6 juin 2025
Temps de lecture : 4 min
Tout est né d’un constat simple : les médias traditionnels ne parlaient pas suffisamment bien d’écologie, et, surtout, pas de façon transversale. Il y a cinq ans, il pouvait certes y avoir de très bonnes rubriques “écologie” dans certains médias, mais l’ensemble des rédactions n’était pas irrigué par le prisme de l’urgence climatique et écologique.
Nous avons donc voulu créer un média généraliste sur l’actualité de l’écologie, en traitant l’ensemble de l’actualité à l’aune de ces enjeux. Nous sommes d’ailleurs reconnus aujourd’hui comme un média d’information politique et générale : avec une équipe de 12 personnes, nous produisons environ quatre articles par jour, ainsi qu’une newsletter quotidienne et des contenus sur les réseaux sociaux. Nous avons plus de 270.000 followers sur Instagram et plus de 100.000 abonnés sur Linkedin.
La vision n’a pas changé, mais l’ampleur qu’a prise le projet nous a surpris. Au départ, c’était vraiment un élan à deux – nous ne pensions pas du tout devenir une équipe. Ce qui a changé, c’est donc principalement notre capacité de production journalistique et notre stratégie de diffusion.
Par exemple, en 2023, nous avons recruté Gaëtan Gabriele, un influenceur connu pour ses danses sur les bonnes nouvelles : il nous a permis de donner une autre ampleur à nos informations, car, clairement, nous voulons toucher un public plus large que les militants du climat. Pour cela, nous pensons que la forme et le ton sont très importants : nous avons toujours une petite pointe de malice et une dose d’humour, à travers des jeux de mots, des blagues, des vidéos funs. C’est ce qui permet de rendre “digeste” des informations complexes.
En montant un média à propos des enjeux écologiques, y associer de la publicité ne nous paraissait pas cohérent, et même risqué stratégiquement. D’autant plus que nous sommes 100% en ligne et que les revenus de la publicité digitale ne font que décroître. Mais surtout, nous ne voulions pas être obligés de faire des choix contraires aux valeurs de Vert.
En cela, nous avons suivi l’exemple du Guardian, qui a adopté ce modèle avec succès en Grande-Bretagne. Nous avons commencé par une petite cagnotte sur Tipee, puis nous avons rejoint le SPIL, le syndicat de la presse indépendante en ligne, qui nous permet désormais de collecter des dons défiscalisés via l’association “J’aime l’Info”. Aujourd’hui, 90% de nos revenus – plus de 720.000 euros sur un total de 800.000 euros en 2024 – proviennent des dons. Le reste, ce sont des formations que nous assurons pour d’autres médias, comme Le Parisien, et quelques aides au pluralisme du ministère de la Culture.
C’est notre communauté de soutien, qui nous finance via des dons mensuels et permet de faire en sorte que notre site soit en accès libre, gratuit pour tous. Car la vraie différence entre les dons et les abonnements classiques, c’est la création d’une véritable communauté engagée. Nous jouons sur des logiques d’appartenance, en créant de la désirabilité pour que les gens aient envie de faire partie de ce club.
Évidemment, cela demande plus d’implication personnelle de notre part, puisque la relation à la communauté est portée par les figures de Vert, notamment les fondateurs. Mais c’est un lien très riche : les gens ne donnent pas simplement de l’argent, ils nous envoient des messages d’amour, des conseils. Nous organisons quatre rencontres par an : deux à Paris, deux en région, avec des invités pour créer un vrai esprit de solidarité.
En fait, nous alternons : une campagne du club par an et une campagne plus spécifique en fin d’année – l’an dernier, pour le lancement de “Chaleurs Actuelles” une newsletter mensuelle et une rubrique pour lutter contre la désinformation de l’extrême droite. Ces moments permettent de rendre visible notre modèle économique, de rappeler qui nous sommes. Beaucoup de nos abonnés sur Instagram, par exemple, ne savent pas comment nous nous finançons.
C’est aussi un moment de pédagogie où nous rappelons que nous sommes des journalistes professionnels, que nous n’utilisons pas d’intelligence artificielle générative pour bâtonner des dépêches. Et puis, une campagne, lorsqu’elle est réussie, crée un effet d’emballement : les gens ont envie de rejoindre le mouvement, de s’engager pour un média indépendant. Ces campagnes nous permettent de convertir en masse nos lecteurs en donateurs réguliers.
La campagne en cours vise à doubler le nombre de membres du club. Elle va nous permettre de financer un nouveau pôle vidéo avec une journaliste et un alternant, plus un podcast vidéo animé par Loup Espargilière avec des invités grand public. L’idée est d’aborder l’écologie de façon plus subtile, en parlant de sujets qui concernent vraiment les Français : la santé, l’environnement sain, les générations futures, l’éco-anxiété. Bref, de montrer que l’écologie nous concerne dans nos vies quotidiennes, pas seulement comme sujet technique.
Totalement ! En tant que dirigeante, cela a changé ma vie : à partir du moment où nous avons eu des dons réguliers, j’ai recommencé à dormir. Les campagnes ponctuelles apportent beaucoup d’argent, mais cela part très vite. Là, nous avons une visibilité sur la trésorerie à moyen terme, ce qui nous permet d’avoir un modèle économique solide et résilient. Cela permet de prévoir les embauches, de planifier, de calculer le churn et de prévoir les prochaines campagnes. C’est devenu un véritable instrument de pilotage. Nous venons d’ailleurs d’embaucher une responsable marketing pour affiner encore ces analyses.
Oui, très bien : par exemple, nos échanges de visibilité avec Streetpress l’an passé nous ont permis de recruter 1.000 abonnés à notre newsletter en un seul mail. C’est le cas aussi de notre partenariat avec France Inter [via une chronique hebdomadaire dans l’émission “La terre au carré”] : nous ne sommes pas payés pour nos chroniques, mais cela nous apporte de la visibilité précieuse.
Pour résumer, notre stratégie consiste à multiplier les points de contact, que ce soit via des événements physiques, des partenariats avec d’autres médias, ou même de la sponsorisation sur Meta. L’enjeu, c’est ensuite de transformer cette visibilité en abonnement à notre newsletter – un canal que nous maîtrisons – puis en dons réguliers.
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