Bousculé par Google, OpenAI repousse l’arrivée de la publicité sur ChatGPT

Début 2023, Google avait déclenché une « alerte rouge » après le lancement spectaculaire de ChatGPT. Moins de trois ans plus tard, la situation s’inverse: c’est désormais OpenAI qui décrète l’état d’urgence face aux progrès fulgurants du moteur de recherche, qui menacent sa position de leader dans l’intelligence artificielle générative.

Dans un mémo interne obtenu par plusieurs médias américains, son patron Sam Altman appelle à mobiliser un maximum de ressources pour améliorer le modèle de langage sur lequel s’appuie ChatGPT, avec pour objectif de fournir des réponses plus rapides et plus précises. Il souhaite aussi que le chatbot soit davantage personnalisé pour chaque utilisateur et qu’il permette de créer des photos rivalisant avec l’outil Nano Banana de Google.

Une situation inédite pour OpenAI

Pour faire face à l’urgence, le dirigeant a décidé de suspendre plusieurs projets. Le plus emblématique: l’introduction de la publicité dans ChatGPT, pourtant annoncée comme imminente. Les initiatives liées au commerce agentique – des agents d’IA capables de rechercher et d’acheter automatiquement des produits en ligne – sont également mises en pause, tout comme l’outil Pulse, qui fournit chaque matin des informations personnalisées en fonction des échanges avec ChatGPT.

Cette « alerte rouge » témoigne d’une situation inédite pour OpenAI. Trois ans après le raz-de-marée ChatGPT, la start-up n’évolue plus très loin devant tous ses rivaux. Google, Anthropic, mais aussi les modèles open source chinois ont comblé leur retard technologique, quand ils ne l’ont pas déjà dépassée. Tous commencent désormais à grignoter des parts de marché, aussi bien auprès du grand public que des entreprises.

À ce titre, le lancement mi-novembre de Gemini 3 Pro pourrait représenter un tournant. Non seulement celui-ci affiche de meilleurs résultats sur plusieurs benchmarks, mais il a aussi reçu un accueil dithyrambique, contrastant avec la déception suscitée par le lancement cet été de GPT-5, la dernière version du grand modèle de langage derrière ChatGPT. Suffisant pour ébranler sérieusement OpenAI ?

Plus de 800 millions d’utilisateurs actifs

Pour y répondre, un retour en arrière s’impose. Le 30 novembre 2022, la mise en ligne de ChatGPT provoque une onde de choc. Pour le grand public, qui découvre soudain le potentiel de l’IA générative, jusque-là cantonné aux publications scientifiques et aux cercles d’experts. Mais aussi pour l’ensemble du secteur technologique, pris de vitesse par les progrès spectaculaires d’OpenAI.

Le succès de ChatGPT est immédiat: en seulement cinq jours, le chatbot attire plus d’un million de curieux se précipitant pour tester ce nouveau produit qui fait parler sur les réseaux sociaux. Il compte aujourd’hui plus de 800 millions d’utilisateurs actifs par semaine. OpenAI revendique aussi un million d’entreprises abonnées à ses offres payantes.

Grâce aux succès de ces abonnements, qui représentent l’essentiel du chiffre d’affaires, la start-up affiche une croissance fulgurante. Selon son patron Sam Altman, ses revenus en rythme annualisé devraient dépasser la barre des 20 milliards de dollars d’ici à la fin de l’année. En octobre, OpenAI était ainsi valorisée à 500 milliards, du jamais vu pour une entreprise non cotée en Bourse.

Désarçonné par le lancement de ChatGPT, Google s’est rapidement mis en ordre de marche. Le moteur de recherche dispose de moyens considérables, de ses propres puces, appelées TPU, et de talentueuses équipes de chercheurs en IA, notamment au sein de son prestigieux laboratoire DeepMind. La sortie de Gemini 3 Pro est l’aboutissement de ce processus.

Inertie des utilisateurs

Au-delà des anecdotes et des expériences personnelles exprimées en ligne, l’impact sur OpenAI est encore difficile à mesurer. Dans un autre message interne, obtenu par The Information, Sam Altman admet que les avancées de Google “créent quelques turbulences économiques temporaires”, tout en promettant de combler “rapidement” le retard.

Le dirigeant ne redoute pas un exode de ses utilisateurs: comme toute plateforme dominante, ChatGPT bénéficie toujours d’une importante inertie des utilisateurs, aussi bien particuliers que professionnels. L’immense majorité de ses adeptes ont pris des habitudes toujours très longues à modifier, d’autant plus que le prochain GPT pourrait repasser devant en termes de performances.

Cette inertie est encore plus forte pour les abonnés payants au chatbot, les seuls qui génèrent véritablement du chiffre d’affaires – en attendant le lancement de publicités sur l’offre gratuite.

Les craintes de Sam Altman sont doubles. D’abord, un ralentissement de la croissance, alors même qu’elle est absolument nécessaire pour financer ses grandes ambitions. Ensuite, la perte de son image de leader du marché, capable à terme de capter l’essentiel de la valeur ajoutée, censé lui permettre de rentabiliser ses investissements colossaux. De quoi compliquer ses prochaines levées de fonds, puis son introduction en Bourse.