16 novembre 2025
Temps de lecture : 5 min
Réalisé avec Midjourney (outil IA)
La Villa numeris a commandé à OpinionWay une étude sur l’usage et la perception des outils d’IA conversationnelle par les Français (ChatGPT, Claude, Perplexity…). Cette étude, rendue publique le 13 novembre 2025, montre une progression rapide des IA comme canaux pour s’informer.
L’IA gagne du terrain. 82 % des Français en ont entendu parler, dont 51 % qui voient clairement ce que c’est. Les plus jeunes dominent : 71 % des 15-17 ans et 67 % des 18-24 ans maîtrisent déjà ces outils. Pour ces publics l’IA s’installe comme une porte d’accès naturelle vers l’information.

L’usage progresse. 42 % des personnes qui connaissent l’IA l’utilisent régulièrement, dont 19 % tous les jours. Ce niveau de fréquence place l’IA au même niveau que certaines sources traditionnelles, surtout chez les actifs connectés, qui s’appuient sur une moyenne de 1,4 outil utilisé.
Les utilisateurs se sentent compétents. 52 % s’estiment à un bon niveau, ce qui renforce la confiance et installe l’idée que l’IA leur fournit des réponses adaptées. L’auto-évaluation est toujours complexe, car elle dépend beaucoup de facteurs psychologiques, comme la confiance ou le niveau d’exigence personnelle. On sait par exemple que les femmes sont globalement beaucoup plus modestes que les hommes, doutent davantage et souffrent beaucoup plus du syndrome de l’imposteur.
Néanmoins, ce chiffre témoigne d’un niveau de satisfaction élevé vis-à-vis des outils, ce qui ne peut qu’encourager leur usage.

L’actualité reste centrale. 71 % des Français lui accordent une place importante, avec un rapport civique très fort : 93 % pensent que bien s’informer est un droit, 82 % un devoir. Ce socle montre que l’information conserve une vraie place dans le quotidien.
L’actualité reste aussi un sujet central de socialisation entre amis, en famille, avec ses collègues pour 83% des gens. C’est ce que j’appelle le « carburant social » qui alimente les conversions et le lien. Les chimpanzés s’épouillent, nous on commente l’actu pour renforcer nos liens sociaux.
Néanmoins la confusion progresse. 88 % pensent qu’il y a plus de fausses nouvelles, 64 % se sentent submergés, et 68 % disent avoir du mal à savoir à qui faire confiance.
Conséquence partielle de ces difficultés : 42% disent s’informer moins qu’avant. L’autre raison principale de ce repli vis-à-vis de l’actu, c’est son caractère déprimant, ici à 73%. On retrouve cette explication dans d’autres études sur la news fatigue, notamment celle du Reuters Institute.

Les médias gardent une utilité reconnue. 74 % estiment qu’ils permettent d’approfondir, mais seule la moitié les juge impartiaux (49 %) ou indépendants (47 %). L’IA occupe ce vide, car elle présente ses réponses sous une forme simple, directe et rassurante.
L’IA attire un public en croissance. 8 % des Français l’utilisent comme source d’information, un chiffre encore faible mais qui explose chez les jeunes : 27 % des 15-17 ans, 21 % des 18-24 ans et près de 20 % des 25-34 ans. Ceci annonce un futur où l’IA deviendra un réflexe pour s’informer.

Le profil est assez divers. Il y a certes un biais géographique : 40 % des utilisateurs vivent dans une grande ville, 25 % en région parisienne.
Mais, contrairement à l’usage d’Internet à ses débuts, l’IA n’est pas plus utilisé par les catégories socio-économiques favorisées. Les catégories populaires et les CSP+ les utilisent dans les mêmes proportions quasiment (29% en général et légèrement plus pour s’informer chez les catégories socioprofessionnelles supérieures (33% contre 31%).

C’est potentiellement l’une des rares bonnes nouvelles de ce rapport : l’IA pourrait avoir un rôle de démocratisation de l’accès à l’information. Reste néanmoins à vérifier en détail les usages réels des populations, car se servir d’un outil d’IA conversationnel comme moteur de réponses peut conduire à mal s’informer compte tenu des nombreuses erreurs (les « hallucinations ») qu’ils génèrent. Une vaste étude montre en effet que les assistants IA déforment le contenu des actualités dans 45 % des cas.
Sur le plan professionnel l’IA a des effets contrastés sur la question des inégalités, selon sa mise en oeuvre. Et cela ne diffère pas de toutes les technologies avant elle.
Alors, soyons très clairs : pour le moment les médias traditionnels et notamment audiovisuels dominent le champ informationnel français. La télévision reste le premier canal d’information des Français et de loin, comme je le rappelais cet article sur les idées reçues en matière d’usages médiatiques.
Les outils d’iA culminent pour le moment à 8% d’usage, mais on a vu ci-dessus le facteur générationnel très fort en la matière. Les nouvelles générations bousculent les médias traditionnels, comme s’agissant de leur l’usage des réseaux sociaux pour s’informer.

La mauvaise image dont pâtissent les médias historiques ne joue pas en leur faveur. Seuls 47% estiment qu’ils indépendants des pouvoirs économiques ou politiques et 49 % qu’ils sont impartiaux.
Le danger de ce point de vue est que les outils d’IA donnent l’illusion de la neutralité par l’effacement de la subjectivité apparente. Or, les algorithmes ne sont jamais neutres, ils traduisent les biais de leurs concepteurs, quand ils ne servent pas l’idéologie de leur propriétaire. En témoigne le cas d’école Elon Musk, qui s’est lancé dans une croisade pour imposer sa vérité via Grok ou Grokipedia.

Les jeunes veulent une réponse claire et un accès immédiat à l’information, sans friction. L’IA fournit cette synthèse instantanée. Elle détruit l’économie du clic, ce qui fragilise notamment les médias.
L’IA prend la main en reformulant, filtrant et expliquant. Les médias n’arrivent plus en premier. Ils apparaissent dans la réponse, parfois en lien, parfois en simple référence. D’où les nouveaux vendeurs de pelles qui se précipitent pour occuper ce nouveau marché du GEO, où l’on vend un placement dans les moteurs de réponses

L’étude déclarative montre que 95% des utilisateurs cliquent sur les sources fournis par les IA, à, chaque fois ou de temps en temps. La formulation a quelque chose de rassurant, mais elle ne rend pas compte d’une autre réalité : dans les pays où les Google Overviews sont apparus, les taux de clics ont chuté brutalement. Au Temps, ils ont été été divisés par deux.
Une étude récente de Ahref montre en outre que ces résumés automatisés apparaissent à 99,9% sur des mots clés à vocation informative.
Les liens proposés aident à crédibiliser la réponse, mais parfois, c’est le contraire, selon la nature du lien remonté (source douteuse ou simplement en opposition idéologique avec soi-même).

Le niveau de satisfaction est très élevé pour ceux qui les utilisent. 85 % jugent les réponses satisfaisantes, et utilisent en moyenne 2,8 fonctions automatiques : résumé, mise en tableau, reformulation, traduction. Ces fonctions rendent la consultation encore plus confortable.

Les réactions aux erreurs montrent un rapport inversé par rapport aux médias. 47 % pensent que le problème vient d’eux lorsqu’une réponse ne convient pas, un niveau d’indulgence que les médias ne bénéficient plus depuis longtemps.
Le rapport montre toutefois que l’IA n’est pas du tout utilisée comme un moyen d’accéder à l’information : la télévision, la radio, les sites web jouent davantage ce rôle.

En revanche, les outils d’IA se distinguent par leur capacité de vérifier ou chercher des informations complémentaires (avec tous les risques de biais et erreurs évoqués précédemment).

C’est donc une bonne partie de la fonction et valeur des médias qui se trouvent concurrencés par ces nouveaux outils. .
L’IA ne joue plus un rôle secondaire. Elle devient une couche éditoriale qui filtre, hiérarchise et reformule l’information avant même que l’utilisateur n’accède à un média.
Les médias doivent faire valoir leurs atouts : la force du terrain, de l’enquête et de la vérification humaine.
Et surtout, ils doivent le montrer ! Ouvrir la fabrication de l’info, expliquer leur méthodes, valoriser leurs enquêtes, et simplifier leurs formats. La lisibilité, la transparence et la pédagogie deviennent des impératifs.
Ils peuvent aussi jouer sur l’incarnation, le lien physique à leur audience, la sincérité humaine, avec ses failles et ses fragilités. Autant d’attitudes et de savoir-être que les créateurs de contenus maîtrisent depuis longtemps et dont les médias pourraient s’inspirer.
L’IA devient un réflexe d’information chez les jeunes. Les médias gardent le leadership mais perdent la confiance. Les outils conversationnels captent l’attention grâce à leur simplicité et leur neutralité apparente.
6 idées clés
Les jeunes basculent vers l’IA
L’IA devient un réflexe pour les 15-34 ans. Elle sert de première porte d’accès, même si son usage reste minoritaire dans l’ensemble de la population.
L’usage progresse vite
Beaucoup utilisent l’IA tous les jours. Le niveau de satisfaction est très élevé. Les fonctions automatiques rendent l’outil simple et attirent de nouveaux utilisateurs.
La confusion renforce l’IA
Les gens se disent perdus. Ils voient trop de fake news et peinent à faire confiance. L’IA répond vite et rassure.
Les médias perdent du crédit
La télé reste dominante. Mais seuls la moitié des Français jugent les médias impartiaux ou indépendants.
L’IA concurrence l’explication
L’IA résume, simplifie et vérifie avant que l’utilisateur ne consulte un média. Elle devient une couche éditoriale.
Les médias doivent s’adapter vite
Ils doivent clarifier leurs méthodes, simplifier leurs formats et incarner leurs marques pour rester essentiels face aux algorithmes.
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