3 novembre 2025
Temps de lecture : 7 min
Au premier semestre 2025, les investissements publicitaires en display ont diminué de 12%, selon le 8e baromètre du programmatique de l’Alliance Digitale. Lancé en 2021, en plein rebond post-Covid, ce baromètre est le témoin de la lente érosion de ce format historique de la publicité programmatique : -15% en 2022, -9% en 2023 et -4% l’an passé.
Cette année, le phénomène s’étend jusqu’à la vidéo sur l’open web, en recul de 13%, alors que la concurrence des plateformes de streaming et des réseaux sociaux s’intensifie.
Les éditeurs souffrent, alors qu’au-delà du programmatique, les recettes de la presse sont en recul de 7,7% au S1 2025, selon le baromètre unifié du marché publicitaire, qui intègre cette année dans ce segment les revenus issus du digital. De quoi les pousser à saturer leurs sites de publicité, misant sur la hausse des inventaires pour contrebalancer la baisse des CPM, quitte à dégrader l’attention générée par ces publicités et s’engager dans un cercle vicieux.
À leur décharge, les acteurs de l’open web ont aussi dû multiplier les investissements ces dernières années, qu’il s’agisse de respecter le RGPD ou de faire face à la fin annoncée des cookies tiers. Et ce n’est pas les récentes reculades de Google sur les cookies puis sur Privacy Sandbox qui vont changer la donne.
« Le contexte du secteur s’est fortement dégradé. Les inventaires sur l’open web ne sont pas toujours les plus intéressants, avec une recrudescence des sites MFA sur lesquels il est difficile d’émerger. On sait que le niveau d’attention sur les bannières display, qui concernent 60 % des inventaires, n’est pas bon. Les annonceurs se reportent massivement sur la vidéo et le social, et les éditeurs voient disparaître progressivement tout le fruits des investissements réalisés ces dernières années », indique ainsi Geoffrey Berthon, co-fondateur de Qwarry, un spécialiste du ciblage sémantique qui mise désormais sur des environnements cookieless comme les applications mobiles, YouTube et la CTV pour croître.
Lancées cette année, ces nouvelles offres pèsent déjà près de 40% du chiffre d’affaires de l’adtech. « Pour chercher de nouveaux relais de croissance, un acteur comme Ouest-France se lance en TV, tandis que de plus en plus de publishers se tournent vers les plateformes pour diffuser leurs contenus. C’est assez représentatif de la nécessité d’innover, mais ce n’est pas à la portée de tous les acteurs », explique Geoffrey Berthon.
Paul Ripart, directeur délégué digital et data de Prisma Media, rappelle pour sa part qu’il n’y a pas de crise dans la pub : « On lit souvent que l’Open Web est au plus mal. C’est vrai, mais seulement sur certaines activités : le display classique, c’est-à-dire le marché des bannières vendues en open auction, est en difficulté. Si ton activité, en tant qu’éditeur, est axée sur ce format, tu es aussi en difficulté. Mais en parallèle, le secteur de la pub est en croissance depuis plus de quinze ans ! Je n’ai jamais vu une industrie dans ce cas de figure ! Il n’y a pas de crise dans la pub. La seule question est : qu’est ce que tu vends aux annonceurs ? ».
Paul Ripart cite la croissance à deux chiffres des revenus de Prisma liés au social publishing et aux OPS, ou le million de vidéos produites à destination de YouTube, dont une partie est consommée sur l’écran TV. « Nous avons développé six studios à Gennevilliers, tout comme nous avons développé notre capacité à écrire pour le social et à y faire grandir nos communautés. Nous sommes social first depuis au moins quatre ans !» À cela s’ajoutent également les collaborations data du groupe, à l’image de celle récemment annoncée avec Displayce et Values.media.
Mais au même titre que les éditeurs doivent se diversifier pour faire face à la baisse des revenus du display programmatique, les adtechs doivent elles aussi adopter une approche omnicanale pour grandir : « C’est ce qui apporte de la valeur aux annonceurs et aux agences qui veulent toucher un maximum d’audience sans que cela soit trop complexe », assure Geoffrey Berthon, citant le succès de ses campagnes mêlant open web, vidéo online et CTV.
Même constat chez First-id, spécialiste français de l’identification publicitaire cookieless lancé en 2022. Si le rétro-pédalage de Google sur la fin des cookies n’a pas freiné son développement, sans pour autant l’accélérer, c’est bien sa réponse aux enjeux omnicanaux qui porte sa croissance aujourd’hui : « Depuis la décision de Google, il y a une décélération de l’engouement des annonceurs et des agences pour les solutions d’ID, c’est un fait. Mais malgré tout, nous nous distinguons grâce à notre interopérabilité omnicanale qui permet de faire transiter la donnée au sein de l’écosystème digital », explique David Folgueira, son fondateur.
« Historiquement, nous nous sommes développés auprès des éditeurs désireux de réconcilier les données issues de leurs différents sites. Je pense par exemple à 366, qui gère plusieurs dizaines de sites de PQR (presse quotidienne régionale, ndlr). Il y a aussi ceux qui veulent activer leur data 1st party dans l’écosystème de Google au travers d’un PPID (identifiant unique attribué par un éditeur à un utilisateur, ndlr). Bref, nous répondons à de nombreux cas d’usage en sell-side et continuons à nous développer de ce côté de la chaîne de valeur, auprès notamment des acteurs du retail media. Mais désormais, nous allons au-delà de l’open web pour multiplier les usages du côté buy-side, avec la même promesse : permettre d’optimiser les performances à 360° », indique David Folgueira, CEO de First-id.
L’interopérabilité de son ID est donc la priorité de l’adtech actuellement : « Nous réconcilions des environnements comme le web et les applications mobiles, où d’un côté il y a des cookies, et de l’autre, des IDFA. Mais aussi la CTV, ou ce sont les adresses IP qui sont utilisées. Et désormais, nous sommes de plus en plus utilisés en social media, maintenant que les principaux réseaux permettent d’opérer des ID externes », explique David Folgueira, citant l’API Conversion de Meta.
De quoi permettre aux retailers de retargeter sur ces environnements des internautes venus sur leur site sans s’identifier. Mais aussi à des marques, qui n’opèrent qu’un site vitrine ou corporate sans vendre directement en ligne, de travailler leur branding auprès de prospects via l’extension d’audience. Des cas d’usage qui ont permis à First-id de s’associer à une vingtaine de clients annonceurs, mais aussi des agences ou des régies désireuses de pouvoir opérer et commercialiser des campagnes omnicanales.
Un constat partagé par Sandrine Prefaut, directrice générale Europe de Locala : « Nous étions historiquement un acteur bas de funnel spécialisé dans le drive-to-store via du display mobile. Nous avons progressivement ajouté des données issues de panel ou de comportements online à nos données géolocalisées, ce qui nous offre une grande granularité en matière de segmentation d’audience et de ciblage et nous permet de faire de plus en plus de campagnes haut de funnel. En parallèle, notre plateforme est devenue omnicanale : nous avons ajouté le DOOH il y a deux ans, et nous activons depuis cette rentrée la CTV et le social media.»
Pour autant, la dirigeante n’enterre pas les formats display classiques, tant qu’ils sont bien ciblés : « Sur mobile, les formats traditionnels fonctionnent toujours bien. Nos bannières et nos interstitiels génèrent des visites pour nos clients. Certes, le format vidéo est particulièrement bien adapté au display, mais aussi au social, à la CTV ou au DOOH. On en développe de plus en plus, afin de suivre les tendances du marché. Mais comme souvent, c’est la complémentarité qui fonctionne : du display combiné à du DOOH, cela fait 1+1. Mais c’est plutôt égal à 2,5 qu’à 2. Et c’est pareil en social, grâce aux synergies sur mobile. »
Selon elle, ces performances seront demain encore exacerbées grâce à l’IA, qui permettra d’adapter plus finement les publicités aux enjeux multi-locaux, tout en facilitant la lecture des bilans de campagnes et l’optimisation de celles-ci.
L’IA est d’ailleurs au cœur des espoirs des acteurs de l’open web. Des éditeurs comme Prisma, Reworld Media ou Le Figaro lancent de nouvelles offres de brand content GEO mettant l’autorité de leurs marques média auprès des moteurs d’IA générative au service des annonceurs souhaitant y optimiser leur référencement.
« Il y a une nouvelle révolution qui s’opère autour de l’IA, et à laquelle nous répondons via des offres GEO comme Content for LLM, que nous venons de lancer, et qui va être selon moi le nouveau social publishing pour les éditeurs, avance Paul Ripart. Les LLM viennent tous les jours scanner les contenus de nos sites car ils disposent d’une certaine autorité dans leur domaine : Capital sur l’économie, Femme Actuelle sur la mode, Cuisine AZ sur le culinaire… Naturellement, nous pouvons mettre une marque en avant de manière native pour qu’elle ressorte mieux dans les résultats des principaux modèles utilisés que sont Chat GPT, Gemini ou Perplexity.»
Mais plus globalement, c’est l’entrée dans l’ère de l’agentique qui pourrait donner un nouveau souffle à l’écosystème… tout en tournant définitivement la page du programmatique tel qu’on le connaît aujourd’hui : c’est la vision du collectif d’adtech et de martech derrière l’AdCP, pour advertising context protocol, un nouveau standard devant faciliter la collaboration entre des agents IA représentants les différents acteurs de la chaîne programmatique.
Pour ses membres comme Scope3, Yahoo!, PubMatic, Magnite ou encore Locala, l’automatisation prendra alors une nouvelle forme : l’acheteur n’aura plus à paramétrer ses campagnes, mais seulement à indiquer en langage naturel l’objectif de la campagne et son budget. Surtout, ce projet veut remettre à plat la manière d’acheter la publicité, en réduisant le nombre d’intermédiaires, et donc le prix, tout en facilitant, à terme, les ponts entre des univers programmatiques encore très silotés.
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