23 juin 2025

Temps de lecture : 6 min

Cécile Chambaudrie, NRJ Global: “Face aux géants, nous devons regrouper nos forces”

Digitalisation de la radio, arrivée de l’IA, podcasts vidéo, mesure globale… les sujets de transformation ne manquent pas chez NRJ Group… Faisons le point avec Cécile Chambaudrie, présidente de la régie NRJ Global et Directrice Générale de NRJ Group, chargée du développement commercial et des développements numériques et Sylvain François, Directeur de la stratégie digitale, de NRJ Group.

Avec votre “Hub Audio”, vous avez déployé ces dernières années une stratégie d’agrégation, pour proposer une offre très large en audio digital. Quel bilan en tirez-vous ?

Cécile Chambaudrie: En tant qu’acteur leader de l’audio, nous avons une vraie légitimité à fédérer autour de nous d’autres éditeurs “brand safe” et positionnés sur des contenus de divertissement. Si on revient à la genèse de ce Hub Audio, il y a quatre ans, il était devenu évident que les agences et annonceurs avaient un besoin crucial de simplification pour accéder à l’offre audio digitale. L’audio avait pris une part croissante dans les usages, mais il y avait un vrai retard sur la monétisation à cause de la fragmentation de l’offre et de la difficulté à bien l’appréhender.

Avec ce Hub Audio, l’idée est que tout le marché puisse accéder à une offre à la fois très puissante et brand safe, avec la possibilité de faire du ciblage data et contextuel, tout en bénéficiant de toute une série de mesures, à tous les niveaux du funnel.

Aujourd’hui, notre Hub Audio est multi-formats : il regroupe nos flux live, nos radios digitales [ex-webradios], nos podcasts replay et des podcasts natifs. Dans le natif, nous avons agrégé une quinzaine de partenaires, comme Binge Audio, Konbini ou Bangumi, via notamment un partenariat important avec la plateforme Audiomeans. Cela représente actuellement 58 millions de sessions d’écoute et de téléchargements, ce qui en fait l’une des offres les plus riches du marché.

Cette approche d’agrégation a-t-elle vocation à se poursuivre ?

Cécile Chambaudrie: Nous croyons beaucoup aux alliances et partenariats stratégiques. Face à des acteurs internationaux très puissants, nous avons de vrais enjeux de regroupement de nos forces au niveau national et même au-delà. Nous sommes donc totalement ouverts à accueillir d’autres éditeurs, du moment qu’ils proposent des contenus de qualité, dans une logique de divertissement, qui reste notre ADN.

Ce que nous avons initié avec Audiomeans [racheté en 2024 par Additi, la régie du groupe SIPA-Ouest-France] il y a quatre ans n’est qu’une première brique. Il y a un vrai intérêt à aller vers de l’agrégation pan-européenne, pour pouvoir jouer à jeu d’égal à égal avec des plateformes offrant des solutions internationales. Nous ne sommes pas au bout de l’histoire, nous n’en sommes même qu’au début.

Ce Hub Audio est donc une première étape avant offre plus large au niveau européen ?

Cécile Chambaudrie: C’est l’ambition. 

D’un point de vue éditorial, vous continuez à investir dans les podcasts natifs pour compléter votre offre radio et replay ?

Sylvain François: Absolument, nous continuons à investir sur ces formats avec nos différentes marques. Par exemple, nous avons récemment sorti la saison 7 de « Destin » avec Sonia Rolland, la saison 8 de « Feu de camp », orientée sur des histoires paranormales et surnaturelles, ainsi que la nouvelle saison de « Conte-moi l’aventure ». Et il y aura bientôt une nouvelle saison de “Les Héritiers“. 

D’ailleurs nous voyons très bien la contribution des podcasts natifs à cet élan global autour de l’audio digital. Nos podcasts rayonnent, font rayonner les marques et nous permettent d’être présents là où se trouvent les auditeurs.

D’ailleurs vous vous lancez aussi dans le podcast vidéo, une tendance forte aux États-Unis…

Sylvain François: Oui, nous avons récemment lancé le podcast vidéo « La Routine » qui permet, en discutant avec des artistes de différents horizons, de comprendre leurs rituels, les routines, les petits gestes qui façonnent leur quotidien : comment ils appréhendent la montée sur scène, l’écriture, l’inspiration… C’est un podcast ancré à la fois dans l’ADN du groupe et dans la tendance des podcasts vidéo. Pour nous, c’est un premier pas, et nous continuons évidemment à réfléchir au sujet, que ce soit du natif vidéo ou l’adaptation de podcasts audio aux canaux de distribution vidéo.

L’intérêt majeur du podcast vidéo, c’est d’être là où sont les audiences, typiquement YouTube. Mais il faut aussi arriver à monétiser nos contenus dans ces environnements… De fait, ce n’est pas sur YouTube que nous allons le mieux monétiser nos contenus. Mais en revanche, c’est là où nous avons la plus grande capacité de capter des audiences complémentaires. 

La vraie question, c’est donc comment ramener ces audiences dans nos environnements à nous, pour générer un effet d’entraînement sur la consommation et la monétisation.

Ces formats hybrides ne vont pas simplifier la mesure… Mais justement, l’ACPM et Médiamétrie sont en train de faire converger leurs méthodologies: qu’est-ce que cela va changer ?

Cécile Chambaudrie: C’est une excellente nouvelle !

La certification et les mesures labellisées sont essentielles dans le marché afin d’assurer la confiance par la transparence. Nous nous réjouissons que ces deux acteurs alignent leur méthodologie sur le standard rigoureux de l’IAB Tech Lab 2, permettant ainsi la comparabilité des données. 

Ce rapprochement permet également d’envisager la suite de l’évolution de la mesure de référence du total audio pour une approche holistique du média, y compris les plateformes, parce que les choses restent encore opaques actuellement… Un exemple : quand certains acteurs communiquent, ils partagent des chiffres mondiaux, sans faire la distinction entre abonnés et non-abonnés, alors que la publicité ne touche que les non-abonnés. À l’inverse de nous, pour qui la publicité fait partie intégrante du contrat d’écoute, chez eux le modèle est celui de l’abonnement. 

Cette convergence entre l’ACPM et Médiamétrie est donc un premier pas. La télé est en marche avec sa mesure cross-vidéo, nous sommes dans cette dynamique avec la mesure cross-audio. Une mesure globale va permettre d’apporter un regard objectif sur les réalités de consommation de notre média, en particulier par rapport aux plateformes qui sont souvent surévaluées.

C’était une nécessité pour tenir compte de l’évolution des usages : nous devons être en capacité de mesurer l’audio de manière holistique, pour montrer notamment les apports incrémentaux de couverture, avec des données objectivées et des méthodologies identiques pour l’ensemble du marché, reposant sur les mêmes critères. 

Plus largement, où en est la digitalisation de la radio ?

Cécile Chambaudrie: Il faut aller contre l’idée reçue que la radio perd des auditeurs ! Ce n’est pas vrai. La consommation de la radio par les audiences a totalement évolué : si on regarde les audiences globales, en incluant les canaux digitaux correspondant à nos marques, nous sommes dans un marché en progression. Il faut vraiment penser radio/audio dans sa globalité.

Si on regarde les chiffres de l’étude Global Radio de Médiamétrie, il y a plus de 10 millions de Français qui écoutent chaque jour la radio sur un support numérique aujourd’hui. 9,3 millions de Français écoutent chaque mois des radios digitales (+2,8% en un an) et 21,6 millions écoutent chaque mois des podcasts radio replay et natifs (+6,8% en un an). Et 30,5 millions de Français écoutent chaque mois des contenus audio digitaux issus des marques radio (+4,6%).  

NRJ Group a d’ailleurs été pionnier avec les radios digitales : nous en proposons aujourd’hui plus de 250. Quant aux podcasts, nous savons que leur consommation est très forte chez les jeunes publics : ils représentent un bon moyen d’attirer de nouveaux auditeurs, notamment les plus jeunes, qui n’écoutent peut-être pas beaucoup le flux live mais qui vont nous écouter en délinéarisé. 

L’IA est l’autre grand bouleversement en cours sur le marché de l’audio: comment vous y préparez-vous chez NRJ ?

Sylvain François: Évidemment, nous nous y préparons : nous sommes face à une nouvelle révolution industrielle. Mais je pense que c’est la relation de confiance entre les auditeurs et la marque – et derrière les créateurs de contenu – qui fait la valeur ajoutée de la radio, que ce soit à travers la curation manuelle pour la musique ou l’incarnation humaine pour les programmes. C’est pour ça qu’on écoute la radio.

Donc l’IA, appliquée à la création de contenus n’est pas nécessairement notre orientation immédiate. En revanche, l’IA est un formidable outil d’optimisation, que ce soit pour le marketing, les recommandations de contenus ou dans le quotidien des collaborateurs. 

Il ne faut certainement pas faire l’autruche et rester à l’écart du sujet, mais il y a aussi un enjeu de responsabilité, avec des questions de fond, quasi éthiques, que nous devons nous poser et que nous souhaitons encadrer via notre comité IA, que nous avons créé de façon transverse au groupe pour partager les apprentissages, faire des expérimentations, voir ce qui se passe ailleurs.

Cécile Chambaudrie: L’un des dangers avec l’IA – même si elle a évidemment des intérêts dans la créativité – c’est d’arriver à une perte de singularité. Or nous avons besoin d’être étonnés et d’écouter des choses qui ne ressemblent pas à ce qui a déjà été fait par le passé ! C’est là que nous sommes convaincus que l’humain a encore un atout. D’autant plus que chez NRJ Group, nous sommes vraiment axés sur la proximité, la chaleur humaine et les valeurs liées à l’humain. 

Néanmoins, utiliser l’IA par exemple pour faire des repiquages d’adresses de manière automatisée, dans des logiques de géolocalisation, ça a du sens. Ou pour du yield management afin d’optimiser la monétisation. Ce sont des chantiers que nous étudions actuellement. Nous n’en sommes qu’à un stade exploratoire, mais clairement, il y a un vrai intérêt.

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