31 octobre 2025

Temps de lecture : 3 min

Pourquoi la menace du « Frankenstack » plane sur l’adtech

L'évolution rapide et la prolifération des outils dans la publicité digitale ont donné naissance à un phénomène, désigné par le terme anglo-saxon de « Frankenstack ». En ce 31 octobre, nous nous intéressons à cette menace… terrifiante.

Dans l’univers numérique, le Frankenstack désigne le risque d’empiler des solutions technologiques hétérogènes pour répondre à chaque besoin spécifique, créant un « monstre » technologique ingérable et coûteux. Ce terme a été récemment utilisé par Michel Juvillier dans son émission The TV Society, ce qui a piqué ma curiosité. Quoi de mieux que le jour d’Halloween pour comprendre ce qu’est cette créature, et surtout d’éviter de la créer dans l’adtech ?

Le Frankenstack menace tous les acteurs de la publicité digitale : que l’on soit agence, annonceur ou industriel, la quête du « super spécialiste » pour chaque tâche mène inéluctablement à l’accumulation d’outils. Loin d’apporter l’efficacité recherchée, cet empilement technologique génère du ralentissement et des frictions. Il incarne un stack technique qui n’est ni fonctionnel, ni cohérent.

Le Frankenstack : quand trop de tech tue la tech

Erwan Lohezic, Directeur Général de Biggie France, observe que dans le secteur de l’adtech l’incohérence est palpable, notamment au sein des agences qui agissent comme trading desks. L’utilisation de surcouches technologiques impliquant des DSP (Demand-Side Platforms), des bidders et diverses données peut mener à un stack incohérent entre la diffusion et la mesure. Ce morcellement peut rendre le pilotage des campagnes difficile.

Ce risque de surtechnologie n’est pas limité aux outils externes d’achat. Il englobe également les outils internes de l’agence (gestion du temps, reporting financier, visualisation des données clients). Les sociétés se retrouvent parfois perdues dans cet excédent technologique. C’est pourquoi « il est crucial d’éviter le Frankenstack sur le delivery des campagnes » selon lui. Il estime que le contrôle de cette surtechnologie doit être exercé idéalement par la DSI (Direction des Systèmes d’Information).

Un marché fragmenté et verrouillé par les walled gardens

Selon Erwan Lohezic, le problème de cette non-transversalité est exacerbé par l’architecture même du marché de l’adtech : les walled gardens n’ont aucun intérêt à partager leurs données, chacun utilisant son propre cookie ou ID. Par exemple, DV360 est l’unique plateforme disponible sur YouTube en dehors de Google Ads et Amazon Prime possède son propre DSP. Les agences et annonceurs n’ont donc pas d’autre choix que de passer par ces outils.

Le marché connaît néanmoins une forte concentration, régi par la loi du « winners take it all » et tend à se nettoyer au profit des technologies les plus robustes. Cependant, même si le nombre de technologies globales diminue (illustré par la fin de Xandr), de nouveaux segments comme la télévision connectée (CTV) connaissent actuellement un foisonnement d’outils. « Ce marché, voué à exploser, n’aura pas la place pour quinze technologies. Il faut s’attendre à une consolidation future et potentiellement de la casse », entrevoit le Directeur Général de Biggie France.

Le rôle crucial de l’agence face à la complexité

Face à la menace du Frankenstack, l’agence joue un rôle indispensable pour guider l’annonceur à travers cette « tuyauterie technologique », selon Erwan Lohezic. Le rôle d’une bonne agence n’est pas d’opter pour une simplification extrême en recommandant de placer tous les budgets sur Google ou Meta, mais d’accepter cette complexité et faire en sorte que les systèmes soient interopérables.

« L’agence doit déterminer pourquoi utiliser telle ou telle technologie, en évaluant ses avantages et inconvénients. Le choix technologique doit être aligné sur le KPI souhaité (awareness, considération, performance). Une fois le cadre KPI établi, l’objectif est de minimiser le nombre de technologies employées pour réaliser la tâche », illustre-t-il.

Pour naviguer dans cet environnement fragmenté, l’agence doit mettre en place des systèmes (souvent invisibles). Ces outils ont pour fonction de récupérer les données pour les réinjecter ailleurs, permettant ainsi de piloter l’investissement global sur de multiples leviers. La vigilance est de mise, car même l’ajout d’un petit outil, qui peut a priori être une bonne idée, peut compliquer l’utilisation globale. L’interopérabilité des technologies est essentielle pour éviter de se limiter à l’utilisation d’Excel pour l’extraction de données.

En résumé, quelques réflexes pour éviter le Frankenstack 🧟:

  • Cartographier les outils déjà en place
  • Supprimer les doublons et surcouches inutiles
  • Centraliser les données clés
  • Tester l’interopérabilité avant tout nouveau contrat
  • Impliquer la DSI dans chaque décision technologique

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