23 novembre 2025
Temps de lecture : 5 min
Le Reuters Institute a publié fin octobre un rapport très complet sur les influenceurs ou créateurs de contenus dans le monde.
Les jeunes audiences (moins de 35 ans) se tournent de manière significative vers les créateurs de nouvelles et les influenceurs pour s’informer, éclipsant souvent les marques de presse traditionnelles sur certains réseaux sociaux et plateformes vidéo.
• Aux États-Unis, plus d’un tiers (37 %) des moins de 30 ans reçoivent régulièrement des nouvelles de créateurs ou d’influenceurs. En France, on n’en est pas là, mais ça progresse. Le graphique ci-dessous montre le nombre total de créateurs différents cités par un panel de 2000 personnes interviewé par pays. Chaque personne pouvait citer jusqu’à trois noms.

• Les utilisateurs des médias sociaux de moins de 35 ans sont plus susceptibles de prêter attention aux créateurs (48 %) qu’aux médias traditionnels (41 %). C’est le contraire pour les plus de 35 ans qui accordent plus d’attention aux médias traditionnels (44 %) qu’aux créateurs (35 %).
• Ces jeunes audiences indiquent souvent que la manière dont ces personnalités présentent les nouvelles les aide à mieux comprendre les événements actuels et les enjeux civiques.
Les créateurs montent. Ils occupent tout l’espace sur YouTube, TikTok, Instagram, X et même Facebook dans certains pays, et ils prennent une part croissante du temps d’attention lié à l’actualité.
Dans plusieurs marchés comme le Brésil, le Mexique, l’Indonésie, la Thaïlande ou les Philippines, les publics déclarent même prêter plus d’attention aux créateurs qu’aux médias quand ils consultent l’actualité sur les réseaux.
Chez les moins de 35 ans, la bascule est nette : 48 % d’entre eux regardent d’abord les créateurs, contre 41 % les médias. Cette dynamique pousse les jeunes publics vers des formats incarnés, rapides et assumés, tandis que beaucoup de médias restent coincés dans des codes trop froids ou trop lents.

La vidéo courte gagne. Elle s’impose comme la première porte d’entrée de l’info pour les jeunes. Dylan Page au Royaume-Uni parle actu à 17,5 millions d’abonnés sur TikTok.
Herr Anwalt en Allemagne dépasse les 7 millions d’abonnés sur TikTok et transforme le droit en séquences très courtes.

Les créateurs qui marchent posent une règle simple : une accroche forte dans les trois premières secondes, un récit compact, un ton clair.
Les médias peuvent reprendre ces codes, à condition de concevoir des capsules comme des récits complets, pas comme des extraits recyclés de leurs propres plateaux.
La vidéo longue est toujours efficace. Elle montre que les publics restent dès qu’une personne les guide réellement.
Steven Bartlett transforme Diary of a CEO en rendez-vous mondial avec 12 millions d’abonnés sur YouTube.

Fabrizio Romano, suivi par 26 millions de fans sur X et plus de 2 millions sur YouTube, prouve qu’un expert incarné peut dominer toute une verticale (en l’occurrence le foot). Les médias disposent d’une vraie marge ici s’ils acceptent de donner des visages clairs à leurs formats longs.
Le commentaire explose. Joe Rogan, Tucker Carlson ou Ben Shapiro rassemblent des millions de fidèles. Carlson, Figure de l’ultra-droite chrétienne, l’ancien éditorialiste de Fox News et journaliste préféré de la propagande russe, atteint par exemple 16,5 millions d’abonnés sur Instagram et plus de 4 millions sur YouTube.
Joe Rogan est suivi par plus de 20 millions d’internautes sur Youtube. Donald Trump était passé dans son émission lors de la campagne présidentielle de 2024, c’est dire à quel point son influence est prise en compte. Cette émission cumule aujourd’hui 60 millions de vues.

Dans des marchés comme les États-Unis, le Brésil ou l’Inde, certains shows créateurs atteignent une audience comparable à celle des talk-shows traditionnels. Leur force repose sur une incarnation forte, un ton direct, une impression de proximité.
Le public ne rejette pas l’analyse : il rejette les discours abstraits, codés et sans émotion.
L’enquête existe même si elle est moins fréquente chez les créateurs. Johnny Harris illustre une forme d’enquête de haute intensité. Il produit des enquêtes visuelles exigeantes, parfois tournées sur plusieurs mois.

Michael West en Australie bâtit un journalisme d’investigation économique indépendant.
En Inde, Raza Graphy réunit 3,5 millions d’abonnés – toutes plateformes confondues – autour de la chasse aux fake news.
Les médias peuvent reprendre l’avantage, mais doivent accepter les codes visuels, la transparence et l’incarnation que ces créateurs ont installés.
L’explication cartonne. Les jeunes veulent comprendre sans perdre de temps. HugoDécrypte, Kovy, Herr Anwalt et V Spehar incarnent cette demande.

V Spehar, avec UnderTheDeskNews, compte 3,6 millions de followers sur TikTok.
Les créateurs qui réussissent savent découper les sujets, parler simplement et assumer leurs émotions. Les médias doivent traiter l’explication comme un format central.
Les spécialistes progressent. Fabrizio Romano règne sur le marché des transferts avec 25 millions d’abonnés sur X.
Taylor Lorenz, journaliste tech a quitté le Washington Post pour créer sa propre activité. Elle ezst suifvie par plus de 220.000 personnes sur Youtube et Twitter.

De nombreux avocats, médecins ou experts financiers développent des formats réguliers et très recherchés. Les médias peuvent reprendre la main s’ils valorisent leurs propres talents internes.
L’humour attire et l’infotainment pèse très lourd. Brozo rassemble 7 millions de followers sur X. Cody Johnston parle politique à 1 million d’abonnés.
Alex Cooper attire 5,6 million d’abonnés sur Instagram et reçoit Kamala Harris.
Ibai rassemble près de 20 millions d’abonnés sur Twitch et 13 millions sur YouTube.

Le lifestyle touche des audiences géantes : Virginia Fonseca compte près de 54 millions sur Instagram et 39 millions sur TikTok.

Ces choix ne menacent pas le journalisme. Ils permettent de remettre l’info là où les publics se trouvent déjà : au cœur d’un écosystème où les créateurs occupent, aujourd’hui, presque tout l’espace.
Cela nécessite une forme de partage du pouvoir entre la marque média et les producteurs d’information. Et aussi la culture du test & learn que tous les médias n’ont pas. Cela peut prendre du temps de trouver le dosage parfait sur le ton, la longueur, le rythme de ces vidéos ou des émissions audio qu’on réalise.
Cela implique aussi un accompagnement des talents internes pour les aider à produire un contenu de qualité. Avec le risque qu’un jour ces news influenceurs aillent vendre ces compétences ailleurs, mais ça, c’est le jeu ma pauvre Lucette.
Alors que les médias traditionnels proposent un repas formel en salle à manger, les créateurs servent des « tapas » rapides, savoureux et personnalisés, adaptés à une consommation sur le pouce. Devinez ce qui plaît le plus aux jeunes générations ?
Les jeunes suivent de plus en plus les créateurs pour s’informer. La vidéo domine. Les médias doivent adapter leurs formats, leurs visages et leurs codes pour rester visibles dans un paysage saturé.
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