26 novembre 2025
Temps de lecture : 5 min
Au fur et à mesure que le recours à l’IA générative se démocratise, les internautes l’utilisent de plus en plus pour préparer et réaliser leurs achats. Selon une récente étude de Toluna, réalisée pour le cabinet de conseil en géomarketing Pub Audit, un Français sur deux trouve ces solutions utiles pour comparer des marques et des produits, et trouver les plus adaptés à ses besoins. Une proportion équivalente recherche grâce à ChatGPT, Gemini, Proximity et consorts des offres promotionnelles, tandis que 44 % des Français demandent directement à ces outils de trouver le vendeur du produit désiré. Des comportements exacerbés chez les 18-34 ans, puisque entre 61 % et 65 % d’entre eux indiquent avoir ces comportements.
À l’échelle globale, les outils d’IA deviennent des sources de trafic de premier ordre pour les e-commerçants : selon Adobe Analytics, Amazon a vu le nombre de visiteurs de ses Prime Day 2025 issus des assistants virtuels augmenter de 3300 % par rapport à 2024. De même, selon Digiday, 20 % du trafic de Walmart ou d’Etsy issu de clics sur des liens d’affiliation provenait de ChatGPT en août dernier. Un chiffre qu’il faut toutefois relativiser, puisque le trafic issu de clics sur ces liens ne représente que 5 % du trafic global de ces sites, généré la plupart du temps par le search ou d’autres canaux marketing.
Toujours selon Digiday, ChatGPT ne pèse que 0,2 % du trafic des principaux sites e-commerce américains, soit 200 fois moins que Google… Toutefois, le phénomène prend de l’ampleur et une grande partie des utilisateurs de ChatGPT se renseignent d’abord grâce à l’assistant avant de chercher un produit sur Google. Selon OpenAI, ChatGPT enregistre chaque jour 50 millions de requêtes relatives à des achats en ligne. C’est 2 % de l’ensemble des requêtes auxquelles l’outil répond quotidiennement.
Le potentiel révolutionnaire de ces solutions pour l’e-commerce et le retail n’a échappé à aucun des acteurs en présence, qui y voient de nouvelles opportunités de business. La semaine dernière, Adage a révélé qu’Amazon teste des suggestions de prompts sponsorisées dans son assistant Rufus. Ce 24 novembre, Open AI a dévoilé de son côté la fonctionnalité Shopping Research, qui doit permettre de faciliter la comparaison, et donc l’achat, de produits techniques. Cet été, Sam Altman évoquait déjà la possibilité d’ajouter de la publicité sur ChatGPT au travers de liens d’affiliation. Auparavant, le service avait déployé Instant Checkout, une fonctionnalité shopping permettant aux internautes d’acheter depuis la plateforme sur des sites marchands tiers. L’étape suivante repose sur le développement d’agents IA capables de trouver et d’acheter automatiquement des produits.
Pour l’instant, le commerce agentique est loin d’être prépondérant. Mais cela pourrait changer rapidement, comme l’indique Jérôme Hiquet, CEO de StratNXT (Cosmo5) : « Cette révolution est portée par des acteurs qui sont déjà massivement adoptés : ChatGPT compte 800 millions d’utilisateurs chaque semaine, pour 650 millions d’utilisateurs mensuels de Gemini, sans oublier Rufus d’Amazon… Ils ont des capacités d’investissement sans commune mesure, et déploient déjà des innovations en matière d’agentique, avec Instant Checkout chez OpenAI ou des fonctionnalités “Buy for me” chez Google et Amazon. »

Si Instant Checkout permet d’acheter des produits suggérés par ChatGPT en un clic, sans quitter la plateforme, Buy for Me d’Amazon se propose par exemple d’aller acheter un produit sur le site de la marque s’il est indisponible sur la boutique Amazon de celle-ci. Grâce aux informations que l’e-commerçant possède déjà, il peut sélectionner le bon produit et payer.
« Nous sommes à l’aube d’une évolution majeure de l’écosystème digital : nous allons passer d’une économie de l’attention à une économie de l’intention, où nous pourrons formuler des requêtes en langage naturel et obtenir une résolution automatique », ajoute Jérôme Hiquet.
De quoi entraîner plusieurs bouleversements pour l’écosystème publicitaire, à commencer par la disparition du funnel marketing classique. Avec, à la clé, un enjeu existentiel majeur pour les marques : celui de la désintermédiation.
« Dans cette nouvelle ère du zéro-clic, 70 % des recherches ne débouchent pas sur la visite d’un site. La recherche d’un produit est déjà bouleversée, et le sera encore plus avec le développement de l’agentique, qui va entraîner une révolution dans la manière de comparer les offres, puisqu’il sera nécessaire de faire de moins en moins d’actions avant de trouver la réponse recherchée. Pour les marques, le risque est de devenir une sorte de “dark store”, qui ne maîtrise plus l’expérience offerte au client », explique Jérôme Hiquet, qui conseille aux marques de renforcer leur branding, leur CRM et leur capacité à adresser directement leurs clients, tout en reconnaissant que le commerce agentique n’en est qu’à sa phase exploratoire.
« L’important, ce n’est pas l’usage à l’instant T, mais la dynamique à l’œuvre. Les e-commerçants qui utilisent Stripe et Shopify peuvent intégrer Instant Checkout d’OpenAI depuis quelques semaines… Aussi, le partenariat entre OpenAI et Walmart va être un accélérateur », indique Jérôme Hiquet, en référence à cet accord signé mi-octobre, qui permet entre autres aux utilisateurs de ChatGPT de commander des produits de l’enseigne depuis le service.
« Ce Black Friday va nous permettre d’avoir une réponse un peu plus précise à ces questions : dans quelle mesure les achats vont-ils être cette année influencés par l’IA ? Ou réalisés par l’IA ? Je pense que nous allons avoir des usages plus développés que ce qui est attendu. Mais nous ne le saurons sans doute qu’à l’occasion de la prochaine NRF, si les enseignes commencent à intégrer à leur communication de nouveaux indicateurs, comme le taux de visibilité dans les réponses des LLM ou le taux de sélection dans les achats », explique Jérôme Hiquet.
En attendant janvier, de nombreuses interrogations demeurent. Au-delà des early adopters, combien de personnes auront suffisamment confiance pour laisser un agent IA accéder à leur compte en banque et à la possibilité de faire des achats automatiques ? Bien que Google ait déployé son Agent Payments Protocol (AP2) en septembre, dans quelle mesure les protocoles de sécurité des autres acteurs du paiement vont-ils s’adapter ?
« Se posent les questions du consentement et de l’authentification de l’acheteur, ou encore celles autour de la responsabilité de l’achat s’il y a un problème. Quelle transparence quant à celui qui a vraiment initié l’achat et comment le produit a été sélectionné… », explique Jérôme Hiquet, qui évoque ensuite les enjeux techniques pour les marques qui, pour être “agentic ready”, devront développer une stratégie GEO et s’assurer d’une bonne structuration de leurs données, et de leur “crawlabilité”, pour être visibles auprès des agents, et achetées par ces derniers.
C’est du moins l’un des conseils de l’expert, selon qui bloquer l’accès de son site et de son offre aux agents n’est pas la stratégie la plus opportune : « Il y a eu un vrai débat cet été sur la possibilité d’empêcher OpenAI et consorts de crawler les sites pour s’entraîner et accéder à l’information. Je pense que nous avons passé ce cap, et que la vraie question est aujourd’hui : comment collaborer avec ces acteurs pour saisir ces nouvelles opportunités ? »
Une question qui semble ne pas encore totalement se poser chez les géants de la GenAI : début novembre, Amazon a déposé plainte contre Perplexity et son navigateur Comet, afin d’empêcher ce dernier d’automatiser des achats sur sa marketplace.
Les 4 conseils de Jérôme Hiquet, CEO de StratNXT (Cosmo5), pour faire face au développement du commerce agentique :
Pour aller plus loin : Le marché de l’e-commerce agentique est estimé à 136 milliards de dollars en 2025
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