- Son succès est encore niche, avec près de 1 000 utilisateurs, mais les ambitions sont élevées.
- Cette application française fondée par deux anciens de M6 Pub veut réunir le meilleur des deux mondes : les codes visuels des réseaux sociaux et la qualité de l’info des médias traditionnels.
Faire en sorte que les réseaux sociaux ne soient pas la seule source d’information des jeunes. Et s’assurer que ces derniers accèdent à une information fiable et diversifiée. C’est l’ambition de Swen (prononcer Sven), une application de news lancée en juin dernier par deux anciens de M6 Publicité, Théophile Gucia et Laurent Codaccioni.
Leur constat ? Si nos parents avaient de vrais réflexes au moment de vouloir s’informer, en allant piocher dans les éditions papier du Monde, du Figaro, de Libération ou de la PQR selon les affinités, c’est un peu plus compliqué pour les jeunes générations. “Pas plus Le Monde que France Info ne sont des applications référentes pour ces audiences”, estime Théophile Gucia. Leur source d’information principale, ce sont les réseaux sociaux, Instagram, TikTok et Snap en tête... Des environnements où il est difficile pour les marques médias d’exister, la faute à la concurrence des créateurs de contenus en tous genres. Et des environnements qui ne sont pas épargnés par les problématiques de fake news, en témoigne cette étude de Newsguard qui révèle que TikTok abreuve ses nouveaux utilisateurs de fausses informations concernant le vaccin ou le changement climatique.
Forcément problématique, rappelle Théophile Gucia. Avec Swen, l’entrepreneur fait le pari de réunir le meilleur des deux mondes : les codes visuels des réseaux sociaux (Swen est une appli 100% vidéo) et des contenus de qualité, grâce aux partenariats noués avec une trentaine de partenaires médias établis (TF1, 20 Minutes, Explore Media…). “L’objectif, c’est de repenser l’expérience utilisateur pour coller aux codes de la Gen Z”, précise Théophile Gucia. Vous avez plusieurs moyens d’entrer en contact avec l’information sur Swen : une page d’accueil, où défilent les publications vidéos des médias auxquels vous êtes abonné, un onglet Discover où sont référencés l’ensemble des partenaires (que vous êtes évidemment encouragés à suivre) et, surtout, des tags thématiques, affichées en haut de la page d’accueil, pour vous permettre de creuser certains sujets.
Ces tags peuvent correspondre à une rubrique (gaming, ma planète, en France…) ou customisés selon l’actualité. Au moment de notre interview avec Théophile Gucia et Laurent Codaccioni, c’était le tag “God save the queen” qui était en première place et permettait d’accéder à l’ensemble des publications liées au décès de la reine. Le partenaire média peut, lorsqu’il uploade ses contenus au sein de Swen, associer un tag à chacun d’entre eux. Sinon Swen se chargera de la labellisation. “Nous travaillons sur un algorithme qui permettra de détecter les thématiques de chaque contenu uploadé en analysant le titre et les métadonnées", précise Laurent Codaccioni. Un autre algorithme, déjà présent lui, est chargé de pousser des contenus adaptés aux centres d’intérêts de l’utilisateur. “On prend en compte les performances de chaque contenu (le reach, le taux de partage) mais aussi la diversité des points de vue”, précise Laurent Codaccioni.
Faire un tour sur Swen, c’est parfois se demander si l’on n’est pas tombé par erreur chez Snap Discover. La section média de Snapchat et l’application 100% vidéo ont en effet quelques ressemblances. Ressemblances que Laurent Codaccioni balaie toutefois d’un revers de la main.“La première grosse différence, c’est la nature du contenu, celui proposé au sein de Discover étant essentiellement du divertissement alors que nous faisons de l’actu. La seconde, c’est celle de l’UX, du fait de notre mécanique de tags thématiques à découvrir.”
Que trouve-t-on sur Swen ? Des vidéos qui durent entre 45 secondes et plusieurs minutes (avec une moyenne autour des 2 minutes 30). “Beaucoup reprennent des contenus qu’ils ont réalisés pour Instagram, d’autres essaient de tester de nouveaux formats”, précise Théophile Gucia. L’audience relativement confidentielle de Swen (près de 1 000 utilisateurs) et l’absence de modèle économique (pour l’instant) laissent peu de place aux expérimentations coûteuses. Pas de minimum garanti à la Snap ou d’outils de reporting. Cela viendra sans doute avec le temps. En attendant, les médias partenaires profitent de la perspective de toucher un public jeune, qu’ils ont, eux-mêmes, de plus en plus de mal à capter sur leurs applications et réseaux sociaux.
Michaël Fromentoux, directeur du développement digital de 20 Minutes France, ne dit pas autre chose lorsqu’il explique que “le fait d'être sur Swen s’inscrit dans une logique d'être partout où les gens sont et, dans ce cas précis, d’être là où les cibles jeunes sont et seront.” L’activité de 20 Minutes, qui fait partie des 3 médias qui cumulent le plus de vidéos vues sur la plateforme, s’inscrit surtout dans une démarche de visibilité et de notoriété. Swen ne fait en effet pas de renvoi de trafic (pour l’instant ?). Il faut de toute façon lui laisser le temps de grandir. L’application ne propose, à date, qu’une dizaine de nouvelles vidéos par jour. C’est évidemment peu et “ça va augmenter en même temps que de nouveaux médias, notamment des acteurs de l’actu chaude, vont nous rejoindre”, précise Théophile Gucia.
50 partenaires médias d'ici la fin de l'année
Swen espère réunir 50 partenaires médias d’ici la fin de l’année. Des partenaires qui devraient se voir proposer, courant 2023, de partager les revenus publicitaires réalisés au sein de l’application. “La publicité sera le pilier de notre modèle économique, parce que les jeunes ne sont pas prêts à payer pour s’informer et que l’on veut être accessible à tous”, justifie Théophile Gucia. De la publicité mais pas n’importe quelle publicité. “On ne veut pas de publicité qui pollue l’expérience utilisateur.” Pas de pré-roll ou de mid-roll donc, qui sont certes intrusifs mais aussi les formats les plus rémunérateurs. “On va travailler sur des pub in-feed et sur un modèle de brand content qui je pense sera plus valorisant à faire sur Swen que les réseaux sociaux traditionnels.” Et de donner l’exemple d’un tag qui serait sponsorisé. “On va travailler avec les médias partenaires sur les moyens de peaufiner ça.”
L’application, qui a été incubée chez Euratechnologies et espère boucler une levée de fonds d’ici la fin de l’année, veut profiter de l’audience de TikTok et Instagram pour y créer des communautés hyper engagées qui se rendront, in fine, chez elle. “Sur TikTok, on pense proposer des nouveaux formats type micro-trottoir grâce à un community manager qui vient d’être recruté”, précise Théophile Gucia. Sur Instagram, ce sont plutôt les nouvelles fonctionnalités et les nouveaux partenaires qui seront mis en avant. De quoi permettre à Swen de devenir, in fine, l’application d’information référente pour les moins de 30 ans, espère ses deux cofondateurs.