30 juin 2025
Temps de lecture : 5 min
La plage The Brandtech Group aux Cannes Lions 2025. Crédits : The Brandtech Group.
Le sujet de l’IA générative était prédominant lors de l’édition 2025 des Cannes Lions, la grande messe annuelle dédiée à la publicité et à la communication. Si la technologie était déjà au cœur des discussions l’an dernier, elle semble être devenue plus concrète, en intégrant de nombreuses solutions présentées notamment lors de l’événement. Pour Pierre Harand, CEO de fifty-five, l’IA crée une révolution comparable à celle que le secteur a connu avec le digital il y a une quinzaine d’années.
Pourtant, il est étonné qu’aucune campagne générée avec l’IA générative n’a été retenue cette année aux Awards des Cannes Lions. « Le palmarès créatif n’a pas montré une once d’IA générative, alors que les technologies sont arrivées à maturité », souligne-t-il.
Un exemple marquant, selon lui, est la première publicité télévisée entièrement réalisée avec de l’IA générative pour la finale de la NBA. Elle est « impeccable » selon Pierre Harand. Plus impressionnant encore est son coût et son temps de production: « Son créateur l’a réalisé en moins de 48h pour 2.000 dollars contre des millions de dollars et des mois de préparation auparavant ».
Pourquoi les agences semblent encore réticentes à s’approprier l’IA générative ? Selon le CEO de fifty-five, cela peut s’expliquer par une résistance au changement. L’IA générative peut être considérée comme une menace, plutôt que comme un outil, en raison des implications humaines: « Ce genre de spot nécessitait le travail d’une centaine de personnes. Désormais, une ou deux personnes suffisent », observe-t-il. Les petites agences, elles, se positionneront sans doute plus rapidement pour des raisons d’économie de coût.
Une chose est sûre, c’est que l’IA générative va permettre une « démocratisation » de la création de contenu de haute qualité. Cela promet une « profusion de contenu de qualité hyper créatif », selon Pierre Harand. Des jumeaux numériques, sorte d’ambassadeur d’une marque ou d’un produit (on peut imaginer avoir une conversation avec le tigre de Frosties) pourront facilement voir le jour et avoir leur propre personnalité. Mais ce développement rapide demandera de doubler de vigilance afin de distinguer le réel et le généré.
Dans cette optique de multiplication des possibilités créatives, The Brandtech Group, la maison mère fifty-five, a fait l’acquisition de Pencil il y a deux ans, une plateforme SaaS de création et de diffusion publicitaire qui utilise l’IA générative. Elle permet de diviser par deux le coût et le délai de production des créas. « Cela permet de créer dix fois plus de créas, passant de deux ou trois variantes d’une campagne à 20 ou 30, adaptées à différentes plateformes et visuels », explique Pierre Harand. Une vision complétée par Mathieu Spick, vice-président en charge de la stratégie média pour Jellyfish, qui fait aussi partie de Brandtech. « L’IA est cruciale pour s’adapter rapidement aux différentes plateformes et leurs codes. Par exemple un format YouTube doit durer 6 secondes contre 20 secondes sur Twitch », indique-t-il.
Cette capacité à générer un grand volume de créations diverses lève le « talon d’Achille de l’hyperpersonnalisation », selon le CEO de fifty-five, à savoir le manque de créas variées pour des segments d’audience précis.
Cette approche mène à l’outil « Creative Analytics » développé par fifty-five, qui permet de créer et d’évaluer les créas en fonction de leur impact sur les ventes. Les données décident quelle création fonctionne le mieux pour quelle audience sur quel canal, permettant une optimisation objective et rapide face à une combinatoire trop élevée pour l’intuition humaine.
En travaillant main dans la main avec Pencil, fifty five et Jellyfish alimentent le « Brandtech Brain ». L’objectif est de travailler les connexions avec d’autres marques du groupe pour apporter le socle de données dont les outils ont besoin pour performer au mieux.
Ce concept vise à alimenter l’IA avec un maximum de données pour lui transmettre tout le patrimoine d’une marque. Il s’agit de briefer l’outil avec toutes les informations sur la marque (positionnement, cibles, valeurs, produits, guidelines) pour que les créas générées ne soient non pas génériques, mais « plus performantes et plus spécifiques ».
Au-delà de la productivité et malgré l’avancée de l’IA pour la mesure, le secteur reste confronté à des défis de transparence et à une complexité croissante des plateformes.
Pierre Harand est convaincu que le « marketing mix model » est l’avenir de la mesure média. Selon lui, il ne s’agit plus « d’études qu’on rendait sous forme de PowerPoint une fois par an », mais d’une « nouvelle génération », intégrant l’IA.
Ces interfaces en ligne, connectées en temps réel aux données, offrent une meilleure analyse et granularité, permettant de voir l’impact de chaque canal digital sur les ventes, non seulement à l’échelle nationale mais aussi par produit et par magasin. Les données sont mises à jour tous les mois, offrant une « fraîcheur essentielle ». Les outils de MMM permettent aussi de faire des simulations en quelques clics pour optimiser les allocations budgétaires et trouver les scénarios les plus performants.
Et contrairement aux études traditionnelles coûteuses (plusieurs millions d’euros pour les grands groupes), les nouveaux MMM coûtent « moins de 100.000 euros », affirme le patron de fifty-five, pour un outil qui tourne ensuite seul. Cela le rend accessible aux plus petits annonceurs selon lui.
Chez Jellyfish, l’IA est utilisée pour entraîner des modèles statistiques (son outil interne Now.Next.Soon notamment) qui mesurent l’impact réel des investissements média sur les ventes ou la brand equity. Ces modèles intègrent de nombreuses données externes (météo, prix, promos, concurrence, données de panel comme celles de YouGov pour la notoriété et la considération) pour augmenter leur précision. L’objectif est de « donner de la transparence, de la clarté sur l’impact », précise Mathieu Spick, et d’aider au média planning.
Une chose est sûre selon le vice-président en charge de la stratégie média pour Jellyfish, la technologie publicitaire devient « encore plus tech qu’avant, encore plus complexe », avec une multiplication des solutions d’intégration entre les différentes plateformes. Les annonceurs ne peuvent plus se contenter d’une seule plateforme. Le défi est de « gérer plusieurs plateformes tout en étant cohérent dans sa stratégie média et sa stratégie d’audience sans faire des surcoûts », explique Mathieu Spick. Les parcours client dans certains secteurs comme le voyage sont très fragmentés. Ce qui demande « d’être partout sans dépenser son budget trop rapidement« .
Parmi les nouvelles plateformes figure la CTV, autre buzzword de cette édition des Cannes Lions 2025, mais aussi nouveau terrain de jeu pour les acteurs de l’adtech. Selon Mathieu Spick, elle marque un retour à des stratégies média plus équilibrées et « à l’ancienne », après une période de prédominance du full digital et du data-driven.
La CTV offre un environnement premium avec des écrans de grande taille et une attention du spectateur « bien plus forte que la plupart des leviers qu’on active aujourd’hui ». Elle permet de raconter des histoires, rappelant les « gros films publicitaires d’antan avec des ponts émotionnels, des ponts humoristiques », se souvient le représentant de Jellyfish.
Contrairement aux plateformes sociales (YouTube ou Meta) qui exigent un logo visible dès la première seconde en raison d’une attention faible, la CTV permet de revenir à des narrations plus longues et émotionnelles. Les vidéos plus longues, non skippables, permettent de raconter des histoires émotionnelles. Elle est un levier clé pour le « brand building » à moyen et long terme et c’est pourquoi des marques telles que Nike, Coca et L’Oréal l’ont déjà adopté.
Le marché de la CTV, encore en expansion, montre encore des disparités dans les offres et les performances.
« L’écart de prix sur la CTV est énorme, allant de 3-4€ à 40€. Le défi est de trouver le bon équilibre entre la couverture sur cible et le coût, tout en maximisant l’attention », précise Mathieu Spick. La pression publicitaire varie également selon les plateformes. Il est crucial pour les annonceurs de comprendre cette dynamique pour éviter les mauvaises expériences utilisateur et choisir des environnements adaptés à leur marque. Netflix et Max ont par exemple une pression publicitaire bien contrôlée, mais elles sont plus chères.
Selon lui, il semble néanmoins y avoir une tendance à la concentration et à l’uniformisation de l’achat média sur la CTV, avec des alliances entre régies et plateformes (TF1/Netflix par exemple) pour offrir un inventaire plus large et simplifier la gestion. La CTV crée une « ébullition qu’on a pu connaître sur le programmatique il y a quelques années sur le display, avec de nombreuses start-ups qui se créent », conclut Pierre Harand.
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