Maxime Leroy (New York Times) : "Wordle nous a apporté une source massive de trafic, avec de nombreux impacts pour le titre, en termes de SEO et de temps passé sur nos pages"


  • Maxime Leroy, product director, audience et community du New York Times intervenait au Web2Day à Nantes. L’occasion de répondre à nos questions sur les ambitions et la stratégie de développement du titre, aux Etats-Unis comme à l’international.

 

Minted. Le New York Times s’est récemment fixé un nouvel objectif : atteindre les 15 millions d’abonnés en 2027. Quels sont les moyens mis en œuvre pour y parvenir ?

Maxime Leroy. Jusqu’alors, notre objectif était d’atteindre les 10 millions d’abonnements en 2025. Nous avons ajusté récemment cet objectif pour raisonner en termes d’abonnés plutôt que d’abonnements. Le New York Times compte déjà 9,1 millions d’abonnés pour 10,4 millions d’abonnements, donc ce nouvel objectif revient à en obtenir deux tiers de plus en trois ans.

Pour atteindre les 15 millions d’abonnés, nous avons trois leviers principaux : renforcer notre position de leader mondial comme source d’information, continuer de répondre aux besoins connexes de nos abonnés (culture, lifestyle, jeux, recettes de cuisine) et enfin développer l’attractivité du “bundle”, qui regroupe toute l’offre du NYT.

Au sein de mon équipe, plus spécifiquement, nous y participons en encourageant le partage des contenus, afin de faire en sorte que notre audience crée elle-même une nouvelle audience. Nous cherchons aussi à concevoir une expérience de plus en plus personnalisée pour nos lecteurs, à la manière d’un Spotify avec ses playlists, par exemple.

Pour développer l’attractivité de l’offre globale, il y a eu récemment l’acquisition de The Athletic, mais aussi celle de Wordle… Les jeux sont-ils un élément important de la stratégie de conquête de nouveaux abonnés ?

Wordle nous a apporté une source massive de trafic, avec de nombreux impacts pour le titre, notamment en termes de SEO et de temps passé sur nos pages. Cette acquisition correspond bien à l’un des objectifs du NYT qui est de se rapprocher d’une population plus jeune. L’enjeu est maintenant de connecter davantage ce trafic exceptionnel aux abonnements. Les six premiers mois ont été consacrés à l’intégration du jeu sur le site et nos applications, désormais le travail de cross-promotion va pouvoir commencer…

Comment faites-vous pour développer le partage des articles et contenus ?

Sur ce sujet, nous travaillons notamment sur un projet pilote, dans les jeux justement, en commençant par le “Daily Mini”, l’un de nos mots croisés. L’idée est de permettre le partage des scores de façon visuelle et personnalisée par les joueurs. Ensuite c’est une fonctionnalité que nous pourrons aussi proposer pour les graphiques ou les cartes, par exemple : au lieu de partager un visuel générique, c’est le contenu personnalisé par le lecteur qui sera diffusé sur les réseaux sociaux. Si on ne le fait pas, on sait que les gens prennent des captures d’écrans et cela ne nous rapporte aucun trafic.

Nous développons aussi la possibilité pour les abonnés d’offrir des articles à leurs amis et collègue. Il est maintenant possible de partager jusqu’à 10 articles par mois, et cela a déjà un impact important. Cette fonctionnalité s’inscrit dans une approche plus globale : faire en sorte qu’au moment du churn, la perception de l’abonnement soit différente - le lecteur ne perd pas seulement l’accès à nos contenus, mais aussi à un ensemble de bénéfices abonnés auxquels il tient, comme son historique de commentaires, ses articles favoris, ses scores...

Le paywall, justement, est l’une des forces du New York Times : quelle est l’approche privilégiée ?

Il faut trouver le bon équilibre… si on le met trop souvent et trop tôt, on envoie le signal à Google que le contenu n’est pas accessible. Plus la friction est élevée, plus on perd en acquisition globale, car le taux de rebond est élevé et Google peut interpréter cela négativement. Des médias concurrents l'ont payé très cher car ils ont serré la vis trop tôt. Nous avons donc fait le choix d’une certaine souplesse sur le paywall, parce que nous considérons que l’abonnement devient intéressant au-delà du contenu, grâce à tout ce que nous proposons en plus. 

Comment cette stratégie se décline-t-elle pour la cible internationale, en dehors des Etats-Unis ?

Nous sommes en train de travailler sur la notion de “second read”. A l’international, le New York Times est ou doit être la “seconde lecture” d’une audience capable de lire en anglais, mais qui s’informe déjà prioritairement auprès de médias locaux comme Le Monde ou Der Spiegel, qui couvrent très bien leurs actualités nationales. Avec la guerre en Ukraine, nous démontrons que nous pouvons être aussi très pertinents sur l’actualité européenne, lorsqu'elle concerne toute l’Europe. Nos taux d’engagement en Europe sont d’ailleurs particulièrement en hausse depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine.

Nous réfléchissons donc à ce que pourrait être la meilleure expérience de “second read”, en donnant accès aux mêmes contenus qu’aux Etats-Unis, mais en les présentant peut-être différemment. C’est un domaine où The Guardian fait un excellent travail, avec des approches très différentes entre les éditions US, UK et Australienne, par exemple.

Parmi vos expérimentations récentes, il y a Twitter Spaces. Pourquoi ce canal ?

Il y a deux domaines dans lesquels nous expérimentons actuellement : Twitter Spaces et TikTok, même si on peut considérer que sur TikTok, nous avons déjà dépassé le stade de l’expérimentation avec The New York Times Cooking, pour entrer dans de la production régulière de contenus. Avec Twitter Spaces, notre logique est d’animer davantage notre compte Twitter, en proposant des conversations avec nos meilleurs journalistes. La prochaine étape c’est l’interactivité avec nos abonnés, en leur permettant notamment de poser des questions à l’avance.