Alexia Laroche-Joubert (Banijay): « Pour prompter, il faut avoir de l’expérience »

Seule sur la scène de la salle Gaveau où elle intervenait dans le cadre de la conférence MKIA, Alexia Laroche-Joubert s’est présentée comme une “passionnée” de l’IA. Un sujet qui l’intéresse de longue date, au point de faire d’elle aujourd’hui une transhumaniste – même si elle convient que c’est aussi un peu par provocation.

Elle évolue pourtant dans un secteur qui, de son propre aveu “utilise la tech, mais n’est pas précurseur”. D’où son enjeu de ces dernières années: “savoir comment, au-delà de mon intérêt personnel, j’allais amener tout le monde à me suivre”. Mais en dépit de son enthousiasme affiché pour la technologie, la dirigeante reconnaît “que ça a été beaucoup plus compliqué que je ne l’avais envisagé”… Notamment parce qu’elle s’est retrouvée “face à des collaborateurs qui étaient dans une position de retrait, d’appréhension et de protection de leur territoire.” 

“Pour prompter, il faut avoir de l’expérience”

Sa solution ? Débuter par une phase de sensibilisation, marquée par une intervention de Laurent Solly, le VP Europe de Meta, devant les équipes de Banijay pour “une première prise de conscience.” Puis, pour aller plus loin, la dirigeante a déployé un plan de formation, en commençant par les directeurs généraux des différentes filiales du groupe. “D’un seul coup, l’IA leur a paru plus accessible et moins technique: un outil du quotidien.” Et pour les motiver, l’utilisation de l’IA par leurs équipes a été ajoutée dans les critères de rémunération variable des dirigeants.

Comme dans beaucoup d’entreprises, la peur d’être dépassé – voire remplacé – par la technologie fait partie des freins les plus forts, sans compter les enjeux de propriété intellectuelle, exacerbés dans le secteur de la production audiovisuelle. Mais la dirigeante de Banijay se veut rassurante: “certains [directeurs de filiale] avaient peur de donner l’impression à leurs collaborateurs qu’ils allaient les remplacer par de l’IA, et d’autres pensaient qu’ils avaient dépassé l’âge limite pour ces outils. Je leur ai dit que c’était l’inverse ! Pour prompter, il faut avoir de l’expérience. L’IA redonne ses lettres de noblesse à l’expérience, à l’imagination et à la créativité”.

“Ceux qui ne seront pas formés seront sur le carreau”

Ceci étant dit, sa conviction est sans appel: “ceux qui ne seront pas formés seront sur le carreau.” De la création aux fonctions juridiques, en passant par la finance, le groupe de Stéphane Courbit propose donc “beaucoup de formations”, pour “qu’on update constamment nos collaborateurs”.

Dans le même esprit, Alexia Laroche-Joubert a pris aussi une mesure symbolique, mais pas si anecdotique: “j’ai appelé les RH et j’ai dit que dorénavant, je voulais une question sur l’IA dans tous les entretiens d’embauche.” L’idée n’est “pas tant pour dire que si vous ne connaissez pas l’IA, vous ne serez pas pris, mais plutôt d’évaluer le besoin de formation de nos différents collaborateurs.” 

De l’IA dans les scénarios et les programmes

En parallèle, Banijay a déployé de nouveaux outils, dont ceux de la startup française Genario, particulièrement utiles dans la fiction, aux côtés des outils généralistes du marché (Copilot, ChatGPT, LeChat, Perplexity, Adobe Firefly, Midjourney ou Canva). “C’est une aide à l’écriture, et nous avons formé tous nos auteurs, qu’ils soient permanents ou temporaires.” 

Alexia Laroche-Joubert cite d’ailleurs un cas d’usage: “par exemple, les plateformes de streaming commandent souvent huit épisodes, puis en cours de développement, ils choisissent de n’en faire que six. Ça semble assez simple, mais cela demande beaucoup de travail aux auteurs. Donc on l’a fait mouliner par une IA”.

Enfin en production, l’IA est de plus en plus utilisée pour générer des images, comme dans le programme Lego Master, “pour donner l’impression que l’architecture était en extérieur”, voire placée au cœur du concept de l’émission, comme avec l’émission espagnole “Deep Fake Love”, “une sorte d’île de la tentation’ où les couples doivent deviner le vrai du faux, alors que l’IA est utilisée pour transformer les visages.” Et ce n’est qu’un début.