5 juin 2025

Temps de lecture : 3 min

En Europe aussi, Apple va être privé d’une partie de ses commissions

À partir du 23 juin, la société de Cupertino ne pourra plus prélever de commissions sur les transactions externes réalisées depuis un iPhone ou un iPad en Europe. Un changement imposé par la Commission européenne, dans le cadre du DMA, qui devrait représenter un immense manque à gagner.

Déjà sanctionné aux Etats-Unis, Apple l’est aussi en Europe. À partir du 23 juin, la société de Cupertino ne pourra plus prélever de commissions sur les transactions externes réalisées depuis un iPhone ou un iPad. Autrement dit: tous les développeurs d’applications pourront rediriger leurs utilisateurs vers un site Internet pour réaliser un achat ou souscrire à un abonnement, sans avoir à reverser le moindre centime.

Ce coup de tonnerre intervient juste après une décision défavorable de la justice américaine. Il s’inscrit dans le cadre du Digital Markets Act, une réglementation européenne qui vise à renforcer la concurrence dans le numérique. Fin avril, Apple a déjà été condamné à une amende de 500 millions d’euros.

Entré en vigueur l’an passé, le DMA acte l’interdiction de la pratique dite d’anti-steering, mise en place par Apple depuis le lancement de l’App Store. Celle-ci obligeait les développeurs à utiliser sa plateforme de paiement. Et à lui reverser 15% ou 30%. Sur le papier, le groupe y a renoncé, même si Bruxelles dénonce toujours des restrictions “techniques et commerciales”.

Mais il n’a pas renoncé à sa rémunération, la fixant d’abord à 12% ou 27% sur les achats réalisés pendant sept jours après la redirection. Il a depuis annoncé un système assez complexe, avec des frais pouvant aller jusqu’à 25% sur les transactions au cours des douze mois suivant l’installation ou la mise à jour d’une application. Pour l’Europe, ces commissions ne vont pas seulement “au-delà de ce qui est strictement nécessaire”, comme indiqué il y a un an. Elles sont contraires au DMA.

Menace d’astreinte journalière

Bruxelles reconnaît qu’Apple “peut être rémunéré pour l’acquisition initiale” d’un client par un développeur. Mais cette commission, dont le taux devra être défini par le groupe américain, ne doit s’appliquer que sur une “fenêtre limitée dans le temps” après la première installation d’une application. Et surtout, elle ne concerne que la toute première transaction, même si une personne désinstalle puis réinstalle une application.

Concrètement, cela signifie que l’entreprise va devoir modifier ses pratiques en Europe. Dès le 23 juin, elle n’aura le droit de récupérer une commission que sur la première transaction externe entre un utilisateur d’iPhone et un développeur d’application. Tous les autres achats ou renouvellements automatiques d’abonnement ne pourront plus subir de prélèvement. Apple va probablement faire appel de la décision de Bruxelles. Mais cette procédure n’est pas suspensive.

Interrogée, la société n’a pas souhaité indiquer si elle allait se mettre en conformité. Depuis un an, elle a adopté une attitude très combative contre le DMA, avec la volonté de céder le moins de terrain. Mais elle s’expose à des astreintes pouvant aller jusqu’à 55 millions d’euros par jour. En avril, les responsables européens avaient promis d’y recourir si nécessaire.

Important manque à gagner

Bruxelles ordonne aussi à Apple de lever toutes les restrictions sur les liens externes au sein des applications. Par exemple, le groupe limite les redirections à une seule adresse URL, nécessairement détenue par le développeur. Il impose aussi d’afficher un message “non neutre et objectif” pour indiquer aux utilisateurs qu’ils sont redirigés vers un site.

Les conséquences financières pourraient être colossales, alors que les commissions affichent des marges proches de 100%. En l’absence de prélèvement sur les achats externes, la société redoute en effet que “la plupart des grands développeurs et potentiellement de nombreux développeurs moyens et petits” choisissent de ne plus utiliser son système de paiement, soulignait début mai la juge américaine chargée de l’affaire l’opposant à Epic Games, l’éditeur du jeu vidéo Fortnite.

Une estimation interne chiffrait le manque à gagner “en centaines de millions voire en milliards de dollars” par an aux États-Unis. Certes, l’Europe est un marché moins lucratif, mais Bruxelles va imposer des changements bien plus importants que ceux retenus dans cette estimation. Apple va très probablement saisir la justice européenne, mais la procédure prendra des années.

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