25 septembre 2025
Temps de lecture : 6 min
Monstre Google ©Cyrille Frank v/ Midjourney
Google Overviews, ces résumés crées par l’IA générative de Google, situés au dessus des résultats de requête, sont apparus en Suisse notamment, le 26 mars dernier.
Le Temps a fait deux mois plus tard une étude approfondie sur l’impact de Google sur les taux de clic des résultats adossés à ces résumés. L’équipe marketing est venue nous présenter fort gentiment les résultats de cette étude au festival The Audiencers qui réunit la crème des directeurs digitaux et marketing médias (et pas que).
Le résultats est édifiant : les taux ce clic du journal suisse ont été divisés par deux, entre la période située avant et après l’introduction des Google Overviews.
Ces résumés créés par l’IA générative de Gemini détruisent littéralement les taux de clics des liens situés dessous.
Google se veut rassurant et assure que les taux de clic globaux des sites enregistrés dans la search console ne sont pas affectés. D’où vient cette très nette différence d’appréciation ?
La réponse est claire : elle tient au faible volume de requêtes impactées – pour le moment – par AIO.
En somme, les résumés n’apparaissent encore pas très souvent au dessus des recherches des utilisateurs. Google fait des tests pour le moment et il ne veut sans doute pas effrayer trop les médias (et ses clients hors-médias).
Comme résume une participante du festival :
« nous sommes comme la grenouille qui cuit lentement » (dans l’eau du bouillon qui chauffe progressivement).
C’est ce que montre le graphique suivant, avec une montée en charge progressive des AIO dans les résultats de recherche de Google.
Autre découverte notable de l’équipe du Temps : la nature des contenus concernés par les AIO évolue. Au début il n’y avait que des « evergreens », c’est à dire les contenus pratiques, guides d’achat, sujets magazines froids (bien choisir son poêle à granules ou bien isoler ses fenêtres).
Or, c’est de moins en moins le cas. Les news rattrapent en proportion les evergreens. Le Temps l’a mesuré depuis début juillet, la proportion grimpe en même temps que les AIO montent en puissance. De une sur quatre, à une sur trois sur une durée de trois mois.
C’est vrai que Discover a largement pris le pas sur le search pour une majorité de sites d’actualité. Ces pushs de contenus personnalisés sur Chrome et l’appli Google représentent jusqu’à 80% du trafic des sites d’actualité.
Au Temps, Discover et Google Actu totalisent 70% de leur trafic. Une audience beaucoup plus volatile et difficile à capter que peu de médias parviennent à comprendre, même s’il existe des bonnes pratiques identifiées.
Il y a une double erreur dans cette façon de minorer la gravité de la baisse du trafic potentiel sur le search, au motif que Discover est déjà dominant.
Comme le souligne Olivier Martinez, expert et auteur de la newsletter IA Pulse, « avant tout, il est déjà étonnant que les médias aient accepté une situation de dépendance pareille. 70% de son business entre les mains d’un seul acteur ? Aucun chef d’entreprise responsable n’accepterait un pareil risque ».
« Par ailleurs, poursuit-il, les médias oublient un point clé avec ce raisonnement : c’est que le trafic qui rapporte de l’argent n’est pas sur Discover. Il est sur le search, sur les evergreens précisément, les guides d’achat, l’affiliation des dossiers pratiques, mêmes si le volume de trafic est faible. Cette chute de revenus va en faire mourir plus d’un (sous-entendu d’éditeurs).
Depuis cet été, plusieurs annonces se sont succédé sur Discover. L’agrégateur de liens n’est plus la manne de trafic à laquelle ont été habitués les médias .
D’abord, Google Discover s’apprête à intégrer Instagram et X pour devenir un flux hybride entre actus et réseaux sociaux. Discover était déjà beaucoup plus ouvert que le search à tout type de contenus, y compris de marque, pour peu que l’utilisateur s’y intéresse. Mais noyé au milieu d’un nombre croissant de sources commerciales et maintenant sociales, le trafic pour les médias risque fort de s’effondrer.
Et c’est loin d’être fini. Google va bientôt déployer ses AI Overviews dans Discover. Les utilisateurs américains voient déjà apparaître des résumés générés par intelligence artificielle à la place du traditionnel titre accompagné du logo.
Oliver Martinez résume : « en gros, si je suis éditeur, Discover je ne peux plus compter dessus ».
« La tendance de fond, c’est la personnalisation. Avec Discover tu peux personnaliser ton flux social (aux USA, tu peux dire j’aime, j’aime pas, je veux le NYT, je ne veux pas de telle source – aux USA ) »
Et de manière générale, sur de nombreuses plateformes, on peut dire facilement « je veux ou je ne veux pas de ce contenu ». C’est le cas sur le Now Brief des Galaxy S25, ou du DailyHub des Pixel 10 de Google, même si ce dernier a retiré la fonction peu aboutie, pour le moment.
L’hyper personnalisation du flux par simple clic sur un bouton existe aussi sur Twitter. C’est le symptôme de la mort de l’algorithme lui-même et de ses critères de classement, puisque ces critères varient pour chaque individu.
Google a annoncé le 18 septembre 2025 l’arrivée de Gemini, son intelligence artificielle maison, directement dans le navigateur Chrome. La fenêtre conversationnelle remplace celle du search.
« Il te dit comment faire ton gâteau au chocolat, il répond aussi à tes questions sur les news (même si pour le moment Google fait attention à ne pas trop y toucher). Et la recherche conversationnelle fait tomber les taux de clic à zéro » explique Olivier.
Les sources ont beau être présentes, dans l’interface, personne ne clique. C’est le nombre des sources qui intéresse et rassure les gens montre notamment cette étude de juillet 2025. Plus il y en a, plus ils ont confiance en le message délivré. Mais ils ne cliquent quasiment pas.
« On a l’impression que les médias sont surtout occupés à gérer le court-terme. Comment reprendre des positions dans Google ou Google Discover… Comment être bien référencé sur les plateformes (via le SGO – search generative optimization). Evidemment, on doit gérer le quotidien et l’urgence. Mais il faut regarder au-delà. Il y a peu d’anticipation ».
En réalité, pour Olivier « C’est bientôt fini les liens bleus. On vit la même époque que la fin des annuaires début des années 2000 avec Yahoo qui intègre Google et renonce à ses web-surfers. Le mode d’accès à l’information change totalement avec l’interface conversationnelle et la voix. »
1. Devenir prestataire de data pour les plateformes ? Une base de données et on arrête de se prendre la tête sur la forme ? Le « dark kitchen » des IA ? C’est une option possible, mais pas celle qui bénéficie le plus aux médias et à la liberté de l’information…
2. Innover. Devenir eux-même des entreprises techno, fournir des interfaces qu’ils contrôlent. C’est sur quoi travaillent les New York Times, Washington Post ou WSJ.
« Il y a hélas un problème de culture, de compétences et de moyens financiers au sein de la plupart des médias historiques. Et aussi de volonté, les milliardaires ne veulent pas des médias utiles, ils veulent des outils d’influence. C’est un vrai souci en France. » juge Olivier.
3. Proposer des données structurées aux LLM, aussi. Proposer deux versions de son article. Le récit d’une part, le résumé factuel d’autre part. C’est les 6 w en somme (qui fait quoi, où, quand,comment, avec quelles conséquences ?)
4. Incarner l’information. Proposer aussi une version beaucoup plus humaine, sincère et proche des lecteurs. Faire ce que font les Youtubers, les Twitchers, les Instagramers depuis des années en somme. Accepter l’interaction, le retour des utilisateurs, surtout s’ils sont stupides écrivais-je moi-même il y a 12 ans. C’est précisément le temps qu’il a fallu à tous ces influenceurs pour fidéliser leur public..
Conclusion : les médias doivent anticiper les risques bien au-delà de la baise de trafic. C’est leur rôle qu’ils doivent repenser et leur offre de service. On a plus que jamais besoin de médias, mais sans cette réflexion, leur viabilité est en danger, ce qui est dramatique pour la démocratie.
Stratégies possibles :
Enjeu : préserver leur rôle démocratique face au risque de dépendance totale.
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