Jérôme Amouyal (Axa) : "Nous allons faire appel à des sociétés de mesure pour qu’elles analysent l'impact de Netflix en termes de notoriété et d’image"


  • Axa fait partie des premiers annonceurs à tester l’offre publicitaire de Netflix, lancée en France ce 3 novembre à 17 heures.
  • Minted a rencontré Jérôme Amouyal, media performance insights director de l’assureur français pour comprendre ce qu’il attend de cette première expérimentation… et de la suite.

Minted. Vous faites partie des premiers annonceurs à tester l’offre publicitaire de Netflix. Pourquoi ?

Jérôme Amouyal.  De manière générale, en tant qu’annonceur, nous cherchons à maximiser la portée de nos messages. A ce titre, Netflix est un carrefour d’audience qualitatif qu’il était important de tester. Nous allons donc y déployer des prises de parole dans quatre pays, pour avoir une vision la plus complète possible, sur des campagnes différentes. En France, c’est une campagne déjà lancée en télévision et sur le digital qui y sera diffusée, avec quelques adaptations.  

Qu’est-ce qui fait de Netflix un “carrefour d’audience qualitatif” pour reprendre votre terme ?

Netflix s’adresse à un public large, mais on peut surtout y toucher une audience que l’on ne retrouve plus en télévision. Par exemple, selon des chiffres du SNPTV, la TV ne représente que 29% de la consommation des 15-24, car cette tranche d’âge préfère la VOD / SVOD. C’est en cela que Netflix est une plateforme potentiellement très intéressante.

Plus que Meta ou Youtube ?

Ces deux plateformes ont de très larges audiences et nous y communiquons régulièrement d’ailleurs. Mais il est important pour un annonceur comme AXA de diversifier ses investissements publicitaires, et ne pas se reposer seulement sur 2 grands acteurs digitaux. 

Vous n’avez pas peur que le modèle de Netflix - de la pub en échange d’un abonnement moins coûteux - vous expose auprès d’une cible pas vraiment prioritaire, voire peu qualitative ? C’est un peu le problème des offres publicitaires de Spotify et Deezer…

Si cela nous permet de communiquer auprès de jeunes, âgés entre 20 et 25 ans, ce ne sera absolument pas un problème puisqu’il s’agit de nos clients de demain. Vous mentionnez Deezer et Spotify mais il y a une nuance de taille : l’offre avec publicité de ces deux acteurs est gratuite. Ce n’est pas le cas de Netflix !

Le prix de Netflix, beaucoup plus élevé que celui de la TV linéaire ou de la TV segmentée, n’est, lui non plus, pas un frein ?

Le prix global de ce test ne sera pas si élevé dans la mesure où il y aura peu d’audience au démarrage. Il faut le rappeler, Netflix table sur une montée en charge très progressive et cela nous va bien car nous avons beaucoup de choses à apprendre de cette plateforme qui propose un nouveau modèle publicitaire, à mi-chemin entre la télévision et le digital. Ce test, à taille raisonnable, est selon moi le meilleur moyen d’y parvenir.

Vous parlez du coût… mais il faut aussi regarder l’impact. Or personne n’est capable, à ce stade, de prédire l’impact d’un tel dispositif. L’une des interrogations, c’est le niveau d’attention aux messages publicitaires que ce type de plateforme permettra. Certains experts nous assurent qu’il n’est pas forcément plus élevé qu’en digital, d’autres qu’on pourrait être au niveau du cinéma. Les études que nous conduirons nous permettront de trancher. 

"L'un des enjeux de la publicité sur Netflix, c'est de savoir si cette activation nous permet d’avoir un incrément de couverture par rapport au plan TV"

L’autre sujet, c’est évidemment de savoir si cette activation nous permet d’avoir un incrément de couverture par rapport au plan TV. Parce que, s’ils sont encore nombreux à regarder la télévision et que cette dernière génère d’excellentes performances, on voit que sa consommation se tasse. Oui, une campagne puissante vous permet de toucher 80 à 90% de votre cible en TV. Mais est-ce que vous l’avez fait avec suffisamment de force pour faire passer votre message ? Rien n’est moins sûr et le sujet de la répétition du message publicitaire est un vrai sujet, certaines personnes regardant aujourd’hui beaucoup moins souvent la télévision qu’il y a quelques années.

Est-ce que ce sera possible de déterminer cet incrément de couverture, sans mesure commune entre Netflix et la télévision ?

C’est sûr qu’on est moins bien loti que le marché anglais où Barb, l’équivalent de Médiamétrie, va d’emblée mesurer Netflix. En France, il faut pousser Netflix à aller vers plus de transparence, pour avoir des données comparables à celles du marché de la télévision. En attendant, nous allons diligenter des sociétés de mesure pour qu’elles mesurent l’impact des campagnes d’AXA sur Netflix en termes de notoriété et d’image. Nous allons, par exemple, essayer d’identifier un delta selon que la population soit utilisatrice de Netflix ou non.

D’où viennent les budgets que vous allouez à cette campagne : de votre enveloppe TV ou de celle du digital ?

Nous ne raisonnons plus de la sorte. Tout simplement parce qu’il y a désormais des gens qui regardent Netflix ou Youtube sur leur télévision et, à l’inverse, d’autres qui regardent la catch-up des chaînes linéaires sur leur tablette. Nous avons plutôt l’habitude de sanctuariser, pour chaque campagne, un budget pour conduire des tests. Le paysage est tellement dynamique et fragmenté qu’il faut rester à l’écoute des nouveaux arrivants et des nouveaux usages. La campagne avec Netflix s’inscrit dans cette logique.

On a bien compris que cette première incursion chez Netflix n’était qu’un test. Mais avez-vous déjà identifié des sujets d’améliorations ?

Il est certain que l’offre de Netflix est encore en construction. Nous attendons plus en ce qui concerne  la gestion du contexte de diffusion, pour éviter que nos campagnes s’affichent à côté de programmes non désirés. Idem pour les fonctionnalités de ciblage qui sont encore très limitées au lancement, alors que Netflix a le potentiel d’en faire beaucoup plus, via la compréhension des intérêts des audiences. Enfin, nous avons déjà évoqué le sujet de la mesure, pour lequel un thermomètre de référence est nécessaire, pour nous permettre de comprendre l’efficacité et la complémentarité de chacun des médias activés. 

Jusqu’à quand vous donnez-vous pour juger de l’intérêt de la publicité sur Netflix ?

Faire partie des premiers annonceurs à tester Netflix est forcément excitant. Mais nous privilégions une approche rationelle. Nous avons des engagements de dépense jusqu’à la fin de l’année. Je ne sais pas encore à quelle vitesse ils vont être utilisés. Tout dépendra de la croissance de l’audience “avec publicité” de Netflix. Ce qui est sûr, c’est que la pertinence de Netflix ne se mesurera pas à l’aune d’une seule campagne. Il faudra en tester plusieurs, sur plusieurs formats et périodes, pour comprendre la valeur ajoutée de ce média. Surtout que pas mal de fonctionnalités ne sont prévues qu’en 2023 !