30 octobre 2025
Temps de lecture : 4 min
 
                                                    Créée par deux multi-entrepreneurs du numérique, Senthor a pour ambition de redonner du pouvoir aux éditeurs, victimes de vol de contenu par les moteurs d’IA. Elle a créé une plateforme en trois étapes – analyse, blocage, monétisation – qui visera, à terme, à contraindre les géants de l’IA, tels qu’OpenAI, à payer pour l’accès au contenu des sites.
Pour la première fois en dix ans, le trafic automatisé a dépassé l’activité humaine en 2024 et représente désormais 51% du trafic, selon un rapport de Thalès. Cela a été largement favorisé par l’adoption rapide de l’intelligence artificielle et des grands modèles de langage (LLM), qui ont rendu la création de bots plus accessible et plus facilement scalable.
Cette évolution impacte les éditeurs en ligne de deux manières : elle engendre des coûts d’infrastructure supplémentaire et une perte de monétisation.
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Tristan Berguer, co-fondateur de Senthor, explique : « Nous avons constaté que certaines entreprises recevaient des factures de serveurs de 60 000€, voire 120 000 € par mois. Cela est dû au fait que les requêtes faites par les agents entraînent l’autoscale des serveurs. Le pire, c’est que ce faux trafic humain n’est pas monétisé. Or, entre 10 à 30 % du trafic, et parfois jusqu’à 50 % pour certains sites, est généré par des agents IA ».
De plus, les méthodes traditionnelles de blocage sont caduques. Le fichier robots.txt, souvent utilisé par les médias pour interdire l’accès aux robots, est respecté à un taux dérisoire de 0,1 % (dans certains cas testés) ou environ 0,5 % en globalité.
La plateforme Senthor, qui s’installe en environ 5 minutes selon les dires de l’entreprise, repose sur trois piliers :
1. L’analyse : Elle permet aux éditeurs d’identifier clairement quelles requêtes ont été faites, quel agent (ChatGPT, Anthropic, Mistral, Perplexity, Gemini, etc.) a scrapé quelle page et le volume de trafic généré. Cinq mois de R&D ont permis d’identifier différents types de bots, y compris ceux pour l’entraînement des IA, le SEO et la partie GEO (résultats LLM). Un score « d’AI Visibility » indiquera bientôt combien de LLM ont inclus tel contenu, pour quelle requête et comment un éditeur est classé par rapport à ses concurrents. « C’est comme Médiamétrie, mais pour le scraping sur le web », précise le co-fondateur de Senthor.
L’identification des bots reste un « jeu du chat et de la souris », car les agents chercheront toujours à changer leur comportement. Cependant, Senthor mise sur le deep learning : plus l’entreprise agrège de données et d’utilisateurs, plus sa solution devient performante pour identifier les patterns de requêtes (par exemple, un bot fait souvent 15 requêtes à la seconde, ce qu’un humain ne peut pas faire).
La start-up a installé sa solution sur une quinzaine de grands sites d’informations français pour des phases de test. Pour le moment, cette étape est entièrement gratuite pour les éditeurs.
2. Le blocage : La solution intervient avant le serveur. Les éditeurs peuvent paramétrer le passage : bloquer un agent, tout en en autorisant un autre. Ils peuvent par exemple choisir de laisser passer certains bots pour la partie SEO afin de ne pas nuire à leur trafic naturel. Si l’agent tente d’accéder au contenu sans autorisation, il reçoit une erreur 402 (« paiement requis »).
3. La monétisation : Il s’agit de la phase stratégique future. L’objectif est de s’assurer une masse critique d’utilisateurs (l’équivalent de 100 milliards de pages vues par mois) pour pouvoir ensuite négocier un accord avec les grandes entreprises de l’IA. Le modèle sera un « pay per crawl » : les LLMs paient par requête, s’identifiant via une clé API ou leur plage d’IP. On peut estimer le prix d’une requête entre 0,01 et 0,03 centimes, sachant qu’une demande d’information par une IA peut engendrer plusieurs dizaines de requêtes. Mais cette estimation est à prendre avec des pincettes selon Tristan Berguer, car cela dépendra des négociations avec les entreprises d’IA.
Senthor espère pouvoir lancer la partie monétisation au début de l’année 2026 et prévoit de prélever une commission de 20 % auprès des éditeurs. Elle serait alors moins chère par rapport à ses concurrents, Cloudflare et TollBit, assure la start-up.
L’approche de Senthor est audacieuse, tant la jeune entreprise se confronte à des géants technologiques d’un côté comme de l’autre. En face d’elle, il y a les entreprises de l’IA qui doivent accepter de payer pour accéder au contenu, mais aussi les entreprises qui ont la même ambition de monétisation.
Cloudflare a partagé au début de l’été sa volonté de créer un nouveau modèle économique pour les éditeurs. Une annonce qui a fait du bruit, d’autant que 20% des sites web dans le monde reposent sur la technologie du fournisseur d’infrastructure cloud. Mais depuis, silence radio. Un grand site d’informations français a confié à Senthor que la solution de Cloudflare ne fonctionne pas pour bloquer le trafic IA. Ceci expliquerait cela.
Perplexity a voulu lancer une plateforme similaire, mais les éditeurs ont exigé une plateforme tierce neutre et non le LLM lui-même, pour gérer l’analyse et le paiement.
Face aux géants, la start-up mise sur le fait d’être la première à proposer cette solution spécifique en France et à surmonter les barrières à l’entrée technique, grâce notamment à l’expertise de Matt El Mouktafi, co-fondateur de Senthor.
Elle compte aussi sur le poids du contenu généré par des humains et à la création d’un cercle vertueux : « L’IA ne peut s’entraîner que sur des données rédigées par des humains. Si l’ensemble du marché, dont Cloudflare et TollBit, s’unit pour exiger une rémunération, les LLMs seront contraints de se plier à ces accords », entrevoit Tristan Berguer.
Pour mener à bien cette ambition, Senthor est en train de réaliser une levée de fonds qui devrait se terminer avant la fin du mois de novembre pour accélérer et convaincre le plus de médias possible.
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