Jow, un nouvel acteur du retail media… qui ne manque pas d’appétit


  • Nouvelle coqueluche des courses alimentaires, la plateforme Jow réalise entre 20 et 30% de ses revenus via la publicité.
  • Son cofondateur, Jacques-Edouard Sabatier, nous explique comment il veut casser les codes du retail media alors que Danone, qui a déjà testé l'offre de la plateforme, nous explique ce qu'elle en retire.

C’est un service bien connu de ceux qui, comme moi, manquent de temps pour faire leurs courses et/ou d’idées pour se faire à manger. Je vous parle de Jow, une plateforme qui attire entre 1,5 et 2 millions d’utilisateurs chaque mois et figure parmi les plus populaires de la catégorie “alimentation” de l’App Store. Le principe ? L’utilisateur renseigne son régime alimentaire, ses équipements en cuisine puis le magasin où il fait ses courses. L’application lui propose, ensuite, une sélection de recettes personnalisées, qu’il peut modifier, selon ses envies. Une fois son choix arrêté, l’application se connecte au magasin concerné pour y sélectionner les ingrédients nécessaires et les intégrer au panier de l’utilisateur, qui n’a plus qu’à jeter un oeil à la sélection, modifier un produit, s’il l’a déjà en stock ou s’il préfère une autre marque et payer, soit pour être livré chez lui,  soit pour récupérer ses courses en drive… 

Fondé par trois anciens de Canal +, Jow se distingue par son approche full-funnel, l’intégralité de l’expérience - du choix des recettes jusqu’au paiement - se déroulant au sein de l’application. Là où le modèle historique consistait à créer des ponts entre une plateforme média, Chef Club ou Marmiton  par exemple, et un site e-commerce dans une logique d’affiliation. “Notre thèse de départ, c’est l’avènement du shoppable content”, justifie l’un des cofondateurs, Jacques-Edouard Sabatier. Jow réunit le contenu, historiquement consommé sur les réseaux sociaux comme Instagram ou TikTok, et le volet  commerce. Pas question, pour autant, de toucher à un sujet aussi lourd que la logistique. Jow a fait le choix de l’hyper flexibilité, la gestion des stocks et de la livraison reste aux mains des partenaires (Intermarché, Carrefour, E.Leclerc, Auchan…). Jow, qui a levé 20 millions de dollars en octobre 2021, a en effet opté pour un modèle d’apporteur d’affaires (un pourcentage du panier acheté en son sein). L’application ne force pour autant pas à la consommation chez elle. “Tous nos utilisateurs ne vont pas forcément jusqu’au bout de l’expérience, certains n’utilisent Jow que comme une application qui leur permet d’établir une liste d’ingrédients pour leurs recettes, qu’ils achètent eux-même en magasin”, précise Jacques-Edouard Sabatier.

C’est sa capacité à sortir des recettes originales, pas chères et faciles à cuisiner (rarement plus de 5 ingrédients) qui ont fait de Jow un tel succès, capable comme TikTok de générer des ruptures de stock, comme lorsque son bouillon de ramen au poulet est devenu un best seller, vidant les rayons de certains supermarchés de leurs paquets de nouilles Udon, illustre  Jacques-Edouard Sabatier. “Nous sommes capables de multiplier les ventes d’un produit par 5 ou 6 dans ce cas de figure”, ajoute le dirigeant. Un pouvoir de prescription qui, sans surprise, intéresse les marques et qui a conduit Jow à leur proposer des dispositifs dédiés. 

“Ce sont entre 20 et 30% de nos revenus qui sont, aujourd’hui, issus de la publicité”, précise Jacques-Edouard Sabatier. En cuisine, une équipe de 5 personnes dirigée par Nicolas Bommel (ancien de la régie d’E.Leclerc)  pour gérer les partenariats et une équipe de contenus qui est mise à contribution pour imaginer des recettes axées autour des produits que les marques veulent mettre en avant. La recette, c’est vraiment le cœur du réacteur “Les CPG sont enfermés dans un cercle vicieux de promo permanente que le retail media ne permet pas d’inverser dans sa forme actuelle”, estime Jacques-Edouard Sabatier. Jow veut casser cette logique de “pas de promo, pas de boost des ventes” en axant la réflexion des marques autour des usages consommateurs : les recettes.

Des recettes sur-mesure dont la visibilité peut être augmentée grâce à une série de formats publicitaires proposés à la carte : résultat sponsorisé, présence dans les sélections envoyées aux utilisateurs, bannière display, section dédiée au sein de l’application ou encore posts sur les réseaux sociaux de l’application. Et pour nourrir tout celà, de la data déclarative. “Nous avons l’une des bases de données food les plus riches de France, assure Jacques-Edouard Sabatier. Nous savons énormément de choses sur nos utilisateurs : leurs préférences alimentaires, leur équipement…” Le tout agrémenté de machine learning et de techno (100% propriétaire) peut être remonté aux retailers, lorsque cela les intéresse, dans le respect du RGPD.

Le ticket est très variable, avec un plancher à 20 à 25 000 euros et un plafond qui peut dépasser les 100 000 euros. La plateforme a accueilli entre 50 et 100 annonceurs depuis ses premières campagnes cette année. Dans le lot, de belles marques de la grande conso, comme Bonduelle, Harrys et Danone. “Nous avons diffusé trois campagnes sur Jow en 2022, deux pour Alpro, une pour Danone”, précise Thibaud Rivals, responsable digital et média du groupe Danone. L’une d’entre elles concernait la marque de yaourts Skyr, une spécialité laitière entre le yaourt et le fromage frais, pour laquelle les équipes de Jow ont imaginé deux recettes. Deux recettes qui étaient mises en avant au sein de la sélection proposée par Jow à ses utilisateurs (dès lors que la recette collait à leur profil), deux semaines durant, de même qu’au sein de l’application et de son écosystème social. 

“Nous avons généré 70 000 vues sur ces deux recettes, pour 10 000 commandes, dont 87% gardaient le yaourt de notre marque”, chiffre Thibaud Rivals. Le nombre total de vues est relativement faible. Le taux de transformation des utilisateurs exposés est, en revanche, excellent. Un peu plus de 10% d’entre eux ont acheté le produit Danone concerné au sein de l’application. Une statistique qui ne prend pas en compte ceux qui l’ont fait “offline” en magasin, mais qui sont impossibles à quantifier. “Cela nous donne un ROI de 0,8 qui est, en deçà, d’autres canaux”, précise Thibaud Rivals. A noter que ce ROI prend en compte les coûts de production des recettes. Si l’on ne regarde que le budget média dépensé, le bilan est beaucoup plus positif, avec un return on ad spend (ROAS) de 1,2. D’autant que cet indicateur n’intègre pas les vues générées depuis l’écosystème social de Jow, en organique et paid, au nombre d’un million. Et qu’il ne prend pas, non plus, en compte toutes les données remontées par Jow aux équipes Danone : quel retailer a généré le plus de commandes, par exemple. “On a accès à des données hyper fines en haut de funnel”, précise Thibaud Rivals.

Le bilan est donc globalement positif, pour Thibaud Rivals. Même si le reach de Jow en fait pour l’instant surtout un bon complément à des dispositifs de plus grande ampleur, TV ou affichage extérieur. En bref, une plateforme que Danone utilisera de manière tactique, parce qu’elle est innovante, que c’est bon pour l’equity de la marque, et qu’elle est relativement performante, puisqu’elle lui permet de générer un incrément de ventes. “On réfléchit encore à la meilleure manière de les intégrer à nos futurs plans médias, pour industrialiser notre utilisation de cette plateforme”, précise Thibaud Rivals.

La croissance de l’audience de Jow sera, sans doute, un pré-requis pour y arriver. “On est encore loin du reach d’un Marmiton, qui cumule 15 millions de visiteurs uniques par mois, avec un gros niveau de répétition”, observe Thibaud Rivals. L’expert média reste, quoi qu’il en soit, séduit par la promesse full-funnel de Jow, “une promesse que l’on ne retrouve chez personne d’autre et qui fait de Jow, un mix entre Marmiton et un Gorillas.” Un profil hybride sur lequel Jow pourrait capitaliser en faisant de l’extension d’audience. “Nous serions évidemment tentés par la perspective de toucher tous les acteurs de notre catégorie sur l’Open Web. Or Jow a cette information”, remarque Thibaud Rivals.

Autre marge de progression pour l’application : la transparence. Les recettes “sponsorisées” ne sont pas labellisées comme telles, que ce soit sur Jow ou ses réseaux sociaux. Pas de mention explicite comme l’impose l’ARPP. “L’utilisateur Jow a l’habitude de voir recettes avec produits brut, de sorte que quand la marque est citée explicitement, il comprend que c’est un partenariat”, justifie Jacques-Edouard Sabatier. Le dirigeant précise toutefois que l’application a à cœur d’être transparente et qu’elle continue à regarder ce qu’elle peut faire pour l’être plus.

Jow a également en ligne de mire les achats du quotidien. L’application vous permet, en effet, d’ajouter de nombreux produits en complément de ceux qui sont nécessaires aux recettes choisies. Votre pack d’eau, votre papier toilette ou de la nourriture pour votre chien. Autant de produits que vous êtes amenés à acheter fréquemment et que l’application vous propose de rajouter juste avant de passer à l’achat. “Nous n’avons pas encore “cracké” le sujet mais nous sommes convenus que s’il y a bien une chose à retenir du modèle supermarché, c’est la possibilité d’acheter tout sous le même toit”, justifie Jacques-Edouard Sabatier. Et de reconnaître qu’il y a, là aussi, des choses à faire en matière de retail media. “Nous avons la data pour savoir que votre eau minérale préférée, c’est X. Nous pouvons aider les marques concernées.”