27 February 2025
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Le marché de la publicité programmatique est confronté à un véritable problème de transparence financière. Selon les conclusions du livre blanc publié par l’Alliance Digitale, seuls 50 à 70% des investissements des annonceurs parviennent réellement aux éditeurs. Un manque de traçabilité qui suscite de vives interrogations au sein de l’écosystème publicitaire.
Hoai Nguyen, directeur data et tech de GroupM, qui a travaillé sur ce livre blanc, identifie quatre freins majeurs à la traçabilité des investissements publicitaires. D’abord, le refus de partage des données par certains acteurs du marché. “Certains vendeurs, SSP ou même DSP ne souhaitent pas communiquer de manière granulaire sur les flux financiers, ce qui crée une asymétrie d’information”, explique-t-il.
Ensuite, la complexité de l’écosystème accentue ce manque de transparence. “Une enchère peut emprunter jusqu’à 500 chemins avant d’atteindre un DSP, rendant toute tentative de suivi extrêmement ardue”, illustre Prya Saint Olive, chief data officer et digital officer de CMI.
S’ajoute à cela une résistance au changement. “Ceux qui bénéficient de l’opacité actuelle n’ont aucun intérêt à faire évoluer le système”, déplore Hoai Nguyen. Enfin, la méconnaissance des annonceurs quant au fonctionnement réel de la chaîne programmatique constitue un obstacle supplémentaire.
Côté éditeurs, la difficulté majeure réside dans l’accès aux données. “Aujourd’hui, nous savons combien nous touchons d’un SSP ou d’un revendeur, mais avoir une vision détaillée des flux reste un parcours du combattant”, regrette Prya Saint Olive.
De plus, la multiplication des plateformes et l’hétérogénéité des données rendent la réconciliation financière presque impossible. “Même lorsque l’on accède à des données fines, les coûts d’infrastructure et de traitement sont énormes”, ajoute-t-elle.
Du côté des annonceurs, le constat est tout aussi alarmant. Rim El Bekkaoui, responsable expertise médias de Bouygues Telecom, souligne le manque de visibilité sur la répartition des investissements. “Un annonceur pense qu’il paie des frais de DSP et de Trading Desk, mais il ne réalise pas toute la complexité de la chaîne”, indique-t-elle.
Elle insiste sur le besoin de pédagogie et de vulgarisation pour aider les annonceurs à comprendre où va leur argent. “Aujourd’hui, qui maîtrise vraiment le programmatique chez les annonceurs ? Peu de monde. C’est un véritable enjeu”, affirme-t-elle.
Le Supply Path Optimization (SPO) est souvent présenté comme une solution clé pour optimiser la chaîne d’achat programmatique. Hoai Nguyen explique la méthodologie adoptée par Group M . “Il faut analyser les chemins d’achat, éliminer les intermédiaires inutiles et négocier des taux de commission plus avantageux”, détaille-t-il.
Mais cette stratégie n’est pas suffisante pour assurer une transparence totale. Prya Saint Olive insiste sur la nécessité d’une démarche proactive de la part des éditeurs. “Nous devons jouer le jeu, partager nos données et soutenir les initiatives qui favorisent la réconciliation financière”, souligne-t-elle.
Si la transparence progresse doucement, il reste encore un long chemin à parcourir pour rétablir la confiance entre les différents acteurs du marché programmatique. “Il faut que chacun accepte de prendre ses responsabilités, que les annonceurs exigent plus de clarté et que les éditeurs adoptent des pratiques plus éthiques”, conclut Rim El Bekkaoui.
Un équilibre entre monétisation et transparence est donc crucial pour assurer un marché plus sain, où chaque euro investi serait clairement traçable. Mais sans volonté commune de réformer l’écosystème, les zones d’ombre risquent de persister encore longtemps.
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