13 May 2025

Temps de lecture : 5 min

Plateformisation, format interactif, IA: la stratégie d’innovation de TF1 Pub

A l'heure où la télévision connectée gagne du terrain, TF1 doit désormais réfléchir comme une plateforme. Quelles sont les opportunités de personnalisation et de monétisation lorsque l'on devient concurrent de Netflix ou d'Amazon Prime ? Comment innover dans les formats et dans l'expérience délivrée aux téléspectateurs ? Nous avons interrogé Adam Marki, Directeur général adjoint au digital chez TF1 Publicité, sur sa vision de l'innovation.

Comment fait-on, quand on est un acteur historique de la TV linéaire, pour continuer à attirer les annonceurs face au développement de la télévision connectée (CTV) ? Devez-vous davantage réfléchir comme un Netflix ou un Disney+ ?

Adam Marki, Directeur général adjoint au digital chez TF1 Publicité

Adam Marki: L’un des éléments clés pour continuer à innover et à diffuser nos contenus premium est de se plateformiser. En quelque sorte oui, on devient comme Netflix: on en adopte les codes et les technologies. A une exception, la gratuité de nos contenus. En France, 89% des foyers sont équipés de téléviseurs connectés, ce qui traduit un engouement fort et un regain de notoriété pour le grand écran. Un acteur du linéaire traditionnel comme TF1 peut exister dans ces nouveaux usages.

Nous avons une expertise historique. Du haut de nos 50 ans d’existence, nous continuons à innover et à investir dans la technologie. Là où nous étions forts dans l’achat de contenus pour le linéaire, nous retranscrivons aujourd’hui ce savoir-faire dans une plateforme digitalisée. Nous utilisons déjà des signaux d’intelligence artificielle (IA), avec des formats comme Top Chrono, qui permet de résumer un match de rugby en 5 minutes. Cela nous inscrit dans une logique de plateforme, avec une stratégie digitale forte. Nous voulons devenir un acteur clé du streaming, c’est pour cela que nous avons lancé TF1+ il y a quelques mois.

Il y a un vrai intérêt des annonceurs pour la télévision connectée. Nous travaillons sur les opportunités avec le marché publicitaire: plus de 500 millions d’euros ont été investis en 2024. Le monde est de plus en plus orienté vidéo courte et il faut le rendre plus lisible pour les annonceurs. Cela nous ouvre à plus de cibles, plus jeunes, adeptes du “video snacking”. Un rééquilibrage est en train de s’opérer entre l’audience linéaire et TF1+. Les grandes franchises restent l’apanage de la télévision linéaire, mais la plateforme attire des téléspectateurs adeptes de séries “à l’américaine”. A terme, le streaming prendra probablement plus de place.

Quelles opportunités TF1+ offrent-elle aux annonceurs ?

TF1+ propose une offre premium et gratuite, ce qui attire de nouvelles cibles. L’utilisation des données, notamment avec le Graph:ID, nous donne une avance considérable sur le marché. Cela est particulièrement vrai pour le retail media. Nous sommes un référent sur la CTV et le retail media, avec des partenariats importants (Unlimitail, Infinity Advertising, Cdiscount Advertising, etc.). Le Graph:ID regroupe aujourd’hui 25 millions de personnes loggées. Quand je suis arrivée chez TF1, la TV ne cliquait pas car la CTV n’était pas si développée, il était difficile d’avoir un modèle d’attribution. Aujourd’hui, on dispose de bien plus d’informations, tout comme les annonceurs, tout au long du funnel marketing. Nous avons accès à la customer journey complète, avec de bons points d’attribution.

Nous passons d’un monde déterministe à un monde plus probabiliste. Cela dit, nous avons toujours travaillé de cette manière. Le déterminisme, on le retrouve dans les walled gardens. Avec ou sans cookies, tant que les identifiants (IDs) utilisent les mêmes protocoles, cela fonctionnera. C’est pour cela que Google prend du recul actuellement. D’ici deux à trois ans, il n’y aura plus de cookies: les IDs feront foi. Et le Graph:ID sera encore plus pertinent.

Comment avez-vous intégré l’intelligence artificielle générative ?

Elle est surtout intégrée pour améliorer le travail des équipes et la productivité des campagnes. On l’intègre dans notre stratégie, mais il faut créer les bons agents et les bons langages, notamment dans le decisioning et cela prend du temps. Nous faisons des tests à grande échelle pour améliorer l’affichage publicitaire, décupler la créativité, obtenir de meilleures performances pour les annonceurs. Mais le modèle idéal n’a pas encore été trouvé. Il faudra encore six à douze mois pour que cela s’intègre pleinement. Pour l’instant, cela coûte plus d’argent que ça en rapporte, mais l’IA générative contribuera fortement au chiffre d’affaires à terme.

Ce qui est certain, c’est que la croissance des plateformes de streaming comme TF1+ se poursuivra car la qualité prime. L’IA permettra davantage de personnalisation. Là où la recommandation se faisait auparavant via les proches, aujourd’hui c’est l’algorithme qui propose une expérience sur-mesure. Les modèles de monétisation vont aussi évoluer. Il y aura une réelle augmentation des abonnements payants, notamment pour le live, le shopping, le commerce, les contenus uniques et premium. Ce sont des expériences que l’on vise avec TF1+.

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Est-ce que cette personnalisation se fera également au niveau du contenu et du format publicitaire ?

Je pense que nous verrons émerger de nouveaux formats basés sur de nouvelles technologies comme la réalité virtuelle, la réalité augmentée et la 3D. Dans trois à cinq ans, on pourra créer des expériences immersives en 3D. On pourra interagir avec des éléments d’une série ou d’une publicité. Ces usages vont arriver car ils sont porteurs d’émotion. Nous avons par exemple annoncé le lancement de deux nouvelles générations de formats: les playable et shoppable ads. Ils permettront de créer des mini-jeux, des quizz personnalisables et d’inciter les téléspectateurs à se rendre sur le site de l’annonceur (via des QR codes, des codes promo, des prises de rendez-vous). Mais il faut que l’intégration soit la plus subtile possible. Même si l’expérience immersive renvoie à un produit ou un voyage, nous restons une plateforme de streaming: les utilisateurs viennent d’abord pour du contenu. Il ne faut pas rompre ce contrat de lecture. La publicité en surimpression plaît aux publicitaires, mais elle ne doit pas dégrader l’expérience des utilisateurs.

En parlant d’interaction, envisagez-vous de proposer du live shopping, un format qui connaît un regain d’intérêt, porté par les usages en Asie ?

Le téléshopping existe depuis les années 50 et nous le proposons toujours sur la télévision linéaire. C’est une tendance en expansion, qui reprend les codes d’une consommation très grand public, mais qui est difficile à transposer sur une plateforme. Ce n’est donc pas prévu pour TF1+.  C’est un format qui demande une vraie maîtrise et de trouver le bon équilibre entre communication et publicité. Ce sera intéressant de voir comment Amazon va émerger sur ce créneau et comment les retailers et les marques se l’approprient.

Vous avez travaillé pour des entreprises technologiques telles que Google, Facebook, Microsoft. TF1 a-t-elle la même capacité à innover ?

Ce qui est intéressant, c’est que tout est à construire, mais à partir d’une base solide. Le groupe avance très vite, porté par un collectif extraordinaire. Plus globalement, je pense que la France est un exemple de réussite dans le secteur des médias, dans lequel TF1 s’inscrit. Le monde de la publicité se structure, se professionnalise, et quand la BVOD explose, c’est toute l’industrie qui en bénéficie. L’industrie doit encore se muscler, s’organiser, mais je trouve qu’il y a une dynamique positive. Tous nos développements pour devenir une plateforme full-funnel s’inscrivent dans cette dynamique d’innovation.

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