Sylvain Travers (Hubvisor) : “Il y a beaucoup trop d’adtech auto-revendiquées qui négligent la techno et se contentent de faire de l’achat-revente d’espace média”


  • Aujourd’hui utilisé par plus de la moitié du top 30 des éditeurs français, Hubvisor est le grand gagnant de nos premiers Adtech Awards, récompensé dans deux catégories “Adtech de l’année” et “Meilleure solution adtech de l’année”. 
  • Nous en avons profité pour rencontrer son fondateur, Sylvain Travers, pour discuter de la mise en place de routes directes entre éditeurs et DSP, de la pertinence (ou non) de lever de l’argent ainsi que des dérives d’un secteur où le marketing et le commercial l’emportent trop souvent sur le produit. 

Minted. Le jury a décidé de vous attribuer l’or dans les catégories “adtech de l’année” et “meilleure solution adtech de l’année”. Un beau doublé qui vient concrétiser une année 2022 riche. Quel bilan tirez-vous ? 

Sylvain Travers. Ma première satisfaction, c’est d’avoir réussi à franchir un palier côté RH. L’équipe a bien grossi, 7 nouveaux collaborateurs nous ont rejoint, et ils ont, pour la plupart, un profil très tech. C’est quelque chose de très important pour moi, qui démontre l’empreinte tech de Hubvisor, centrée autour du produit. Nous avons, par exemple, recruté un docteur en mathématiques qui était membre de la cellule IA de Renault et qui travaille depuis deux mois sur la dimension algorithmique de notre produit. Je sais que le terme est très galvaudé, qu’on en parle beaucoup dans les communiqués de presse mais là, c’est du concret !

Sur quoi travaille-t-il ?

Tout ce qu’il est possible de rendre dynamique, côté sell-side comme côté buyside. Des choses dont on parle depuis longtemps, comme la gestion des floors de manière dynamique et temps réel, mais qui sont, dans la réalité, jamais bien traitées.

Vous avez également recruté Paul Caucheteux, qui était chez Prisma Media Solutions et vous a rejoint en tant que directeur commercial…

Oui, c’est le premier profil 100% commercial et marketing que je recrute. Son arrivée nous a permis de franchir un cap, en opérant un relifting de la marque et en remettant à plat notre offre autour de trois produits : Maestro, un système d’orchestration des enchères, Lens, un dashboard pour analyser et agir sur la monétisation, et Direct Path, une route directe entre le DSP et le device utilisateur.

C’est Direct Path qui vous a permis d’établir une connexion directe entre The Trade Desk et des éditeurs français et de la tester pour le compte de Renault. Une innovation qui vous a valu le prix Or dans la catégorie “solution adtech de l’année”.

Oui, parce que cette première expérimentation a montré que la désintermédiation était archi vertueuse, avec 100% taux de réconciliation, un gain vCPM de  50%, un “win rate” qui a été multiplié par 9,5 et 25% d’amélioration des CPM chez les éditeurs qui ont ouvert cette route. The Trade Desk était notre premier partenaire, nous allons développer des connexions avec d’autres acteurs dont Hawk, un DSP qui est très actif sur tout ce qui touche aux innovations, notamment dans l’audio. L’audio est d’ailleurs un canal que nous voulons développer en 2023.

Quid de la vidéo ?

Les annonceurs qui utilisent The Trade Desk sont évidemment friands de ce format. Le gros des dépenses que l’on voit passer sur ce DSP vont à la vidéo instream et outstream. Notre produit Maestro est déjà intégré sur l’outstream chez l’ensemble de nos clients. 

Et l’applicatif ?

Nous nous y sommes mis et somme déjà “live” chez quelques-uns de nos clients. Nous sommes en train de finaliser la V2 de notre produit applicatif, qui permettra aux éditeurs de mettre un système de médiation publicitaire en place, sans avoir à intégrer un nouveau SDK. Nous opérons comme sur le Web, en déposant une ligne de code dans l’appli.

Deux des principaux DSP du marché, DV 360 et Xandr semblent incompatibles avec un produit comme Direct Path car ils sont également positionnés côté supply. C’est un problème ?

Vous savez, il ne faut jamais dire jamais. On a longtemps crû que Google était indéboulonnable, la démocratisation du header bidding est venu démontrer que ce n’était pas vrai. Et puis, même les plus puissants peuvent se résoudre à aller vers le progrès, simplement parce qu’ils réalisent que c’est du bon sens. Ce qu’on essaie de vendre aux éditeurs et, c’est, au fond, la promesse originelle du programmatique, de l’automatisation saine. A savoir de la transparence sur la chaîne de valeur et une meilleure compréhension des flux entre un annonceur et un éditeur. C’est tout ce que permet direct path puisqu’en passant par cette route, un annonceur est capable d’avoir une vue parfaite sur la répartition de ses dépenses. 

Le but c’est de supprimer tous les intermédiaires ?

Absolument pas. Direct Path, c’est un produit pour les plus gros annonceurs et éditeurs qui ont intérêt à construire ces routes directes. Mais c’est un modèle qui est difficilement réplicable en masse. Raison pour laquelle ces agrégateurs technologiques que sont les SSP vont rester important pour l’écosystème, notamment les petits et moyens éditeurs.

Votre dernière levée date d’il y a trois ans. Pensez-vous à un nouveau tour de financement ?

Je me pose la question. C’est probable qu’une levée m’aiderait à accélérer sur les marchés européens sur lesquels j’ai commencé à prospecter. Mais la réalité, c’est que c’est hyper chronophage et que je n’ai pas vraiment envie de concentrer tout mon temps là dessus. D’autant que depuis le covid, on se rend compte qu’il n’est plus si important d’ouvrir des bureaux au sein de chaque marché que l’on veut attaquer. J’ai de très bons échanges avec des partenaires anglais et allemands depuis Paris. Et mon deuxième marché, c’est le Japon.

Ca vous permettrait quand même d’aller plus vite dans cette internationalisation ?

Est-ce que j’ai vraiment besoin d’accélérer les choses ? Le vrai challenge d’une levée, c’est le volet RH. Trouver les bons profils et réussir à conserver l’attitude “tech” des débuts. Une régie mono-produit, parce qu’elle vend un seul format, peut facilement scaler. C’est moins vrai pour une société qui, comme Hubvisor, a une palette assez complexe de produits. L’argent ne peut pas tout résoudre. L’adtech reste un secteur où il faut prendre son temps, pour anticiper l’évolution du marché et être en mesure d’apporter des solutions aux éditeurs, avant même qu’ils ne fassent face au problème. 

J’aurais plutôt dit que l’adtech est un secteur où il faut aller vite, où les gagnants sont souvent les plus visibles d’un point de vue marketing ou commercial, indépendamment de la solidité de leur produit.

Ca c’est parce que vous êtes biaisés par des années à analyser des sociétés qui se disent adtech mais qui ne le sont pas. 80% des entreprises de notre secteur sont référencées comme agence média ou régie publicitaire auprès du greffe et non pas, bureau d’étude ou fournisseur de solution logicielle, comme nous le sommes. Ça veut dire beaucoup de leur business model, à savoir que l’argent vient du média ou de la vente d’espace, mais absolument pas de la technologie.  Des adtech auto-revendiquées qui ont peu de techno et se contentent de faire de l’achat-revente. Et c’est tout ce que n’est pas Hubvisor.

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