24 septembre 2025

Temps de lecture : 5 min

The TV society : la mesure cross-vidéo arrive en 2026, comment ça marche et pourquoi ça va tout changer

Dans ce premier épisode de The TV Society, une émission Minted produite par THE SOCIETIES.MEDIA, Michel Juvillier et ses invités décryptent la mesure cross-vidéo des audiences TV.

Autrefois, l’équation était simple : la famille se réunissait devant l’unique écran de télévision du salon. Aujourd’hui, ce modèle a volé en éclats. Nous vivons dans un monde où la vidéo se consomme partout, tout le temps : sur le smartphone dans les transports, l’ordinateur au bureau ou la tablette sur le canapé.

Cette fragmentation des usages est un véritable défi pour les marques qui cherchent à communiquer efficacement. C’est ici qu’intervient la mesure d’audience cross-vidéo, une approche indispensable pour naviguer dans ce nouvel écosystème complexe.

Comprendre la nécessité d’une mesure unifiée

La raison d’être de la mesure cross-vidéo est ce morcellement de la consommation. Comme le souligne Magali Elbaz, Directrice Marketing digital France pour les marques du Groupe Seb, dans l’émission, nous sommes passés « d’un monde où (…) il y avait un écran qui rassemblait tout le monde à une consommation qui est de plus en plus morcelée ». Les consommateurs ne sont plus fidèles à un seul média mais sont présents sur une multitude de plateformes.

Ce changement est massif. Laurent Bliaut, Directeur Général Adjoint de TF1 Publicité, chiffre cet éclatement : pour certains programmes, jusqu’à 30% des audiences se font désormais en dehors de la télévision traditionnelle (ce qu’on appelle la consommation « délinéarisée » sur des services comme TF1+). Sans une mesure unifiée, une part énorme de l’audience devient invisible.

Le Casse-Tête des Annonceurs

Pour les annonceurs, cette situation est un « vrai casse-tête », pour reprendre l’expression de Magali Elbaz. Leurs défis principaux peuvent se résumer en trois points :

  • Planification complexe : Comment choisir les bonnes plateformes pour toucher les consommateurs là où ils se trouvent réellement ?
  • Risque de surexposition : Sans une vision globale, une marque risque de diffuser son message 10 fois aux mêmes personnes au lieu de toucher de nouvelles audiences (dites « incrémentales »). L’objectif est d’éviter de « surexposer les gens ».
  • Mesure de performance opaque : Chaque plateforme (Google, Meta, Netflix…) fournit ses propres données. Les annonceurs sont donc dépendants de chiffres qu’ils ne peuvent ni comparer, ni vérifier de manière indépendante, rendant la vision d’ensemble quasi impossible.

L’Enjeu Industriel des Diffuseurs

Du côté des diffuseurs comme TF1, l’enjeu est tout aussi crucial. Ils doivent, selon Laurent Bliaut, « réconcilier » et « réunifier » leurs différents espaces publicitaires : celui de la TV linéaire classique et celui de leurs plateformes de streaming (comme TF1+).

Leur objectif principal est de prouver aux annonceurs que leurs offres numériques apportent une couverture d’audience supplémentaire significative, ce qu’on appelle dans le jargon le « reach » incrémental.

Les rouages de la mesure cross-vidéo

L’ambition ultime, comme le formule Julien Rosanvallon, directeur général adjoint de Médiamétrie, est de créer un « langage commun ». L’idée est de mettre en place un système de mesure équitable et transparent pour que tous les acteurs (annonceurs, agences, diffuseurs et plateformes) puissent évaluer la performance publicitaire sur les mêmes bases.

Selon Émilie Carcassonne, Directrice Générale France & Espagne d’AudienceProject, la mesure cross-vidéo actuelle repose sur la combinaison de trois approches technologiques distinctes :

  1. L’intégration aux plateformes : Cela consiste à se connecter directement aux grands « carrefours d’audience » que sont les plateformes comme Google, Meta ou Netflix. Cette connexion permet de récupérer des données précises basées sur les identifiants des utilisateurs de ces services.
  2. Les pixels de tracking : Il s’agit de petits bouts de code (des « pixels ») placés sur les publicités. Ils permettent de suivre la diffusion des campagnes sur l’open web et sur les télévisions connectées (CTV).
  3. La calibration par panel : Pour s’assurer qu’un même individu n’est pas compté plusieurs fois s’il a vu une publicité sur son téléphone et sur sa télévision, on utilise des panels de consommateurs et des « populations virtuelles synthétiques ». Cette étape cruciale, appelée déduplication, permet de « dédoublonner » les audiences et d’obtenir une vision juste de la couverture réelle.

Le défi majeur : la comparabilité

La « difficulté fondamentale » de tout cet exercice, comme le souligne Laurent Bliaut, est la comparabilité. Or, aujourd’hui, les standards de mesure entre la TV traditionnelle et le digital sont radicalement différents.

Cette disparité n’est pas qu’une question technique : elle influence directement la perception du ROI. Sans standard commun, un annonceur pourrait croire à tort qu’un canal digital est plus performant simplement parce que le critère de « vue » est moins exigeant, menant à des allocations budgétaires potentiellement inefficaces.

L’impact sur la stratégie média

Pour une marque comme le Groupe Seb, les avantages des nouvelles capacités de mesure sont directs et tangibles.

  • Piloter la couverture (le « reach ») : La mesure révèle des réalités invisibles auparavant. Émilie Carcassonne donne un exemple concret : une campagne peut surexposer une cible jeune (vue 7 à 8 fois) tout en sous-exposant des audiences avec un plus fort pouvoir d’achat. La mesure permet d’identifier et de corriger ces déséquilibres.
  • Identifier la couverture incrémentale : Les annonceurs peuvent enfin quantifier précisément ce que l’ajout d’une plateforme numérique apporte à leur campagne TV. Laurent Bliaut illustre qu’ajouter TF1+ à un plan TV peut apporter « deux ou trois points sur la couverture ».
  • Prendre des décisions d’investissement éclairées : En cours de campagne, un annonceur peut voir quel canal sur-investir pour toucher une audience cible à moindre coût et, à l’inverse, quel canal désinvestir car il n’apporte plus de couverture additionnelle.
  • Comprendre le vrai coût : La mesure permet de dépasser le « CPM facial » (le coût pour mille affiché) pour calculer le « CPM réel sur cible » (le coût réel pour toucher la bonne personne).

Pour les diffuseurs : valoriser l’ensemble de l’offre

Pour un diffuseur comme TF1, cette mesure unifiée permet de démontrer la valeur de ses actifs numériques. Par exemple, Laurent Bliaut explique que des plateformes comme TF1+ permettent de rajeunir l’audience d’une campagne (« on rajeunit de 10 points sur TF1+ »).

De plus, elle permet de prouver que, malgré un CPM facial parfois plus élevé que la TV linéaire, le « coût au point de couverture » incrémentale sur le numérique est souvent très compétitif, justifiant l’investissement pour les marques cherchant à toucher de nouvelles audiences.

Les prochaines étapes de la mesure cross-vidéo

Le futur de la mesure cross-vidéo se dessine autour de plusieurs axes selon les invités de The TV Society :

  • Une feuille de route claire : Le marché avance par étapes. Selon Julien Rosanvallon, un premier MVP (Minimum Viable Product) développé par Médiamétrie est attendu pour début 2026. La phase industrielle complète, que des acteurs comme TF1 attendent pour intégrer pleinement ces capacités, est quant à elle prévue dans la feuille de route pour 2027.
  • Flexibilité pour les annonceurs : L’une des attentes majeures des marques, exprimée par Magali Elbaz, est d’avoir la flexibilité d’utiliser plusieurs indicateurs en fonction des objectifs de la campagne (rechercher la notoriété avec une vidéo vue en entier ou simplement un rappel de marque avec une vue plus courte).
  • Intégration de nouveaux canaux : La mesure ne s’arrêtera pas à la TV et à la vidéo en ligne. Émilie Carcassone cite les prochains territoires à intégrer : les plateformes de gaming et la publicité extérieure numérique.

A lire également : The TV Society : le rendez-vous qui décrypte l’avenir de la télévision et de la vidéo

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