17 novembre 2025

Temps de lecture : 4 min

Influenceurs virtuels : demain, la fin des humains ?

L’essor fulgurant de l’IA générative rebat les cartes du marketing d’influence. Entre promesse d’efficacité industrielle et perte d’incarnation, les influenceurs virtuels interrogent autant qu’ils séduisent. Sont-ils en train de supplanter les humains ou simplement de redéfinir les contours de l’influence ?

Crédits : Argil

Anne Kerdi, l’influenceuse bretonne aux 13 000 abonnés sur Instagram, Lil Miquela et ses deux millions de followers sur Instagram, vous avez peut-être croisé ces influenceuses virtuelles sur les réseaux sociaux. La première fait la promotion de la Bretagne quand la seconde multiplie les collaborations avec les grandes marques (Dior, Prada, BMW, etc). Créées de toutes pièces grâce à l’IA générative, elles nous montrent le pouvoir prescripteur de ces êtres virtuels pour mettre en avant une destination, une marque, un produit. Plus facilement contrôlable, moins cher à produire, laissant plus de place à la créativité, les avatars virtuels vont se multiplier, au point de remplacer les humains sur les réseaux sociaux ? C’est la question qui a été au coeur d’une table-ronde organisée lors du Future of Social Ads.

Pour Edouard Perrin, Lead Social Content & Gaming chez Publicis Media, l’irruption de l’IA a totalement transformé le paysage des avatars virtuels. « Avant, un influenceur virtuel c’était un dispositif mystérieux, avec de la motion capture et de la 3D. Mais c’est devenu obsolète du jour au lendemain avec l’IA », explique-t-il.

La question est désormais industrielle. Les marques peuvent « se passer d’influenceurs humains en investissant dans de bons moyens de création », selon lui. Les ambitions de direction artistique, de vidéo ou d’audio vont orienter les choix, mais la capacité de produire vite, beaucoup et à faible coût est un levier déterminant. Aujourd’hui, le sujet de la production est devenu central.

Influence ou simple média ?

Pour Edouard Perrin, il existe une confusion sur le terme même d’« influenceur virtuel ». Si l’avatar peut rassembler une communauté et occuper une présence médiatisable sur plusieurs plateformes, il ne remplit pas toujours la fonction essentielle de l’influence : « L’influence, c’est faire changer d’avis quelqu’un. Pas sûr qu’un influenceur virtuel ait un avis sur le monde », se questionne-t-il.

Dans le cas où une marque ferait appel à un influenceur virtuel pour mettre en avant un produit, il préfère parler de mascottes à louer : « Le compte Instagram ou TikTok d’un influenceur virtuel, c’est un média. On sous-loue ce média à une marque. Mais ce n’est pas de l’influence ». Ce qui manque selon lui, c’est l’autorité d’un discours incarné, une vision, une morale – bref, ce qui fait qu’un Zerator, un Amine ou d’autres créateurs engagés « essayent de faire changer les choses » avec le ZEvent ou Stream For Humanity par exemple.

Et dans le cas où une marque créerait son influenceur virtuel, la mécanique n’est pas si nouvelle : « Le tigre Tony des Frosties était quelque part un influenceur virtuel car il existait en dehors des spots de publicité », rappelle-t-il.

Une personne réelle ou un personnage fictif

Laodis Menard, cofondateur d’Argil, voit émerger un véritable écosystème. Depuis deux ans, sa startup propose la création d’avatars virtuels, qu’ils soient le jumeau numérique d’une personne réelle ou un personnage entièrement fictif. L’enjeu n’est pas seulement artistique : il est aussi opérationnel.

« Pour le social media, la question du volume est clé : produire tous les jours est la partie la plus difficile », raconte-t-il. Avec l’IA, un créateur peut se démultiplier, se concentrer sur le fond, tout en laissant la machine gérer la forme. Certains clients veulent même « lancer une flotte d’influenceurs », profitant de ce modèle scalable.

Argil discute avec des marques mais aussi avec des médias pour transformer automatiquement des articles en vidéos animées par des avatars dédiés.

Un marché jeune, mais déjà traversé de questions éthiques

Le clonage de visage ou de la voix soulève des enjeux juridiques. TikTok propose la création d’avatars virtuels, à travers sa suite créative Symphony (lancée en 2024) et testerait la possibilité pour les influenceurs de vendre leur image pour permettre à des marques de l’utiliser pour vendre des produits. Dans le cinéma, l’utilisation de l’image d’un acteur ou d’une actrice décédé(e) dans les films pose question. Va-t-on voir émerger des influenceurs virtuels aux traits de personnalités publiques ?

Selon Laodis Menard ce sera possible et ce n’est pas si nouveau : « Dans la musique, les droits d’image sur Michael Jackson étaient déjà très encadrés par exemple ». C’est pourquoi des spectacles ont encore lieu autour du célèbre chanteur. Dans le cinéma, les acteurs Matthew McConaughey et Michael Caine ont vendu leur droit pour répliquer leur voix via l’IA par exemple.

La question de la confiance

Pour le cofondateur d’Argil, l’acceptation des avatars dépend largement de l’âge : « Les plus jeunes sont à l’aise avec les influenceurs virtuels, alors que les générations plus âgées sont beaucoup plus méfiantes. »

Une règle, en revanche, reste universelle : la confiance se mérite. « Si je paye un influenceur réel pour promouvoir mon produit, c’est pareil pour un influenceur virtuel : il faut acquérir cette confiance ». Il regrette néanmoinsque le public se concentre davantage sur la forme que sur le fond, au risque d’aplatir le discours.

Pour Edouard Perrin, ce n’est pas au personnage virtuel que l’on fait confiance, mais aux humains derrière. « On parle d’avatar virtuel, mais il y a bien des vraies personnes qui l’animent. C’est pour ça qu’il s’agit d’un sujet de production avant tout et de créativité : comment faire émerger un discours d’une nouvelle manière », ajoute-t-il.

Une créativité démocratisée… mais pas équivalente

Avec des outils accessibles, n’importe qui peut désormais créer un avatar. Mais comme dans la musique ou le cinéma, l’accès ne garantit pas la qualité : « On peut tous filmer un film avec un iPhone, mais tout le monde n’a pas le talent pour en faire un bon », rappelle le Lead Social Content & Gaming chez Publicis Media.

C’est pourquoi il estime qu’il y a de la place pour tout le monde, comme ce fut le cas sur YouTube il y a quelques années.

Laodis Menard reconnaît que la technologie évolue vite mais insiste sur un point : ce ne sont que des outils au service de l’intention du créateur.

Allez plus loin avec Minted

LA NEWSLETTER

LES ÉVÉNEMENTS

LES ÉMISSIONS