Neal Robert (BEM Builders) : "C’est déjà extraordinaire d’avoir des milliers d'utilisateurs au sein de The Sandbox ou Decentraland"


  • Difficultés de Meta à imposer son métavers Horizon World, intérêt des marques à investir le Web3, freins à l’adoption des mondes virtuels décentralisés… Neal Robert, co-fondateur de BEM Builders (pour “Brand Experience in Metavers”), qui travaille avec des marques comme Carrefour, LeaderPrice, Monoprix, Gucci, Heineken ou Samsung, a répondu à nos questions.

Minted. A l’automne 2021, Facebook devenait Meta et affichait de fortes ambitions pour son métavers Horizon Worlds, avec notamment l’objectif d’avoir 500 000 utilisateurs fin 2022. Un an après, le succès n’est pas vraiment au rendez-vous…

Neal Robert. Effectivement, les résultats ne sont pas à la hauteur des ambitions partagées par Mark Zuckerberg il y a un an. Il y a plusieurs raisons, et en particulier la contrainte technologique : Horizon World nécessite un casque de réalité virtuelle, qui reste un terminal de niche. Même si une accessibilité d’Horizon World sur smartphone et ordinateur est prévue à l’avenir, pour l’instant le casque reste nécessaire, ce qui freine l’adoption.

Un autre écueil tient à la façon encore limitée avec laquelle les utilisateurs évoluent dans cet univers virtuel, sous la forme d’un avatar sans jambe - même si les choses vont changer à l’avenir. Ne pas avoir de jambe, ça empêche beaucoup de choses qui sont familières dans les autres mondes virtuels, comme sauter d’une plateforme à l’autre, réaliser des missions, etc. Mais il vaut mieux ne pas avoir de jambes que d’avoir des jambes qui n’ont pas le bon référentiel par rapport au monde physique, car en réalité virtuelle, tout décalage de perception crée un malaise chez l’utilisateur. 

Et puis, il y a aussi sûrement la question de l’âge, puisque l’accès à Horizon World est limité aux plus de 18 ans. Quand on regarde les plateformes les plus populaires, comme Roblox, on est plutôt sur une cible 12-15 ans, avec des usages massifs sur cette population.

En tant qu’agence, vous ne conseillez donc pas forcément aux marques d’investir sur Horizon Worlds ?

Nous sommes agnostiques et travaillons dans tous les environnements. Meta, c’est Facebook dans le virtuel, donc un réseau social qui permet de se rencontrer à travers un avatar, de façon synchrone, plutôt que via un feed. Mais ça reste Facebook, un espace centralisé, avec une propriété de la donnée et la récupération d’une grande partie de la valeur. Ça ne veut pas dire que ce n’est pas bien, c’est une évolution naturelle des réseaux sociaux.

"Le vrai intérêt des mondes virtuels pour les marques, c’est l’UGC, avec le pouvoir des utilisateurs et de la communauté"

Donc tout dépend des souhaits de la marque. Il y a des expériences à imaginer sur Horizon Worlds autour du hub social et du divertissement, même si on ne bénéficie pas des mêmes opportunités offertes par le Web3, avec la co-création, la collaboration et la co-responsabilité qui sont permises par la décentralisation. Car le vrai intérêt des mondes virtuels pour les marques, c’est l’UGC, avec le pouvoir des utilisateurs et de la communauté. 

Justement, avez-vous un exemple d’une marque qui a bien saisi l’intérêt de la communauté ?

Avec Carrefour, nous avons créé récemment des NFBees, liées à des abeilles, qui permettent de financer les actions de la Fondation de France en faveur de la préservation des abeilles dans le monde physique. Ces NFTs vont débloquer également des expériences éducatives et ludiques en ligne, sur The Sandbox, ainsi que l’accès à des avantages dans le monde physique, comme le miel qui a pu être produit grâce aux actions de protection.

Après un premier drop en mai, nous en avons réalisé un second cet été. Au total, il y aura 15 abeilles avec des raretés différentes, plus une, qui a été co-créée avec la communauté sur Discord. Pour Carrefour, cela s’inscrit vraiment une vision long terme, avec une complémentarité d’expériences et des intérêts dans le métavers qui sont révélés progressivement.

Pourtant, les plateformes décentralisées comme The Sandbox ou Decentraland n’ont pas non plus des taux d’adoption très importants…

On ne peut pas vraiment comparer les 200 000 utilisateurs d’Horizon World avec les milliers d’utilisateurs des plateformes Web3. Ces quelques milliers d’utilisateurs sont des participants et des défenseurs d’un écosystème qui repense tout. C’est déjà extraordinaire d’en avoir autant, malgré les contraintes techniques. Le jour où on aura levé les contraintes d’accès, on pourra faire de l’acquisition en masse. On voit déjà la force de l’UGC avec le succès des plateformes comme Minecraft ou Roblox.