8 septembre 2025

Temps de lecture : 3 min

Presque 3 milliards d’€ d’amende contre Google : pourquoi la note est-elle si salée ?

Google a triché à plusieurs niveaux et prélevé des frais excessifs. Cette amende n'est sans doute pas la fin de ses problèmes.

Google a été condamné vendredi 5 septembre 2025 à une amende record de presque trois milliards d’euros par la Commission européenne.

Ces dernières semaines, tous les signaux étaient positifs pour Google. Déjà épargné d’une vente forcée de son navigateur Chrome par la justice américaine, le moteur de recherche pouvait espérer une relative clémence de Bruxelles dans le cadre d’une procédure pour abus de position dominante dans la publicité programmatique.

Les planètes semblaient alignées: une nouvelle Commission aux discours plus conciliants et une certaine fébrilité européenne face aux menaces de droits de douane de Donald Trump.

Ces certitudes ont pourtant volé en éclats vendredi: contre toute attente, Bruxelles a choisi de frapper fort contre Google. Non seulement elle lui a infligé une amende de 2,95 milliards d’euros – quand les dernières indiscrétions évoquaient un montant « modeste ». Mais elle laisse aussi grande ouverte l’hypothèse d’un démantèlement de la machine publicitaire du géant américain.

« À ce stade, il semble que la seule façon pour Google de mettre effectivement fin à son conflit d’intérêts soit une mesure structurelle, comme la cession d’une partie de son activité adtech », explique Teresa Ribera, la nouvelle commissaire européenne à la concurrence. Avant d’en arriver là, la Commission va laisser à la société la possibilité de proposer des ajustements pour mettre un terme à ses pratiques anticoncurrentielles.

“Pratiques d’autopréférence” et frais plus élevés

Lancée en 2021, la procédure porte sur le rôle de Google dans la publicité programmatique. Le géant de Mountain View y occupe une place centrale: il agit simultanément comme vendeur, acheteur et plateforme d’échanges.

Surtout, il contrôle les outils les plus populaires à chaque étape du processus: le serveur publicitaire DoubleClick for Publishers (DFP), utilisé par les éditeurs pour gérer leurs espaces, les solutions d’achat Google Ads et DV360, utilisés par les annonceurs pour planifier leurs campagnes, et la bourse d’enchères en temps réel AdX.

Selon Bruxelles, Google a profité de la situation depuis 2014, mettant en place des “pratiques d’autopréférence” entre ses différents outils. Celles-ci lui ont permis d’accentuer sa position dominante sur le marché, en particulier celle d’AdX, au détriment de ses concurrents. Mais aussi des éditeurs de sites Internet et des annonceurs en facturant “des frais plus élevés”.

Concrètement, la Commission lui reproche deux pratiques. D’une part, d’échanger en temps réel des informations de DFP vers AdX. Par exemple, le premier partage à l’avance la meilleure offre concurrente, permettant ainsi à la seconde d’ajuster son offre pour s’assurer de remporter l’enchère. D’autre part, d’orienter prioritairement les campagnes des annonceurs de Google Ads et DV360 vers AdX, évitant les plateformes d’enchères concurrentes.

Ces pratiques contestées sont globalement les mêmes qui ont valu à Google d’être condamné en avril aux Etats-Unis, au terme d’une procédure judiciaire déposée par le département de la Justice. L’affaire n’en est qu’à ses débuts: de nouvelles audiences doivent avoir lieu en septembre pour déterminer les mesures correctives que devra mettre en place le groupe californien. Les autorités réclament la vente de DoubleClick et/ou d’AdX.

Et ce n’est pas fini : la menace d’un démantèlement plane

La Commission demande à Google d’interrompre ces pratiques. Elle lui laisse aussi un délai de deux mois pour proposer d’autres mesures correctives pour mettre un terme aux “conflits d’intérêts inhérents” dans la publicité programmatique.

Cette phase de négociations est habituelle, mais l’exécutif européen va cette fois-ci plus loin. Il menace, lui aussi, de forcer la cession de DoubleClick et/ou AdX. Une telle mesure, inédite sur le continent, avait déjà été évoquée en 2023 par Margrethe Vestager, alors commissaire à la concurrence, qui estimait qu’aucun remède classique ne permettrait de résoudre le problème. 

Pour éviter une telle issue, Google dispose de deux voies.

La première est de suivre la procédure, en proposant des garanties suffisantes pour répondre aux inquiétudes de Bruxelles. Au-delà de la promesse de ne plus accorder un traitement de faveur à AdX, il est possible que la société propose de placer DoubleClick et/ou AdX dans des filiales indépendantes – comme elle l’avait déjà proposé, sans succès, aux Etats-Unis.

La deuxième voie est judiciaire: le groupe a déjà annoncé son intention de faire appel – d’abord devant le Tribunal de l’Union européenne, puis devant la Cour de justice de l’UE, la plus haute juridiction des Vingt-Sept. Traditionnellement, les appels ne sont pas suspensifs, mais Google pourrait bien obtenir qu’une demande de démantèlement ne soit pas appliquée avant l’aboutissement, dans plusieurs années, de la procédure d’appel.

Reste une dernière inconnue: la réaction de la Commission devant les menaces de Donald Trump, qui s’est insurgé vendredi contre une sanction jugée “très injuste” et “discriminatoire”. Et qui a menacé l’Europe de représailles…

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