Claire Koralewski (Médiaperformances): “Il faut replacer le point de vente au cœur des stratégies retail média”

Après plus de 20 ans dans l’univers du retail, Claire Koralewski a rejoint Médiaperformances, régie retail media, il y a quatre ans pour piloter l’accélération digitale de l’entreprise et de ses filiales. Début 2024, elle est nommée directrice générale. Échange autour de l’avenir du retail media, dans un contexte où le parcours client devient omnicanal, et où les pratiques publicitaires évoluent en même temps que les nouvelles habitudes d’achat prises par les consommateurs.

Quel est le principal insight ramené du salon de la NRF 2025 ?

Alors que depuis plusieurs années, la tendance est à la dématérialisation des campagnes publicitaires, force est de constater aujourd’hui, un regain d’intérêt pour la communication sur les lieux de vente. Cela s’explique notamment par le fait qu’une grande majorité des achats se fait encore en magasin (environ 85% des ventes) et par la progression du DOOH indoor qui amène une plus grande maturité de l’offre concernant les espaces de communication digitaux sur les lieux de vente. La France est d’ailleurs plutôt en avance sur cette digitalisation de la publicité en magasin, par rapport à d’autres pays comme le Royaume-Uni ou les Etats-Unis, où le DOOH concerne encore principalement les espaces publics et les centres commerciaux. 

Quelles sont les innovations qui permettent de reconsidérer la publicité en magasin ? 

Cela passe notamment par l’IoT et deux formats: le “digital stopper”, un écran de 13 pouces qui permet de diffuser de courtes vidéos, et l’e-paper, un support sans fil, basé sur la même technologie que les étiquettes électroniques mais sur des formats plus grands (8 pouces, 13 et 32  pouces), en full-couleur, au lieu d’un ou deux couleurs pour les étiquettes.

Ces deux dispositifs présentent plusieurs avantages. Ils permettent de faire de l’A/B testing en magasin et de se rendre compte rapidement de quelle création transforme le mieux grâce à l’analyse des tickets de caisse. Ils permettent aussi de partager avec les marques plusieurs indicateurs de performance, à l’instar des actions digitales: nombre de personnes exposées, incrémental sur les ventes. Enfin, ils permettent d’être aligné avec ses engagements éco-responsables, puisque pour l’e-paper, il s’agit d’écran low energy, qui évite d’imprimer une ou plusieurs affiches et donc qui enlève aussi la partie transport jusqu’au magasin. 

Y-a-t-il une orchestration optimale de ces différentes solutions ?

Ces deux supports publicitaires ne répondent pas aux mêmes objectifs pour une marque et sont complémentaires. Le “digital stopper” est fixe et nécessite une prise, on ne peut donc pas le placer n’importe où dans le magasin ou le déplacer souvent. Il sera utilisé pour diffuser des contenus vidéo, plutôt dans le cadre d’une campagne notoriété et de branding. L’e-paper, quant à lui, est plus mobile et se décline en différents formats, ce qui permet par exemple, d’en placer un grand en entrée de rayon puis des plus petits dans l’allée et ensuite au niveau du produit. Il peut être associé ou non à une promotion, souvent au travers d’un QR code, mais il est important de rappeler qu’il s’agit d’une affiche digitale statique. Il peut également être positionné dans les rayons frais à l’intérieur même des frigos.

Pour déployer cette offre, vous avez mis en place un partenariat stratégique avec Vusion, pourquoi ?

Vusion est spécialiste des solutions IoT pour le commerce physique. Cette alliance fait donc complètement sens avec les 40 ans d’expériences qu’a Médiaperformances de la publicité retail media omnicanal dont le  point de vente. Ce partenariat nous a par exemple permis de déployer récemment un pilote pour le magasin Carrefour de Montesson, dans les Yvelines, où tous les contenus proposés en Retail Media ont été diffusés à l’aide des écrans digitaux cités précédemment. Un laboratoire qui a lieu depuis depuis  juillet de l’année dernière, et qui a permis d’atteindre des ROAS de 6 sur certaines campagnes ! 

De plus, pour paramétrer la diffusion des campagnes sur les écrans en magasin en retail media, nous avons créé ensemble, avec Vusion, une plateforme dédiée, un logiciel de gestion de qui pourra à l’avenir s’interconnecter aussi avec d’autres plateformes d’achat d’espaces publicitaires en programmatique. 

Qui s’occupe des créations digitales ?

Cela dépend des campagnes. Elles peuvent être fournies par l’agence de communication de la marque ou être créées par notre propre studio de création. Sur ce volet, nous testons l’IA générative, en particulier sur la partie idéation et facteurs clés de succès mais pas sur la totalité du processus créatif.

Y-a-t-il d’autres innovations technologiques qui participent à cette nouvelle interactivité en magasin ?

On peut citer les caméras intelligentes qui aident à l’analyse des flux en magasin. Mais, tout l’enjeu réside encore dans le bon respect des réglementations et notamment du RGPD, où il n’est pas possible, par exemple, d’utiliser la reconnaissance faciale. C’est une technologie qui va donc assurément gagner en maturité dans les années à venir. 

D’autre part, le mobile reste un canal d’activation dématérialisé de premier choix sur les lieux de vente, que ce soit au travers de notifications push, d’offres liées aux cartes de fidélité présentes dans le wallet ou des applications comme Fidme ou Fidall que Mediaperformances a racheté il y a quelques années. 

Comment cette évolution du retail media impacte la stratégie data des annonceurs ?

Les marques vont pouvoir de nouveau considérer les magasins à l’aune des audiences et non plus uniquement de leur géolocalisation. Le retail media en magasin vient ainsi enrichir la data shopper in-store. Il sera aussi possible, selon les audiences, d’arbitrer entre un dispositif de communication omnicanal, full-digital ou full-magasin, selon les habitudes de consommation du segment sélectionné.

Quelles sont les perspectives pour le retail media en magasin ? 

Cette nouvelle approche phygitale du retail media permet de reconsidérer le magasin comme un média et non uniquement sous le prisme du transactionnel. Cela ouvre également à de nouveaux modèles de commercialisation, non plus à la campagne mais potentiellement au CPM, comme ce qui est pratiqué en digital. Enfin, cela va faciliter l’établissement d’un plan média 360° cohérent entre ce qui est diffusé en bannière sur le site du drive et dans les rayons par exemple, dans une logique de “vision consolidée du consommateur”. Ce que nous appelons “la vision de shopper unifié”. Concernant l’évolution des campagnes, on peut citer l’exploitation de plus en plus courante des formats verticaux, utilisés sur les réseaux sociaux ou encore l’activation simultanée e-paper + mobile sur les dispositifs promotionnels.