29 septembre 2025

Temps de lecture : 4 min

The TV Society : la TV est-elle vraiment adressable?

Dans ce nouvel épisode de The TV Society, une émission Minted produite par THE SOCIETIES.MEDIA, Michel Juvillier et ses invités s'interrogent sur l'adressabilité de la TV.

Au cœur des discussions actuelles sur l’avenir des médias, une question résonne avec une insistance particulière : la télévision est-elle vraiment adressable ? Pour explorer cette interrogation, un débat a réuni trois experts aux perspectives complémentaires, offrant une vue à 360 degrés sur cette révolution publicitaire.

D’un côté, Gaëtan de Mont Marin et Tanguy Van Ingelgom de Ted Jordan, représentant le point de vue d’un trading desk, d’autant plus pertinent qu’ils pilotent le retour du DSP de Yahoo sur le marché français. De l’autre, Edouard Schmidt de Magnite, incarnant la perspective de l’AdTech qui construit l’infrastructure de cette transformation. Leurs regards croisés permettent de décrypter non seulement les promesses, mais aussi les réalités techniques et stratégiques de la télévision de demain.

Quelle définition pour la TV Adressable ?

Le premier constat du débat est clair : il n’existe pas une, mais plusieurs définitions de la télévision adressable.

Gaëtan de Mont Marin, directeur France de Ted Jordan, définit la TV adressable par la capacité de diffuser des publicités différentes à des foyers distincts regardant le même programme.

Pour lui, la définition synthétise l’alliance de la puissance du linéaire avec la précision du digital, notamment via le ciblage géographique ou la composition du foyer

Édouard Schmidt, directeur France de Magnite préfère intégrer la TV adressable comme une fonctionnalité au sein d’un univers plus large qu’il nomme la « Streaming TV ». Ce terme unificateur a l’avantage d’englober la consommation de vidéo sur l’écran de télévision, peu importe la source (BVOD, AVOD, etc.) et de refléter ainsi l’hybridation des usages actuels.

Tanguy Van Ingelgom, CEO de Ted Jordan, soutient que la TV adressable est la « vraie adressabilité », allant au-delà du ciblage. Cette définition inclut la capacité non seulement de toucher un utilisateur précis, mais aussi de mesurer la performance et la conversion post-exposition. L’objectif est de lier l’exposition TV à des résultats business concrets.

Ces définitions variées ne sont pas de simples querelles sémantiques ; elles sont le symptôme d’un marché en pleine transition. La tension est palpable entre le besoin de standardisation technique et l’exigence de résultats marketing. D’un côté, la perspective AdTech (Magnite) cherche à simplifier un écosystème fragmenté et « empoisonné » par les acronymes (BVOD, SVOD, AVOD) en promouvant le concept unificateur de « Streaming TV ». De l’autre, la perspective de l’achat média (Ted Jordan) se focalise sur la proposition de valeur pour l’annonceur, définissant la « vraie adressabilité » par sa capacité à générer des résultats mesurables (ROI, conversion) pour justifier l’investissement.

Pourquoi la TV adressable change la donne

La télévision adressable n’est pas qu’une innovation technique, c’est un levier de transformation marketing et business qui redéfinit les règles du jeu pour l’écosystème publicitaire.

Les bénéfices pour les marques, synthétisés à partir des interventions de Gaëtan de Mont Marin et Tanguy Van Ingelgom de Ted Jordan, sont multiples et concrets.

  • Optimisation budgétaire : Le ciblage précis des foyers permet de limiter drastiquement le « gaspillage média ». Les annonceurs ne paient plus pour toucher des audiences non pertinentes, rendant chaque euro investi plus efficace.
  • Personnalisation créative : Il devient possible d’adapter le message publicitaire à des segments d’audience spécifiques. L’exemple du constructeur automobile est parlant : un même annonceur peut promouvoir son modèle familial auprès des foyers avec enfants et sa citadine auprès des urbains, le tout durant la même émission.
  • Démocratisation de l’accès : Avec des tickets d’entrée bien plus faibles que ceux de la TV linéaire traditionnelle, la TV adressable ouvre ses portes à une « longue traîne » de clients aux budgets plus modestes, répliquant ainsi le modèle qui a fait le succès de géants comme Google et Meta.
  • Mesure de la performance : C’est la révolution majeure. La TV devient un média de performance où l’on peut mesurer des conversions. En comparant une audience exposée à un groupe de contrôle, un annonceur peut quantifier l’impact réel de sa campagne sur les visites en magasin ou les ventes en ligne.

Pour l’écosystème : les défis de la structuration

Du côté de la technologie, Edouard Schmidt de Magnite met en lumière deux défis majeurs à relever pour que ce potentiel se réalise pleinement.

  1. Lutter contre la fragmentation : La multiplication des applications et des inventaires (TF1+, M6+, Crunchyroll, etc.) est une richesse pour le consommateur mais un casse-tête pour l’acheteur. Le rôle des AdTech est de centraliser et standardiser ces inventaires et leurs protocoles techniques pour simplifier l’achat programmatique.
  2. Instaurer la transparence : Pour optimiser les campagnes, il est crucial « d’ouvrir le capot ». Cela signifie partager les signaux pertinents (sur le contenu, l’épisode, l’appareil, etc.) entre le côté vendeur (supply) et le côté acheteur (demand). Cette collaboration, autrefois limitée par une certaine méfiance, est aujourd’hui essentielle pour que l’ensemble de la chaîne de valeur soit gagnante.

Si les enjeux stratégiques sont clairs, leur validation ne peut reposer que sur des résultats tangibles et des exemples concrets.

Quel avenir pour la TV adressable ?

La vision des experts converge sur plusieurs évolutions majeures qui façonneront le marché de la télévision adressable dans les années à venir.

  1. Vers une orchestration cross-Canal
    • L’avènement des IDs : Selon Edouard Schmidt, les identifiants publicitaires unifiés (basés sur des emails cryptés) vont se généraliser. Ils permettront enfin de « désiloter » l’écran TV des autres leviers digitaux, en liant une exposition publicitaire sur la télévision aux autres écrans (mobile, desktop) pour orchestrer des stratégies de retargeting sophistiquées.
    • Le réengagement comme nécessité : Tanguy Van Ingelgom insiste sur ce point : il deviendra une pratique standard de créer des audiences de personnes exposées à une campagne TV pour les réactiver ensuite sur d’autres canaux (display, natif), créant ainsi un véritable entonnoir de conversion omnicanal.
  2. Innovation des formats et des inventaires
    • Nouveaux formats publicitaires : L’inventaire publicitaire ne se limitera plus à la coupure pub traditionnelle (in-stream). Édouard Schmidt prédit l’essor des formats display sur l’écran d’accueil des Smart TV (home screen) et des formats qui apparaissent lorsque l’utilisateur met son programme en pause (pause ads).
    • Monétisation du Live : L’achat programmatique d’espaces publicitaires durant les événements en direct (sport, actualités) va se développer, un défi technique qui est en passe d’être résolu.
  3. L’intégration totale au programmatique
    • La TV comme un format natif : Conséquence logique de cette orchestration cross-canal permise par les IDs, Tanguy Van Ingelgom défend la vision d’une TV qui ne sera plus une « brique » à part dans les plans médias, mais un format totalement intégré aux stratégies programmatiques, achetable et mesurable avec la même flexibilité que les autres canaux.
    • La montée de la « Brandformance » : Reprenant le terme de Gaëtan de Mont Marin, la mesure de la TV va définitivement basculer d’une logique de couverture (reach) à des indicateurs de performance digitaux, fusionnant les objectifs de construction de marque (branding) et de performance.

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