1 octobre 2025
Temps de lecture : 4 min
Bill Koenigsberg, pdg et fondateur d'Horizon Media Holdings (gauche), et Yannick Bolloré, pdg et président d'Havas
Le paysage des agences médias vit une recomposition majeure. Le rapprochement annoncé entre le français Havas et l’américain Horizon Media pourrait bien rebattre les cartes aux États-Unis, premier marché publicitaire mondial.
Ensemble, ils vont créer une coentreprise baptisée Horizon Global, qui pèsera près de 20 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel.
Cette alliance vise à renforcer leur attractivité face aux grands annonceurs, dans un secteur marqué par les fusions, les turbulences financières et une concurrence féroce des géants de la communication comme Omnicom, Interpublic, WPP ou Publicis.
Pour Havas, les États-Unis représentent une priorité stratégique : plus d’un tiers de son chiffre d’affaires provient déjà de l’Amérique du Nord. Mais comparé aux mastodontes du secteur, Havas reste un acteur intermédiaire, trop petit pour jouer seul dans la cour des géants. Horizon Media, de son côté, est un champion sur son marché domestique mais souffre d’un déficit de présence internationale.
En s’associant, les deux groupes créent une structure capable de séduire un profil précis de clients : des annonceurs américains de taille mondiale, qui réalisent une large part de leur activité aux États-Unis mais nécessitent un accompagnement multirégional.
Cette combinaison apparaît comme une réponse directe aux fusions en cours chez leurs concurrents, notamment l’alliance à venir entre Omnicom et Interpublic.
Dans un marché où les annonceurs dénoncent souvent la complexité des agences, l’alliance se veut plus agile et plus claire.
Selon Bill Koenigsberg, PDG et fondateur d’Horizon Media Holdings, qui s’est exprimé sur le site d’Havas, la récente création d’Horizon Global :
« Réinvente les règles du jeu des réseaux d’agences » (…) « Grâce à son approche écosystémique ouverte, Horizon Global favorise la coopération, privilégie la transparence et redonne le pouvoir au client ».
En théorie, Horizon Global doit permettre aux clients de bénéficier du meilleur des deux mondes : la puissance locale d’Horizon et la portée internationale d’Havas. Mais le défi sera de prouver que cette coentreprise n’ajoute pas, elle aussi, une couche de complexité supplémentaire. Les annonceurs veulent des interlocuteurs uniques et des process fluides.
Au-delà de la taille critique, le partenariat s’appuie sur un atout différenciant : l’intelligence artificielle. Les deux groupes disposent de plateformes propriétaires : Blu chez Horizon et Converged chez Havas. Leur fusion donnera naissance à une solution combinée, baptisée BluConverged.
Cette plateforme devrait aider les clients à mieux piloter leurs investissements, grâce à des capacités de planification et de mesure enrichies. Pour Havas, c’est un vrai gain : Converged est encore jeune, tandis que Blu bénéficie déjà de plusieurs années d’expérience.
Selon Forrester, cette complémentarité offre à Havas un raccourci technologique intéressant pour rivaliser avec les solutions plus avancées de ses concurrents.
Les joint-ventures (« coentreprises » en français) sont plutôt inhabituelles dans la publicité. On en trouve surtout quand un groupe international s’allie avec un acteur local pour couvrir un marché précis : par exemple TBWA\Hakuhodo au Japon, ou Havas GIMC en Chine.
Ici, la logique est inversée : Horizon est déjà dominant aux États-Unis, et Havas vient lui apporter une dimension mondiale.
L’exemple de Local Planet, un réseau lancé en 2016 auquel Horizon participait déjà, reste dans les mémoires.
L’idée de mutualiser les forces d’agences indépendantes avait séduit, mais n’a pas tenu ses promesses : trop de structures, trop de coûts de coordination, pas assez de valeur perçue par les clients. Horizon Global devra donc prouver qu’il ne s’agit pas d’un remake.
Comme toujours dans les coentreprises, la gouvernance est clé. Horizon et Havas détiendront chacun 50 % du capital. Le conseil d’administration sera partagé entre les dirigeants historiques : Peter Mears pour Havas, Bill Koenigsberg et Bob Lord pour Horizon, avec Yannick Bolloré en surplomb.
Mais cette parité peut vite devenir un frein si les visions divergent. Autre point délicat : les deux réseaux médias resteront indépendants, ce qui signifie qu’ils pourraient continuer à se retrouver concurrents sur certains appels d’offres américains.
Cette double casquette pourrait créer de la confusion, voire de la méfiance, chez certains annonceurs, estiment les journalistes de Digiday.
La vraie question est de savoir si Horizon Global peut constituer une alternative sérieuse aux géants intégrés comme Publicis, WPP ou bientôt Omnicom-Interpublic. Ces groupes disposent d’un avantage clé : une organisation mondiale unifiée, avec des process standardisés, des benchmarks solides et une expérience avérée des grands déploiements.
À l’inverse, Horizon Global démarre avec un modèle hybride, pas encore éprouvé. Le succès dépendra largement de sa capacité à montrer aux clients que la collaboration entre équipes sera fluide, et qu’ils n’auront pas à gérer deux agences pour un seul budget.
Si les risques sont réels, le timing joue plutôt en faveur du duo. Le marché traverse une phase d’instabilité : WPP peine à redresser ses marges, Dentsu cherche à vendre ses actifs internationaux, et les clients se disent parfois insatisfaits de leurs agences historiques.
Par ailleurs, Empower Media et Ocean Media ont fusionné la semaine dernière pour créer Empower Ocean Media Group , une opération qui regroupe 1,5 milliard de dollars de facturation média et crée le deuxième plus grand groupe d’agences média indépendantes aux États-Unis derrière Horizon Media.
Dans ce contexte, Horizon Global peut capter une clientèle en quête d’alternatives. Un consultant cité par Digiday résume :
« Dentsu pensait pouvoir profiter du mécontentement vis-à-vis des Big Three, mais l’arrivée d’Horizon Global change la donne. »
A lire aussi : Dentsu bientôt vendu ? Les cinq raisons qui en font une cible de choix
Le rapprochement entre Havas et Horizon illustre une tendance forte : les agences cherchent à se consolider pour rester pertinentes face aux attentes des annonceurs et à la puissance des géants.
Horizon Global n’est pas encore un « Big Five », mais c’est sans doute la première tentative sérieuse de créer une alternative crédible aux groupes intégrés.
Son succès dépendra de trois conditions : une gouvernance équilibrée, une intégration fluide entre équipes, et la capacité à démontrer une vraie valeur ajoutée aux clients. Si ces conditions sont réunies, l’opération pourrait bien redessiner le marché publicitaire américain.
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