leaders de l’achat programmatique, proposent aujourd’hui une brique audio. 

Dans un monde de l’agence média où chaque minute passée à opérer une campagne compte, la tendance est plutôt à rationaliser les partenaires. Les plus gros partent, à ce titre, avec un avantage certain. C’est le cas de DV360 et The Trade Desk, qui sont déployés chez la plupart des agences. Même si la nouvelle affiliation de Hawk lui permet, de facto, lui aussi d’entrer dans la cours des grands avec des environnements audio en exclusivité.