7 octobre 2025
Temps de lecture : 5 min
L’hyperdistribution s’impose aujourd’hui comme un phénomène structurant pour l’ensemble de l’écosystème publicitaire télévisuel. Loin d’être une simple évolution technologique, elle représente une rupture fondamentale dans la manière dont les contenus sont produits, diffusés et consommés.
Cette transformation contraint les régies publicitaires, les diffuseurs et les agences médias à réévaluer en profondeur leurs modèles d’affaires, leurs outils de mesure et leurs approches traditionnelles de la planification. Face à cette complexité croissante et aux nouvelles opportunités qu’elle engendre, une adaptation stratégique est devenue un impératif de survie et de croissance.
Le concept d’hyperdistribution dépasse largement la simple multiplication des canaux de diffusion pour toucher à la nature même du contenu, à sa valorisation et aux nouveaux modes de consommation de l’audience.
Les experts du secteur proposent des visions complémentaires de l’hyperdistribution. Raphaël Porte (RMC BFM Ads) insiste sur la distinction entre le téléviseur, l’écran physique premium au cœur du foyer favorisant l’engagement et le co-visionnage (co-viewing), et la télévision en tant que média. Dans cette optique, l’enjeu majeur pour un éditeur est d’assurer sa présence sur tous les téléviseurs, quel que soit le mode d’accès (box, Smart TV, plateformes).
Anne-Sophie Cruque (Biggie) adopte une définition plus large, englobant « tous les supports possibles de consommation » d’un contenu vidéo, incluant de fait le mobile. Cette vision souligne que la bataille pour l’attention se joue sur l’ensemble des écrans.
Cette évolution est déjà une réalité économique tangible. Jean-Baptiste Rouet (Publicis Media) souligne un chiffre clé qui ancre le débat dans le marché actuel : plus de 50% des budgets publicitaires en vidéo instream sont aujourd’hui diffusés sur la télévision connectée (CTV), faisant de cet environnement le premier device d’investissement pour les annonceurs, une évolution tirée par les usages des consommateurs plutôt que par une simple décision d’achat.
L’hyperdistribution déplace le centre de gravité de la valeur : de la chaîne de télévision vers le programme lui-même, transformé en une véritable « marque-programme » ou propriété intellectuelle (IP). Cette stratégie permet aux diffuseurs de faire rayonner leurs contenus les plus forts au-delà de leur grille linéaire.
Cette approche permet de « relinéariser » des contenus de stock pour toucher de nouvelles audiences et de créer des univers thématiques très forts, répondant à une consommation de plus en plus affinitaire. La valeur n’est plus seulement dans le flux, mais dans la capacité d’une IP à exister et à être monétisée sur une multitude de plateformes.
Ce déplacement de la valeur de la chaîne vers l’IP, couplé à la dispersion des audiences, force les agences et les régies à affronter une nouvelle réalité opérationnelle d’une complexité inédite.
L’hyperdistribution présente un arbitrage stratégique fondamental : la poursuite d’une couverture d’audience sans précédent au risque d’une fragmentation opérationnelle potentiellement catastrophique. Si elle ouvre des voies de croissance inédites, elle génère une complexité qui met à l’épreuve les organisations, les processus de planification et les infrastructures technologiques existantes.
Pour les agences médias, le challenge principal, tel que décrit par Anne-Sophie Cruque, est la reconsolidation de la couverture publicitaire. Des contenus puissants, autrefois concentrés, sont désormais éclatés sur une multitude de plateformes, créant une série d’obstacles opérationnels :
C’est précisément la valeur immense des bénéfices de l’hyperdistribution qui force les agences et les annonceurs à affronter cette complexité et à prendre le risque du « Frankenstack ».
Les bénéfices de l’hyperdistribution pour les annonceurs et les diffuseurs sont concrets et mesurables. Elle permet notamment d’aller chercher des audiences devenues difficiles à atteindre via les canaux linéaires traditionnels.
Ces nouveaux enjeux et opportunités mènent inévitablement à une remise en question profonde des modèles de monétisation qui structurent le marché.
Le cœur du problème stratégique actuel réside dans la confrontation de deux cultures et de deux modèles économiques : celui de la télévision traditionnelle, fondé sur le GRP (Gross Rating Point), et celui du digital, structuré autour du CPM (Coût Pour Mille impressions). La résolution de ce débat est la clé pour bâtir un marché publicitaire unifié et cohérent pour l’avenir.
Les deux modèles répondent à des logiques et des objectifs distincts, ce qui rend leur comparaison directe délicate. Le débat n’est pas seulement technique, il est aussi culturel, opposant les « acheteurs TV » aux « acheteurs digitaux ». La tension principale provient de la tentative de comparer une métrique de planification stratégique (le GRP), qui mesure une couverture ciblée dans un environnement qualitatif, avec une métrique d’achat tactique (le CPM), qui quantifie un volume brut d’impressions dans des contextes hétérogènes.
Pour dépasser ce débat, Anne-Sophie Cruque propose une solution stratégique : abandonner l’acronyme « GRP », jugé daté et clivant, pour élever le débat vers l’objectif métier final de l’annonceur : « un point de pénétration sur une cible ». Cette approche n’est pas un simple compromis sémantique, mais une nécessité stratégique pour focaliser le marché sur la performance réelle (la couverture vérifiée d’une cible marketing), quel que soit le canal de diffusion.
Cette vision rejoint une attente forte du marché pour une mesure d’audience cross-média enfin unifiée, selon Jean-Baptiste Rouet, et constitue le standard indispensable pour l’avenir.
Au-delà des défis de la mesure, l’hyperdistribution ouvre la voie à de nouvelles offres publicitaires et soulève des questions stratégiques fondamentales qui restent à trancher pour définir les modèles d’affaires futurs.
Les experts identifient plusieurs pistes d’évolution pour enrichir les offres publicitaires :
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