TikTok, la vidéo et le gré à gré… les grands gagnants du marché pub français


  • C'est le rendez-vous incontournable du marché français du digital. L'observatoire de l'e-pub SRI, réalisé par Oliver Wyman, en partenariat avec l'Udecam, rendait son verdict pour le premier semestre 2022.
  • L'occasion de rappeler la santé insolente d'un secteur qui semble immunisé contre les guerres, l’inflation, la crise des matières premières ou encore les sempiternels retours du covid (croissance annuelle de 19%) mais pas que...
  • Minted a pris le temps de passer le rapport au tamis et vous dévoile les quelques signaux faibles qui auront une incidence sur votre business dans les mois à venir.

C’est à croire qu’il est immunisé contre les guerres, l’inflation, la crise des matières premières ou encore les sempiternels retours du covid… Le marché de la publicité digitale a connu un premier semestre exceptionnel, avec total de 4,3 milliards d’euros investis et une croissance annuelle de 19% selon l’Observatoire de l’e-pub SRI, réalisé par Oliver Wyman, en partenariat avec l’Udecam. “Si l’on met de côté la correction post coronavirus du premier semestre 2021,c’est le plus fort taux de croissance que l’on observe depuis des années”, se félicite Jean-Baptiste Rouet, président de la commission digitale de l’Udecam. 

Un excellent premier semestre… malgré un deuxième trimestre au ralenti

C’est la preuve de la résilience d’un secteur dont la capacité à apporter du business n’est plus à démontrer. Le social continue sa croissance à +27% tandis que le search et le display suivent la progression du marché global à plus de 20%. Toutes les typologies d’acteurs ont profité de la croissance du display, même si les sites d’informations (+13%) performent moins que les acteurs du streaming (30%) et les TV-radio (+29%). 

C’est aussi, sans doute, la preuve que les annonceurs ont appris de leurs erreurs. “On n’a pas eu une coupure significative des budgets lorsque la guerre s’est déclarée en Ukraine”, illustre Jean-Baptiste Rouet. Tout le contraire de ce qui c’est passé aux débuts du covid, avec des annonceurs qui ont, dans la panique, tout coupé… et ont eu, par la suite, toutes les difficultés du monde à reprendre la parole. “L’arrêt de la communication en a pénalisé plus d’un côté notoriété”, constate Jean-Baptiste Rouet.

Le patron de Dentsu, Pierre Calmard, faisait exactement le même constat dans notre émission First View spéciale Cannes Lions. “Les annonceurs français, qui ont toujours été les premiers à mettre les investissements en pause en contexte de crise, ne l’ont pas encore fait en 2022.” C’est vrai. Il faut néanmoins préciser que le premier trimestre a été excellent et qu’il masque un second trimestre “au ralenti”, de l’avis de Jean-Baptiste Rouet. Alors oui, les annonceurs ne coupent pas mais ils se préparent peut être doucement à des temps plus compliqués (voir plus bas).

L'explosion de TikTok fait beaucoup de mal à Facebook

On n’en est pas à dire qu’il y a péril dans la demeure mais il y a des signes qui ne trompent pas. Le royaume Meta vacille et le succès (qui ne se dément pas) d’Instagram ne suffit plus forcément à compenser le manque d’attrait du navire amiral, Facebook. Ce dernier ne cesse de perdre des parts de marché en même temps que le secteur du social ads délaisse la bannière display (l’ADN historique de Facebook) pour la vidéo. La part de marché de ce format est en effet passée de 34 à 48% des investissements du social sur un an. “La vidéo croît de 77% dans le social quand le display classique y plafonne à +1%”, chiffre la présidente du SRI, Sylvia Tassan-Toffola. 

TikTok est responsable des deux tiers de la croissance du social en France au premier semestre 2022

Les publicitaires collent, sans surprise, aux usages des internautes, qui sont devenus particulièrement férus de vidéos courtes sur les plateformes sociales. C’est d’ailleurs le champion en la matière, TikTok, qui est responsable des deux tiers de la croissance du social en France au premier semestre 2022, selon les chiffres de l’Observatoire. “Publicis Media y double ses investissements de mois en mois depuis début janvier”, illustre Jean-Baptiste Rouet, qui est également CPO du groupe média français. 

Il faut dire que TikTok, qui a cumulé 18,2 millions de visiteurs uniques en mai 2022, a vu son audience croître de près de 40% en l’espace d’un an. La plateforme est devenu un poids lourd du paysage publicitaire et c’est autant le fruit d’un virage programmatique réussi que celui d’une diversification de ses formats qui lui a permis de couvrir tant le haut du tunnel de conversion, avec des formats historiques comme le brand take over ou le hashtag challenge que le bas du tunnel, avec des formats plutôt orientés performances. 

L’explosion TikTok, couplée aux belles performances de Snap, a évidemment un impact sur les parts de marché de Meta. “Mécaniquement, cette dernière baisse un peu même si les investissements y restent en croissance”, constate Jean-Baptiste Rouet. Pas étonnant donc que Facebook prenne TikTok en exemple au moment de repenser son modèle (exit le social graph) . On voit d’ailleurs que la part de marché du trio Google - Meta - Amazon (GMA) décline pour la toute première fois. Elle chute de 68 à 66%. Rassurez-vous, les acteurs internationaux se portent toujours aussi bien au global. Le SRI a procédé, pour la première fois, à une distinction acteurs européens vers acteurs non européens et il ressort que la part de marché des premiers passe de 77 à 80% entre le premier semestre 2021 et le premier semestre 2022.

La vidéo est devenu le format de référence sur le Web

Les plateformes sociales ne sont pas les seules à s’être massivement converties au format vidéo. C’est également le cas de l’Open Web où 50% des investissements display sont désormais alloués à de la vidéo (contre 39% pour la bannière classique, soit une perte de 2 points de part de marché sur un an). Comment l’expliquer ? Ce n’est, à en croire Jean-Baptiste Rouet, pas grâce à la naissance de nouveaux formats hyper innovants. “Je pense qu’on a déjà quasiment tout inventé”, estime le dirigeant. Non, c’est plutôt le fruit d’une évolution des usages. 

Sur le Web, on ne lit plus, on visionne et, sans surprise, les budgets pub évoluent en conséquence

“La vidéo est devenue le format narratif plébiscité par les internautes”, poursuit Jean-Baptiste Rouet. Sur le Web, on ne lit plus, on visionne et, sans surprise, les budgets pub évoluent en conséquence. “Développer de l’inventaire vidéo est devenu l’une des priorités des régies françaises”, observe Sylvia Tassan-Toffola. Du site d’info à l’ADN papier, comme Le Figaro, qui lance sa chaîne Figaro Live jusqu’à la chaîne de TV, TF1, qui prend elle les virages CTV et vidéo sociale.

Les choses devraient s’accélérer dans les mois à venir, avec l’arrivée des offres de Disney+ et Netflix, qui ont annoncé le lancement d’une offre d’advertising video on demand (AVOD) en 2022 pour le premier, 2023 pour le second. Encore une preuve de la résilience du modèle publicitaire selon Sylvia Tassan-Toffola. “Il y a trois de cela, on ne jurait que par le payant et la SVOD. La crise est venue rappeler l’importance d’un modèle hybride.” Proposer de la publicité, c’est, in fine, se donner les moyens d’alléger la facture du client. Et c’est ce que Reed Hastings a fini par conclure, après plusieurs augmentations tarifaires ces dernières années. 

Le gré à gré croit plus fort que le programmatique

C’est une première… mais pas vraiment une surprise pour ceux qui sont familiers des dynamiques en agence média. La croissance du gré à gré (investissements réalisés via des ordres d’insertion) est plus forte que celle du programmatique (investissements réalisés via des DSP). Plus 26% pour le premier, contre plus 21% pour le second. Pas de quoi renverser le rapport de force, bien sûr, mais suffisant pour stabiliser, pour la toute première fois, le poids du programmatique au sein du display. Sa part de marché reste à 65%, comme au premier semestre 2021.

“Certaines agences médias se rendent compte que passer un OI est moins coûteux que d’opérer des outils programmatiques, qui prélèvent tous leur commission sur le média”

Plusieurs explications à cela. D’abord, le manque de ressources des agences médias qui, confrontées à une pénurie de talents côté trading, n’ont parfois pas d’autre choix que de retourner des méthodes d’achat “à l’ancienne”. Jean-Baptiste Rouet en convient volontiers : “C’est devenu très compliqué de trouver des profils qui mêlent datas et médias parce que la concurrence vient désormais d’un peu partout. En période de rush, il peut être plus simple de faire du gré à gré.” C’est, aussi, plus rentable. “Certaines agences médias se rendent compte que passer un OI est moins coûteux que d’opérer des outils programmatiques, qui prélèvent tous leur commission sur le média”, observe Sébastien Noel, patron du digital chez M Publicité.

C’est un autre effet de bord de la disparition progressive des cookies tiers. On passe de l’audience planning (ciblage selon des personnes) au média planning (ciblage selon des contexte). Une pratique pour laquelle la valeur ajoutée des outils programmatiques est, peut-être, un peu moins évidente. Preuve en est l’explosion des solutions de ciblage contextuel dont une bonne partie fonctionnent surtout en gré à gré. 

Peur sur le deuxième semestre, voire sur 2023

Magna et Zenith avait revu leurs prévisions pour 2022 à la baisse. Oliver Wyman fait de même. Le cabinet prévoit une forte chute de la croissance digitale au second semestre 2022. Elle devrait tomber en dessous des 10%, à 9,7% plus exactement. Une estimation dans le prolongement de ce second trimestre plus modéré que le début d’année, que nous évoquions plus haut. “Winter is coming”, assure Sylvia Tassan-Toffola. Et l’hiver risque de durer longtemps.

“Winter is coming et l’hiver risque de durer longtemps, jusqu'en 2023"

La patronne du SRI est d’ailleurs surtout préoccupée par les résultats de 2023. “On le sait tous, la publicité est intimement corrélée à l’état du PIB et de la consommation”, rappelle-t-elle. Et de s’inquiéter de la santé des acteurs locaux dans cette crise qui est surtout européenne. “C’est évident que les acteurs US vont mieux s’en sortir car leur marché domestique sera moins affecté.” L’occasion donc, pour Sylvia Tassan-Toffola, d’avoir une pensée amicale pour toutes ces “petites” régies qui ont moins de ressources pour faire face à un contexte économique et réglementaire extrêmement difficile (lire notre article à ce sujet Pourquoi les éditeurs vont (à nouveau) externaliser leur régie programmatique). “Il y a un vrai enjeu de pluralité à s’assurer que cette longue traîne va bien.” 

Ici encore, Jean-Baptiste Rouet espère que les annonceurs retiendront la leçon. “Il est important de continuer à communiquer pour maintenir ses parts de marché alors que les prix augmentent.” Quelques motifs d’espoirt toutefois : une digitalisation post-covid qui ne se dément pas, une résilience plus forte des leviers performances, comme l’est le digital, en contexte de crise, et une coupe du monde de football à venir, évènement toujours propice aux dépenses de communication. “On est dans le digital, un secteur hyper liquide où en un seul trimestre, tout peut changer du tout au tout comme nous l’a rappelé la première année du covid”, commente le fondateur de Pubstack, Loïc Sfiligoi.

Bonus track : la nouvelle statistique dont on ne sait pas trop quoi retirer 

L’Observatoire de l’ePub a pris le temps de mesurer le poids du natif qui, cette année encore en forte croissance (+42%), pèse désormais 28% du display de l’Open Web. Si on lui ajoute une autre typologie de natif (le social), cela nous donne près de 34% du marché de la publicité digitale qui est natif. Dans un marché du display où tout, quasiment, devient natif, on peut s’interroger de l’intérêt d’une telle statistique. D’autant qu’il y a natif et natif, avec d’un côté, du natif “champagne”, en milieu de page, comme le pratiquent Teads, Triplelift et bien d’autres, et de l’autre, un natif, un peu plus “rouge qui tâche” mais terriblement rémunérateur pour les éditeurs, avec les emplacements bas de page des Outbrain et Taboola.

Il n’empêche la statistique donnée par l’Observatoire vient rappeler la montée en puissance d’un format qui était, à ses débuts, cantonné à de l’OPS. Et ce n’est de l’avis de Jean-Baptiste Rouet pas si surprenant. “La natif est un format très efficace pour générer du trafic, qu’il soit in-feed ou bas de page, même si les modules de recommandations situés à ce niveau ne poussent pas toujours des annonces très cleans”, estime le dirigeant. Chez Publicis Media, un DSP spécialisé dans le natif comme Zemanta (le DSP d’Outbrain) a dépassé de nombreux DSP généralistes en termes de volumes d’investissements.