Paul-Antoine Strullu (Scope3) : “Notre nouvelle plateforme, c’est un peu le SimilarWeb du carbone”


  • Minted a pu échanger avec le tout nouveau head of EMEA de Scope3, spécialiste américain de la mesure des émissions carbone du secteur programmatique, suite à la sortie d’une nouvelle plateforme.

  • L’occasion, également, de faire le point sur le développement de son offre et de son modèle économique. 

Minted. Vous annoncez le lancement d’une nouvelle plateforme. Qu’y trouvera-t-on ?

Paul-Antoine Strullu. C’est une plateforme accessible à tous, nos clients comme le grand public. L’idée, c’est un peu de proposer un SimilarWeb du carbone. Chacun peut y renseigner un nom de domaine et avoir une idée des émissions carbone associées à ce nom de domaine. Cette plateforme, c’est aussi un moyen de démystifier ce sujet qu’est la mesure carbone. C’est un retour que l’on nous fait souvent. C’est trop opaque, ça manque de pédagogie. C’est ce que nous essayons de faire, en complément de ce que nous avons déjà mis en place sur notre site, avec la publication de notre méthodologie et la mise en open source de nos API.

 

Paul-Antoine Strullu est managing director EMEA de Scope 3

Paul-Antoine Strullu (Scope3) : “Notre nouvelle plateforme, c’est un peu le SimilarWeb du carbone” - Paul-Antoine Strullu est managing director EMEA de Scope 3

Parlons de cette méthodologie pour ceux qui n’auront peut-être pas l’énergie de consulter votre documentation. En quoi consiste-t-elle ?

Il y a trois sources d’émissions carbone qui sont liées à une impression publicitaire. D’abord, la dimension “’ad selection”, qui est liée à toute la chaîne de valeur programmatique, puisqu’elle consiste à mesurer le poids de tous les appels effectués vers les partenaires de monétisation. Cette dimension pèse très lourd chez les sites qui diffusent beaucoup de bannières display classique ou qui optimisent leurs revenus programmatiques via le header bidding. 

C’est moins vrai chez les sites de streaming, qui font beaucoup de gré à gré et pour lesquels c’est la dimension “media distribution”, soit le nombre de servers par lequel transite la création publicitaire, qui pèse plus. Tout simplement parce qu’une création publicitaire vidéo n’a pas du tout le même poids qu’une bannière statique. Enfin, il y a la dimension creative delivery, qui s’intéresse au contexte d’affichage de la publicité. Ici encore, le poids carbone n’est pas le même selon qu’on soit sur un ordinateur ou un smartphone.  

Comment opérez-vous ?

Nous recourrons à des intégrations backend en API et nous ne traitons que la donnée agrégée. Ce faisant, nous sommes capables de modéliser l’empreinte carbone d’une centaine de milliers d’applications et noms de domaines, en l’espace de quelques secondes. Les acteurs désireux de mesurer leur empreinte n’ont ensuite qu’à se connecter à notre API. J’insiste, cela reste de la modélisation. Nous avons conscience que les données ne sont pas parfaites même si nous nous efforçons d’affiner les modèles et que nous les mettons à jour quotidiennement. Mais l’important, c’est de donner une trajectoire à nos partenaires et de le faire de manière transparente, d’où notre approche open source. 

Ces partenaires justement, qui sont-ils ?

Tous les acteurs de la chaîne. Il y a évidemment des annonceurs très matures, qui veulent avancer directement sur le sujet, dans la lignée du planet pledge de la WFA. Il y a aussi des éditeurs qui veulent être mieux disant, en diminuant notamment le nombre de requêtes programmatiques envoyées à leurs parties prenantes. Et puis il y a les adtech, auxquelles nous permettons de mettre sur pied des “Green Media Products”, des packages qui réunissent de l’inventaire “low carbon” sur le Web, la CTV ou l’in-app.

Aux Etats-Unis, ce sont surtout des ad-networks qui essaient de se différencier sur ce KPI. En Europe, ce sont plutôt des acteurs du buyside. Notre cas d’usage le plus avancé est avec le DSP Adform dont l’algorithme d’optimisation carbone s’appuie sur notre outil de mesure. Je peux également citer des acteurs indépendants comme Jellyfish ou Media IQ qui ont des produits intégrés sur du scoring et du packaging de supply. C’est vrai que c’est un peu plus flou en Europe, côté sell-side ou, à part Teads, qui a bien préempté le sujet, les avancées sont moins tangibles.

Vous évoquez ces packages d’inventaires baptisés “Green media Products”. J’ai quand même entendu pas mal de critiques les concernant. Notamment car ils incorporaient  souvent de l’inventaire d’adtech pas forcément vertueuses d’un point de vue carbone mais qui faisaient de la compensation…

C’est vrai que la compensation carbone est une pratique beaucoup moins populaire en Europe qu’aux Etats-Unis, où la demande a été très forte. Et peut-être que ça a créé un peu de confusion sur le sujet. Car la réalité, c’est que la compensation, c’est simplement une option dans notre offre. Mais ce n’est pas le coeur de cette offre. Surtout en Europe où il serait d'ailleurs plus juste de parler de “low carbon deals”, avec des partenaires qui sont capables, grâce à Scope3, d’identifier les inventaires les moins gourmands en carbone et de les réunir dans des curated marketplaces. 

Brian O’Kelley me disait à l’époque du lancement que votre outil était gratuit. “Nous ne gagnons de l’argent que si nous aidons nos partenaires à diminuer leurs émissions carbone”, expliquait-il alors. C’est toujours le cas ? 

Aujourd’hui nous fonctionnons selon un modèle SaaS et facturons une licence mensuelle. Nous avons également un partenariat avec trois acteurs de le mesure - DoubleVerify, IAS et Ebiquity - qui peuvent intégrer un score carbone à leur outil d’adverification. Dans ce cas précis, on est sur du partage de revenu. 

Parlons du Climate Shield. En quoi est-ce que consiste cette fonctionnalité ?

Le constat, c’est que les DSP sont une bonne porte d’entrée pour les acheteurs qui veulent effectuer des segments d’inventaires vertueux d’un point de vue carbone. C’est ce que nous leur permettons de faire en activant cette fonctionnalité au sein d’un DSP comme Xandr. Nous analysons la supply en fonction de ses émissions carbone mais pas que. Nous éliminons aussi l’inventaire qui est faiblement performant ou issu de sites MFA puisqu’acheter cet inventaire, c’est gaspiller du carbone. Mais bon cela restera, tant que ce ne sera pas proposé au sein des deux leaders incontestés du marché, DV 360 de Google et Amazon Ads, de l’exploration.

C’est envisageable ?

Tous les DSP ont besoin de solutions qui les aident à faire le tri dans l’inventaire publicitaire, ne serait-ce que pour des raisons de réduction de coût d’infrastructures. Alors oui, c’est du domaine de l’imaginable. D’autant que nous échangeons déjà avec eux pour bien comprendre comment les intégrer à nos modèles de calcul. Ne reste donc plus qu’à transformer ces échanges en quelque chose de concret sur le volet activation !