Nicolas Mignot (Freewheel) : "Nous allons permettre à nos partenaires broadcasters européens de faire de l'extension d'audience"


  • A l'approche du big bang techno qui devrait révolutionner le marché de la pub TV, c'est d'abord de souplesse dans la manière de commercialiser leur inventaire que les acteurs du marché ont besoin, nous explique l'un des dirigeants de Freewheel.

  • Un dirigeant qui s'interroge aussi sur l'avenir de la publicité TV linéaire alors que les usages se fragmentent de plus en plus.

Nicolas Mignot est VP Publisher sales et stratégie internationale de Freewheel

Nicolas Mignot (Freewheel) : "Nous allons permettre à nos partenaires broadcasters européens de faire de l'extension d'audience" - Nicolas Mignot est VP Publisher sales et stratégie internationale de Freewheel

Minted. Notre évènement “Future of TV Ads” s’intéressera au rôle de la techno dans l’évolution du marché de la publicité TV. Quel est, selon vous, un bon exemple de cela ?

Nicolas Mignot (Freewheel). La flexibilité, ou plutôt le fait de gagner en souplesse dans la manière avec laquelle on vend de la publicité TV, linéaire ou non. C’est un vrai sujet pour nos clients où qu’ils soient. Ça l’est depuis plusieurs années aux Etats-Unis, où il est fréquent de voir un distributeur de contenus donner la main à un acteur tiers pour vendre son inventaire. Le tout étant géré au sein d’une même interface. Par exemple, une chaîne nationale qui s’appuie sur des régies locales pour optimiser son accès à la demande. Ou un network, type NBCU, qui donne la main à un câblo-opérateur comme Comcast, pour monétiser une partie de son inventaire en vertu de l’accord de distribution qui les lie.

L’exemple que vous donnez est très spécifique aux Etats-Unis non ? On ne voit pas TF1 donner la main à Bouygues ou SFR pour vendre une partie de son inventaire…

Évidemment ! En revanche, si la fusion TF1 - M6 avait été au bout, ça aurait pu être un sujet. Les régies de chaque chaîne auraient pu travailler de leur côté, la joint-venture du sien. L’intérêt d’une technologie comme celle que je vous décris, c’est de permettre à un distributeur de contenus de garder son walled garden tout en travaillant avec d’autres partenaires de monétisation. Ça préserve l’étanchéité. Chacun crée des listings d’inventaire ou de ciblage à sa main, peut les rendre publics ou privés, les partager en one-to-one ou one-to-many. 

Un exemple plus concret ?

C’est, par exemple, récupérer un inventaire non éligible au ciblage demandé par le client et le vendre autrement, qu’il s’agisse de le confier à un partenaire ou de l’intégrer à un pool d’inventaire plus importer. Le but, c’est d’apporter plus de souplesse aux modes de commercialisation. C’est un vrai sujet pour les diffuseurs, qui ont toutes les peines du monde à “yielder”, comme le font leurs homologues du digital. Et c’est la raison pour laquelle nous travaillons sur des cas exploratoires de ce genre. Car la plupart des diffuseurs ne peuvent pas se contenter d’ouvrir de nouveaux slots pour optimiser leur monétisation. Ils doivent faire mieux avec l’existant. 

Une autre fonctionnalité que vous avez développée outre-Atlantique permet aux régies de devenir acheteuses d’inventaire, si nécessaire. Pourquoi ?

C’est un cas d’usage qui c’est normalisé dans l’univers digital, où on l’appelle “extension d’audience” et c’est devenu précieux pour certains de nos clients, qu’il s’agisse d’un opérateur qui est à court d’inventaire disponible ou d’une régie qui peine à délivrer des impressions sur une audience donnée. 

Nous avons lancé cette fonctionnalité aux Etats-Unis il y a maintenant deux ans. Elle leur permet, directement depuis leur interface d’acheter de l’inventaire hors de leurs frontières, via un ordre d’insertion ou en programmatique. Le succès est au rendez-vous et c’est la raison pour laquelle nous avons décidé de mettre cette technologie à disposition de nos clients internationaux dans les semaines à venir. 

Vous avez un exemple d’acteur qui se penche déjà sur le sujet ?

Un des gros sujets, c’est évidemment la fragmentation de la consommation TV, avec un linéaire qui plafonne, voir décroît, alors que la catch-up augmente. On peut citer l’exemple d’un groupe télévisuel allemand qui a bien compris l’importance de jouer de la complémentarité de la TV linéaire et de la vidéo en ligne pour permettre à ses clients d’aller chercher de l’incrément de reach. Il leur permet ainsi de toucher les petits consommateurs de télévision linéaire en digital. Car tous les acteurs de la presse allemande sont disponibles dans le SSP de cet acteur, avec sa data.

Permettre d’améliorer la couverture sur les petits consommateurs de TV, c’est aussi la promesse de la TV segmentée…

C’est vrai… En proposant de nouveaux ciblages, la TV segmentée a le mérite de créer de la valeur pour les chaînes de télévision comme pour les annonceurs. Mais pour être honnête, je m’interroge un peu sur son avenir et celui de la TV linéaire en général. Comment réussir à faire croître ce marché alors que la durée d’écoute individualisée (DEI) diminue. Est-ce que la TV segmentée peut permettre d’y remédier ? Pas sûr que cela suffise. 

Le “non adressé” va, lui aussi, devoir changer. Il va falloir faire rentrer plus d’annonceurs, c’est tout le sens des expérimentations programmatiques initiées par les régies TV avec leur boxes, pour toucher les petits et moyens annonceurs. Il va aussi falloir repenser l’utilisation de la data dans l’optimisation du mediaplanning. 

On voit en tout cas que les lignes bougent. Que la TV s’inspire de ce qui a été fait sur le digital alors que le digital lorgne, lui, de plus en plus du côté de la TV. Il va falloir casser les silos, qu’il s’agisse des organisations ou des outils de mesure, c’est tout le challenge qui se pose à Médiamétrie pour les années à venir. L’enjeu pour les broadcasters, c’est d’aller en frontal avec des acteurs du digital qui rognent sur leur part de marché, sans pour autant détruire à la création de valeur. Pas évident !