Retail media : 5 adtech font un premier bilan d’étape


  • IAS, Equativ, Teads, Triplelift, Weborama… Minted a échangé avec 5 adtech qui ont déjà manifesté un certain appétit pour le retail media. L’occasion de comprendre comment elle s’attaque à ce marché qui pèse déjà plus d’un milliard d’euros en France.

Arnaud Barbillon (Teads) 

“Les premières discussions avec des retailers datent de l’époque du Covid, début 2020. Nous avons, à l’époque, signé un deal avec Carrefour pour activer sa donnée au sein de notre réseau. C’était typiquement permettre à un acteur comme Danone de ‘recibler’ les porteurs de carte de fidélité Carrefour qui achetaient du Danone 0%. Le deal a été interrompu au bout d’un an et demi parce que le business généré n’était pas satisfaisant. Il y avait sans doute un problème de ‘time-to-market’, de prix et de complexité opérationnelle. 

Nous avons un deal similaire avec Infinity Advertising depuis mai 2022 et n’envisageons pas d’en conclure d’autres dans l’alimentaire en France. Tout simplement parce que c’est assez lourd à mettre en place - il faut bien 6 mois pour optimiser la tuyauterie entre notre base de données et celle du retailer - et que c’est compliqué d’honorer plusieurs minimums garantis sur un seul pays.

En effet, nous n’avons pas, malgré plusieurs POC, réussi à lancer ce type d’offres à l’étranger. Il y a un problème de coût… mais aussi de volume. Notamment dans les pays où Liveramp, qui fait le pont entre nos données et celles des retailers, est moins implanté. Au Royaume-Uni, c’était compliqué d’atteindre une taille critique suffisante, malgré notre puissance et celle de certains retailers.

"Nous n'avons pas réussi à lancer d'offre retail media à l'étranger. Il y a un problème de coût et de volume."

En France, c’est un peu plus de 5% de nos campagnes qui concernent les données Infinity, c’est un ratio très satisfaisant. Nous discutons avec d’autres typologies de retailers en France, mais rien de concret à date. Le prix de la data retailer ? Pas un frein  nous concernant. Ajouter 2 à 3 euros de CPM sur des formats comme ceux vendus par Teads, autour d’une quinzaine d’euros, n’est pas gênant. Ce serait une autre histoire si on faisait du display classique.”

Antoine Bsaibes (Weborama)

“Tout est parti d’Intermarché, qui était client de notre solution de DMP - CDP, et nous a mis en relation avec sa régie retail media, Infinity Advertising, pour discuter des moyens de monétiser cette connaissance très fine qu’a le retailer de ses clients, via les cartes de fidélité notamment. Nous avons, plus récemment nouer un deal avec Mediaperformances, acteur qui fait du retail media in-store, pour faire de même avec la data Auchan.

Notre offre s’articule aujourd’hui autour de trois piliers. D’abord, l’activation, pour permettre, par exemple, à une marque de cibler les acheteurs de sa catégorie. Ensuite la mesure. Il s’agit ici de lier une exposition publicitaire à une transaction réalisée par un porteur de carte ou, dans le cadre du deal avec Mediaperformances, de mesurer les synergies entre actions retail media in-store et actions retail media online.

Enfin, ce qu’on appelle le “data enrichment”, pour permettre à un retailer de partager des moments de vie. C”est, par exemple un site de petites annonces qui peut monétiser auprès d’acteurs du secteur bancaire des segments d’audience de type “personne qui cherche à déménager” pour que ces derniers puissent leur pousser des offres de prêt en marketing direct

"Si on parle de chiffre d’affaires, cela reste encore bourgeonnant. En termes de prospection commerciale et de bande passante, c’est une autre histoire"

Si on parle de chiffre d’affaires, cela reste encore bourgeonnant. En termes de prospection commerciale et de bande passante, c’est une autre histoire. Il y a une vraie traction. Parce que la demande est, côté annonceurs, très forte. Certaines réticences demeurent néanmoins, notamment concernant le partage de certaines données et ce même si, grâce aux data clean rooms, on leur offre désormais des environnements 100% sécurisés.

C’est chronophage et on manque de recul sur le ROI. Je ne compte plus les retailers qui me demandent combien je peux leur rapporter à un horizon de trois ans. Mais c’est très compliqué de répondre à cette question. On préfère ne pas faire de promesses que l’on ne pourra pas tenir.

L’un de nos gros projets à venir, c’est l’extension d’audience sur URL, comme nous le faisons chez les publishers. C’est, concrètement, permettre à une marque de fromage de cibler les URL que les acheteurs de sa catégorie visitent le plus souvent. Le marché n’est pas complètement prêt là-dessus mais il y viendra car on a besoin d’un complément de reach aux ID, qui ne seront pas suffisants là-dessus.”

Clément Bascoulergue (IAS)

“Nous sommes présents sur le retail media off-site depuis plusieurs années, grâce à notre intégration chez les éditeurs. Nous sommes présents sur le retail media on-site depuis plus récemment, après avoir déployé notre solution de mesure de la qualité d’un environnement publicitaire chez les principaux retailers américains. Amazon bien sûr, mais aussi Walmart, Kroger, Best Buy ou Target, pour le compte desquels nous analysons la visibilité de chaque impression publicitaire, le pourcentage de trafic invalide et la brand safety.

Pourquoi c’est important ? Parce que ce n’est pas parce que votre objectif final est d’obtenir un clic ou une conversion que vous ne devez pas regarder un indicateur comme la visibilité. Cette dernière reste un bon proxy pour juger de la qualité de l’inventaire au sein duquel l’annonceur est diffusé. Nous avons d’ailleurs un projet avec Amazon, pour l’aider à voir dans quelle mesure l’amélioration de la visibilité de son inventaire conduit à celle de sa performance en matière de conversions.

Si la plupart des retailers ont déployé notre script client-side, l’avenir est au server-side, pour permettre à ces acteurs de nous intégrer sans prendre de risque sur l’expérience utilisateur. Trois l’ont déjà fait : Amazon, Walmart et Criteo. 

"Les retailers européens n'ont pas une volonté démesurée d'avancer sur le sujet de la mesure de la qualité de leur inventaire publicitaire, contrairement aux retailers américains"

L’Europe ? C’est beaucoup plus lent. Il n’y a pas une volonté démesurée d’avancer sur le sujet et c’est compréhensible car c’est souvent vu comme une contrainte supplémentaire. Mais les retailers européens vont devoir y passer. Parce que les retailers américains normalisent celà. Et parce qu’une nouvelle typologie d’annonceurs va arriver en retail media, avec des exigences similaires à celles de ceux qui achètent chez les éditeurs. L’attention n’est, en revanche, pas un sujet vu que l’on a encore du mal à imposer le KPI de la visibilité.”

Lucie Laurendon (Equativ)

“Nous avons une offre de curated marketplace qui était toute trouvée pour permettre aux retailers d’activer leur donnée first party au sein de notre réseau de publishers, dans une logique d’extension d’audience. Deux d’entre eux nous ont déjà fait confiance sur le sujet : Valiuz, dont les équipes opèrent ça elles-mêmes, et Cdiscount Advertising, qui a récemment rejoint notre data exchange. 

Nous nous sommes, pour l’instant, concentrés sur le marché français, où nous nous sommes développés au second semestre 2023. Cet exchange, qui est opéré par nos équipes commerciales, a vocation à accueillir la data d’autres retailers car en retail media comme sur l’Open Web, l’échelle est clé. 

Bien sûr, la data retail peut être difficile à rentabiliser quand elle est utilisée dans une logique d’acquisition, voire de performance, avec un coût média qui avoisine les 3 euros. Mais nous croyons beaucoup en cette offre qui, avec la disparition des cookies tiers, représentera une alternative intéressante pour les annonceurs qui veulent cibler efficacement leurs audiences. 

"Trop d'écueils, à date, pour qu'Equativ se lance sur le on-site"

Le on-site ? C’est pour l’instant essentiellement du gré à gré. Et puis, on n’a pas toutes les briques nécessaires à la monétisation de l’inventaire d’un retailer, qu’il s’agisse de faire le lien entre l’ad-server et l’état du stock ou d’afficher des formats de type “sponsored product”. A court terme, ce n’est donc pas prévu d’y aller. A moyen terme, peut-être ?”

Edouard Dinichert (Triplelift)

“Le retail media fait partie, avec la CTV et notre produit cookieless Triplelift Audiences, des trois paris que nous faisons sur l’avenir. Trois paris qui, vous l'aurez remarqué, convergent puisque la croissance de la CTV comme celle de la data sont liées à celle du retail media. Raison pour laquelle je pense que le retail media pourrait représenter jusqu’à 50% de nos revenus d’ici deux ans. 

Nous voulons permettre aux retailers de répliquer off-site ce qu’ils font on-site. A savoir récupérer des composants liés au code du produit (SKU / ASIN) affiché en display on-site pour faire de même sur l’inventaire des milliers de publishers avec lesquels nous collaborons via des formats display, vidéo ou natifs. Des publishers qui nous font entièrement confiance puisque nous sommes une des rares adtech à pouvoir afficher leurs formats publicitaires au-delà de l’espace qui lui est, à l’origine, alloué, l’iframe. Qui plus est de manière programmatique, self-service et à grande échelle.

Nous discutons depuis plusieurs mois avec les principaux retailers et retail media networks aux Etats-Unis, dont certains sont déjà confrontés à une saturation de leur inventaire on-site et sont à la recherche de nouveaux leviers de croissance. L'objectif, c'est de leur proposer de faire du look-alike modeling sur leur data 1st party, pour permettre à leurs annonceurs de toucher via l'extension d'audience des populations statistiquement jumelles de leurs clients. Tout cela grâce à notre produit Triplelift Audiences, qui pourra se mettre en oeuvre au sein d'une clean room. Nous prendrons une commission qui dépendra de la complexité du format publicitaire que nous afficherons. Ce sujet de la PMP est l’une des priorités produit de Triplelift, un SSP qui faisait jusque-là beaucoup de business en open auction.

"Nous espérons officialiser nos premiers partenariats retail media d’ici la fin du premier trimestre"

Nous espérons pouvoir faire de premières annonces d’ici la fin du premier trimestre. Nous échangeons aussi beaucoup avec des technologies d’adserving on-site, comme Kamino et Criteo, avec lesquels nous avons des intérêts alignés, sur le volet extension d’audience. 

Je crois aussi dans notre capacité à proposer une offre d’extension d’audience de la donnée search, comme nous le faisons déjà pour le compte de LinkedIn et Bing. C’est, concrètement, transformer une pub search en pub native off-site. Le vrai challenge est de trouver le setup CPM/ data / créa/ contexte pour que les conversions offsite puissent être de taille à concurrencer celles du search on-site, à grande échelle. C’est le sens d’un POC que nous menons actuellement avec un retailer.

Pour conclure, j'aimerais rappeler que la créa reste une des zones d’innovation du retail media qui n’en est vraiment qu’à ses débuts…. Or selon Google et plusieurs autres études de ce type, 70% de la performance d’une publicité repose sur… sa qualité créative. C’est pour cela que TripleLift se sent particulièrement légitime pour entrer dans l’arène.”