Maxime Cerda et Pierre Venture (Stamp) : "L'objectif, c'est de mettre sur pied le Google Ads européen de la CTV"


  • Lancement d'une plateforme self-service, arrivée de nouveaux KPI, comme l'attention ou la mesure carbone et levée de fonds en cours... On a fait le point avec les fondateurs de ce spécialiste de l'achat de publicités dans les environnements CTV.
  • Maxime Cerda et Pierre Venture en profitent, au passage, pour nous communiquer leur vision d'un secteur en pleine mutation.

Minted. Il y a maintenant un an que nous nous sommes parlé, à une époque où vous vous appeliez Alma.TV. Aujourd’hui, c’est Stamp. Quoi de neuf à part ce changement de nom ?

Maxime Cerda. Le nom a changé mais l’ambition du projet reste, elle, la même. Quand nous nous sommes parlés, l’objectif c’était de lancer un algorithme qui permettait d’optimiser la diffusion des campagnes CTV en s’appuyant sur des données peu exploitées jusque-là, qu’il s’agisse de données relatives aux programmes, à la localisation de la personne exposée ou de son comportement de navigation. Nous l’avons fait.

De même que nous avons lancé notre offre d’ad-network, pour faire la jonction entre les agences médias et l’écosystème très vivant, mais qui se structure encore, de la CTV. Nous collaborons aujourd’hui avec une vingtaine d’éditeurs comme M6, Altice, Molotov ou Pluto.TV, pour ceux que je peux citer. Nous avons noué un partenariat structurant avec Titan OS, l’OS de Phillips, qui représente 10% des smart TV en France. Entre juillet 2023 et aujourd’hui, nous avons opéré une trentaine de campagnes pour un montant total de  2 millions d’euros. Nous devrions atteindre les 4 millions d’euros pour 2024.

Pierre Venture. Le dernier point, c’était de sortir des KPI traditionnels, comme la visibilité, que nous n’estimions pas assez discriminante en CTV. Nous regardons tout ce qui est en lien avec l’attention, le reach incrémental, pour lequel on aura besoin de la nouvelle mesure de Médiamétrie, le drive-to-Web et la mesure de l’empreinte carbone.

Où en êtes-vous ?

Maxime Cerda. Nous avons noué un partenariat avec xpln.ai pour permettre aux marques de mesurer et piloter leurs campagnes à l’aune de l’attention. C’est un KPI qui permet de valoriser l’offre TV en général et celle de la CTV en particulier, par rapport à des médias populaires comme Youtube ou l’outstream. Nous réfléchissons à proposer des packages avec un niveau d’attention garanti.

Et ça prend ? Je trouve que le KPI de l’attention divise quand même pas mal chez les acheteurs. Ils sont un certain nombre à trouver qu’on manque de normes….

Certains y vont à fond, d’autres sont effectivement réticents. C’est pour ça que l’on a mis cette offre sur pied, pour créer un usage. 

L’attention est un KPI tout neuf, qui mérite d’être travaillé. Un peu comme celui de la mesure de l’empreinte carbone, pour lequel on est encore obligé de passer par des hypothèses, mais sur lequel il faut bien avancer, comme nous espérons le faire avec des partenaires comme Impact Plus et DK. Dans tous les cas, nous restons agnostiques et bien évidemment ouverts à la perspective que des tiers viennent contrôler ce qui est proposé.

Revenons-en à ce nouveau nom, Stamp. Pourquoi ce changement ?

Pierre Venture. Stamp, c’est en fait un acronyme : Streamline Television Ad Management Platform. Cela correspond à la plateforme d’achat en self-service que nous allons lancer en septembre prochain. 

L’ambition, c’est de proposer aux acheteurs l’équivalent d’un Google Ads ou Meta Ads Manager mais pour l’environnement CTV. Une plateforme simple d’utilisation, fonctionnelle, qui leur permet d’accéder à tout l’inventaire streaming vidéo : catch-up des broadcasters, chaînes FAST, applications CTV… C’est aussi une plateforme qui doit permettre aux acteurs du sell-side, les éditeurs, de faire de l’extension d’audience. 

Ce que ne permettent pas les outils d’achat programmatique type DSP ?

Disons que si l’utilisation d’un DSP est justifiée quand ce sont les équipes trading qui sont aux manettes, elle l’est beaucoup moins quand c’est le cas des équipes multi-screen, qui n’utilisent même pas 1% de ses capacités. Parce qu’elles se contentent le plus souvent, d’automatiser leurs achats, dans une logique de deal garanti, là où un trader expérimenté peut faire du custom bidding ou de l’audience planning. J’en sais quelque chose, je viens de cet univers-là.

"Pas de sens de payer les fees d’un SSP et d’un DSP quand on se contente de faire du programmatique garanti"

Ça n’a pas de sens de devoir payer les fees d’un SSP et d’un DSP qui, mis bout à bout, peuvent représenter jusqu’à 30% du CPM quand on se contente de faire du programmatique garanti. On n’a pas besoin d’un DSP pour faire ce qui est fait actuellement en TV ou CTV.

Et c’est d’ailleurs ce qui explique que le programmatique peine à décoller en TV segmentée…

Entre autres, oui. Nous assumons, en tout cas, cette volonté de désintermédier le couple SSP-DSP quand c’est possible. C'est à dire lorsqu'il n’apporte rien de concret, si ce n’est de la lourdeur dans le processus, comme, par exemple, pour une validation par l’ARPP.

Le streaming vidéo, c’est aussi, pour une grande partie, les inventaires de Youtube, Netflix, Prime Video… Est-ce que ces inventaires vous seront accessibles ?

Maxime Cerda. On l’espère. On ne pourra sans doute pas désintermédier les partenaires technologiques de ces acteurs mais on voudrait les rendre invisible pour les acheteurs. Xandr, qui gère la monétisation de l’inventaire de Netflix, propose déjà une API pour des partenaires tiers. Amazon y travaille.

Et Youtube ? 

On espère pouvoir se connecter en API à DV360 qui est, à date, le seul DSP qui a accès à cet inventaire.

Quid du linéaire ?

Pierre Venture. Je ne suis pas sûr que les grands broadcasters aient besoin d’une plateforme comme la nôtre, qui prélève quelques pourcents de commission supplémentaire, pour monétiser leur inventaire. En revanche, je pense qu’il y a un vrai intérêt pour les plus petites chaînes thématiques, dans le sport, la jeunesse ou la cuisine, pour gagner en visibilité et accessibilité face à ce géant qu’est Youtube.

D’autant que nous avons développé une technologie qui digitalise l’inventaire linéaire, en adservant les spots TV, en les vendant au CPM et en trackant chaque impression.

Pourquoi s’inspirer de Google ou Meta au moment de construire votre plateforme ?

Parce que ces acteurs sont critiquables en de nombreux points mais on ne peut pas leur enlever un vrai savoir-faire au moment de construire un outil très facile d’accès, que n’importe quel entrepreneur local peut prendre en main.

L’idée, c’est de proposer un outil d’achat d’une simplicité redoutable pour cet écran qui est quand même regardé près de 4h30 par jour. Il vous suffit de renseigner votre numéro de carte bleue pour lancer une campagne, sans minimum de budget, exactement comme c’est le cas sur Meta et Google. 

C’est un modèle qui est déjà proposé par des américains comme Vibe et Madhive. Vous assumez la comparaison ?

Tout à fait.

Pourquoi ne pas vous concentrer sur le marché US comme l’a fait Vibe, alors que la plupart de ses équipes sont en France ?

Pierre Venture. Parce que, contrairement à Vibe, qui se contente de passer par les connexions programmatiques pour accéder à l’inventaire local, nous préférons développer des intégrations en direct, qui demandent de bien connaître l’écosystème concerné. Écosystème que Maxime, de par son historique, connaît très bien en Europe.

Maxime Cerda. Et puis vous l’avez dit, des solutions existent déjà aux Etats-Unis, la concurrence est rude alors que tout reste à construire en Europe. Si vous regardez le ratio budget pub CTV - budget pub TV, il est de 1 pour 3 aux Etats-Unis, avec une équivalence qui est prévue pour 2028 car les audiences sont déjà au même niveau. En Europe le ratio est de 1 pour 10. Tout est à construire !

Et pourquoi privilégier des intégrations directes aux canaux programmatiques traditionnels ?

Pierre Venture. Parce que cela nous permet d’accéder à des informations qui ne sont pas disponibles dans les bid requests. Ces dernières hébergent des informations très basiques, comme la catégorie à laquelle appartient le contenu : sport, cuisine… L’intégration directe nous permet d’accéder à un niveau de granularité bien plus fin : le nom du contenu avant, après la pub, les thèmes traités… 

C’est ce qui nous a permis pour un film autour des sports de combat de privilégier les contextes où on parlait de MMA, kickboxing… Aucun acteur qui passe par le programmatique ne peut le faire, pas plus que les régies elles-mêmes. Bien sûr, cela implique un gros travail de qualification et de normalisation de ces informations, via l’IA notamment.

Concrètement, comment fonctionnera la plateforme ?

Pierre Venture. L’objectif, comme on l’a dit, c’est que vous puissiez l’utiliser sans être familier des outils d’achat programmatique. Vous aurez deux options. La première, c’est de renseigner un budget et définir un objectif marketing, et de laisser l’algorithme vous proposez un médiaplanning adéquat. Mediaplanning que vous pouvez évidemment challenger, en procédant, par exemple, à des exclusions.

La seconde option, c’est de filtrer les éditeurs en fonction de votre audience, format, thématique et de choisir ceux qui vous intéressent. Un peu comme vous mettez un produit dans votre panier sur un site e-commerce. Il vous suffit ensuite d’uploader une ou des créations, que nous nous chargerons de décliner selon les specs des partenaires.

Est-ce que la première offre ne va pas vite faire de l’ombre à la seconde ?

Pierre Venture. Vous seriez surpris du nombre d’acheteurs médias qui tiennent à choisir eux-mêmes leurs médias partenaires.

Bientôt une levée ?

Maxime Cerda. C’est en cours de finalisation, on espère boucler cela d’ici la fin de l’année, pour financer les prochains recrutements et notre expansion à l’international, où nous réalisons déjà 20% de notre chiffre d’affaires, simplement en répondant à des briefs globaux.

Si on se reparle d’ici un an, quelle sera la place du managed et celle du self-serve ?

Sans doute que le self-service sera majoritaire. Mais l’offre managed restera active tant que des agences médias et/ou partenaires en ressentiront le besoin. Même si, encore une fois, l’ADN de Stamp, c’est la tech.