6 novembre 2025

Temps de lecture : 3 min

Navigateurs : l’essor de l’IA menace la domination de Chrome

En lançant son navigateur Atlas, OpenAI espère capitaliser sur la vague de l'intelligence artificielle générative pour faire vaciller le géant de Mountain View. Un objectif ambitieux: jusqu’ici, aucun concurrent n’est parvenu à déloger Chrome, solidement ancré dans les usages des internautes.

Lancé en grande pompe, Atlas ne fait pas encore trembler Google. Mais le navigateur Internet conçu par OpenAI semble être le premier à pouvoir à réellement menacer l’hégémonie du géant californien, qui domine très largement le secteur avec Chrome – dont la part de marché est proche de 75%, selon les estimations du cabinet StatCounter.

La promesse d’Atlas ? Révolutionner notre manière de surfer sur le Web grâce à une intégration poussée de ChatGPT, le chatbot vedette de l’intelligence artificielle générative. “L’IA représente une rare opportunité, qui ne se présente qu’une fois par décennie, de repenser ce que peut être un navigateur”, souligne ainsi Sam Altman, qui déplore le manque criant d’innovation depuis des années.

Chrome pas encore inquiété

Le patron d’OpenAI n’est pas le premier à nourrir cette ambition. Cet été, la start-up Perplexity AI a déjà lancé son navigateur Comet. Elle avait été devancée de quelques semaines par The Browser Company, avec son navigateur Dia. Fin juillet, Microsoft a aussi annoncé l’intégration de son assistant Copilot au sein de Edge.

Pour l’heure, aucun de ces acteurs n’a réussi à imposer un navigateur dopé à l’IA au-delà d’un cercle restreint d’enthousiastes. Perplexity revendique quelques millions d’inscrits sur sa liste d’attente. The Browser Company a, elle, accepté de se faire racheter cet été par l’éditeur de logiciel australien Atlassian. Quant à Microsoft, sa part de marché continue de reculer.

OpenAI n’a pas encore communiqué de chiffres sur Atlas. Il faudra de toute façon attendre un lancement à plus grande échelle – le navigateur n’est pour le moment disponible que sur les ordinateurs Mac, en attendant son déploiement prévu sur Windows, iOS et Android – pour en mesurer le véritable impact.

Le concepteur de ChatGPT dispose de solides atouts pour bousculer la domination de Google. Il peut promouvoir Atlas auprès d’une audience colossale de quelque 800 millions d’utilisateurs actifs chaque semaine. Il bénéficie surtout d’un rayonnement médiatique sans équivalent: le lancement de son navigateur a fait les gros titres, y compris dans la presse généraliste.

Inertie des internautes

Sa mission s’annonce tout de même compliquée. Face à l’inertie des internautes, souvent réticents à changer leurs habitudes, OpenAI va devoir démontrer la force de sa proposition de valeur. Celle-ci était évidente au lancement de ChatGPT, qui a atteint la barre des 100 millions d’utilisateurs en seulement deux mois. Elle l’est beaucoup moins avec Atlas.

Sur le plan visuel, le navigateur ressemble beaucoup à Chrome. Et pour cause: il est basé sur Chromium, la version open source proposée par Google. Il se distingue par la présence d’un bouton “Demander à ChatGPT”, qui ouvre une barre latérale permettant de discuter avec le chatbot. Fini les copier-coller et les allers-retours entre les onglets. Mieux, l’IA comprend le contenu de la page: elle peut la résumer, répondre à des questions ou effectuer des recherches contextuelles.

Atlas propose aussi un “mode agent”, qui permet à ChatGPT de prendre le contrôle du navigateur pour réaliser des tâches à la place de l’internaute – comme commander les ingrédients nécessaires pour une recette. Encore expérimentale, cette fonctionnalité n’est pour l’instant accessible qu’aux utilisateurs payants. Autre nouveauté: le navigateur est doté d’une mémoire, capable de se souvenir des sites visités ou des produits consultés.

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Google réagit déjà

Reste à savoir si ces nouveautés suffiront à séduire le grand public. D’autant que des questions restent toujours en suspens, notamment autour du respect de la vie privée et de la sécurité. L’un des risques majeurs concerne l’injection de prompts malveillants, dissimulés dans le code d’une page Web, qui pourraient amener le navigateur à exécuter des actions à l’insu de l’utilisateur.

Surtout, Google ne reste pas inactif. En septembre, avant même le lancement d’Atlas, le moteur de recherche a commencé à intégrer son propre chatbot Gemini dans Chrome. À n’en pas douter, d’autres initiatives suivront, dans le cadre d’une stratégie d’ajout progressif de nouvelles fonctionnalités d’IA au sein des produits maison.

Contrairement au marché des chatbots, sur lequel Gemini reste secondaire, Google est déjà en position dominante sur le marché des navigateurs. Suivre les avancées d’OpenAI pourrait donc lui suffire pour conserver l’immense majorité de ses utilisateurs. Un scénario déjà observé dans la recherche en ligne: depuis l’introduction du module AI Overviews sur Google, le trafic vers le moteur dopé à l’IA de Perplexity n’a cessé de reculer.

L’enjeu est de taille pour Google. Chrome consolide en effet sa position dominante dans la recherche en ligne — un point relevé par la justice américaine dans le cadre de sa condamnation pour pratiques anticoncurrentielles. Le navigateur constitue en outre une source inestimable de données de navigation, qui nourrissent son algorithme PageRank afin d’affiner la pertinence de ses résultats de recherche. De quoi lui permettre de rester la meilleure solution du marché.

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