Winter is coming : et les entreprises de la tech feraient mieux d'aller se réfugier au Sud du mur


  • L’industrie de la tech est dominée par des Licornes: des sociétés qui créent le buzz et qui attirent d’énormes investissements. Après 10 ans dans cette industrie, nous préférons concevoir notre société, Adikteev, comme un poney: bien réel, stable et durable.
  • A la lumière des derniers retournements de marché sur notre secteur, nous pensons qu’il est important d’aborder l’importance de la rentabilité dans la croissance pérenne d’une entreprise.

En ce début d’été presque étouffant, il semblerait que le monde de la tech entre dans un hiver qui pourrait être polaire. Personne ne peut prédire combien de temps cela va durer et à quel point il va faire froid mais les dernières nouvelles des marchés ne sont pas rassurantes.

Après un décennie de croissance exponentielle nourrie par des taux d’intérêt historiquement bas, il semblerait que la roue ait fini par tourner. Nous commençons tout juste à ressentir les premiers signes d'une ère baissière et d’un contexte économique instable, se traduisant par une inflation galopante, une hausse rapide des taux d’intérêt, une instabilité géopolitique et une croissance économique ralentie.

Les bourses se sont déjà ajustées et, après 2 ans d’une croissance insolente boostée par la pandémie du Covid 19, les valeurs technologiques ont subi une violente correction.

Au cas où vous auriez raté les dernières nouvelles du petit monde de la tech :

- Les opérations de financement de capital-risque ont largement ralenti au premier trimestre 2022 (même pour les licornes) et subissent en ce moment même un ralentissement encore plus marqué

- En mai 2022, les géants de la tech, incluant Apple et Google, ont perdu plus d’un trilliard de dollars de valorisation boursière 

- Il y a quelques semaines, Dara Khosrowshahi, CEO d’Uber, a envoyé une lettre aux salariés de la firme afin de leur annoncer un plan de réduction des coûts visant à limiter les dépenses et à atteindre la rentabilité. 

- Les deux plus importants fonds d’investissement du secteur ont annoncé des pertes abyssales : 26,2 milliards de dollars pour Softbank (dont le CEO a annoncé un ralentissement de 75% des investissements pour l’année à venir) et 17 milliards de dollars pour Tiger Global

- Il y a quelques semaines, le YCombinator (l’incubateur de start-ups le plus reconnu au monde) a envoyé un email pour alerter les sociétés qu’il accompagne sur les risques relatifs à toute nouvelle recherche de financement (voir plus bas)

- Des plans de licenciement massifs ont été annoncés par Klarna, Netflix, Robinhood et beaucoup d’autres entreprises du secteur

Extrait de la lettre envoyée par le Y Combinator

“For those of you who have started your company within the last 5 years, question what you believe to be the normal fundraising environment. Your fundraising experience was most likely not normal and future fundraises will be much more difficult. If your plan is to raise money in the next 6-12 months, you might be raising at the peak of the downturn. Remember that your chances of success are extremely low even if your company is doing well. We recommend you change your plan.”

Adieu les valorisations à 40x l’ARR et bonjour le bon vieux 10x

Comme le démontre le graphique ci-dessous, l’index NASDAQ est toujours significativement au-dessus de son niveau pré-pandémie. La baisse récente pourrait donc être un simple (bien que violent) ajustement de marché après une folle période de croissance et de valorisation explosive. 

En effet, nous sortons d’une décennie d’entreprises surévaluées par leurs investisseurs grâce notamment à une surabondance de capitaux. Ceci nous a permis d’assister à l'avènement de milliers de licornes, dont certaines n’ont jamais eu de “business model” viable ou même de plan clair vers la rentabilité. En vérité, le mot “rentabilité” lui-même avait été omis du jargon des investisseurs et des capitaux-risqueurs. 

Malheureusement, sociétés surévaluées et fortes spéculations sont les symptômes latents d’une bulle économique et à un moment donné, les bulles finissent par exploser. Le marché de la “crypto”, qui a perdu 200 milliards de dollars de capitalisation en une journée courant mai, n’est qu’un autre exemple de la manière dont les choses peuvent se passer lorsque l’imagination l’emporte sur le rationnel. Cela aura pris du temps mais la réalité a fini par nous rattraper.

Pour être tout à fait clair, nous ne nous réjouissons pas de cette situation, bien au contraire puisque nous la subissons aussi. 

Nous soulignons simplement qu’il était prévisible qu’un marché au sein duquel des sociétés ont réussi à lever des millions de dollars de financement, grâce à quelques idées clés posées sur une jolie présentation Powerpoint, finisse par s’effondrer.

Est-ce vraiment une catastrophe ? 

Comme expliqué ci-dessus, le retournement récent n’est en fait qu’un ajustement de marché et nous pouvons nous attendre à revenir à une réalité de marché désormais plus rationnelle.

Cependant, les contextes macroéconomique et géopolitique pourraient entraîner une période de récession plus profonde qui créerait inévitablement un ralentissement de la croissance (voire une croissance négative) pour beaucoup d’entreprises.

Aucune inquiétude pour les GAFAM étant donné leurs positions dominantes et la profondeur de leurs poches, il est improbable que leur situation s’altère.

Pour les sociétés de plus petite taille, l’histoire pourrait être bien différente. Bien qu’il y ait encore énormément de réserves de cash sur le marché, les valorisations des sociétés non cotées vont subir l’effet miroir de la baisse de valorisation des sociétés cotées.

Cela signifie que si le capital-risque a été une classe d’actifs très attractive ces dernières années, la chute attendue des valorisations couplée au ralentissement de la croissance et à la hausse des taux d'intérêts risquent d’attirer moins d’investisseurs particuliers. En effet, ces derniers devenant plus attentifs à l'allocation de leurs ressources, il va devenir plus complexe pour les sociétés de capital-risque de se trouver des financements. Cela devrait aboutir à une baisse globale des investissements à moyen-termes.

Comme l’a souligné le YC dans sa lettre, il va devenir de plus en plus compliqué de trouver des financements et la hausse des taux d’intérêt (compensant l’inflation) va rendre le financement bancaire de plus en plus onéreux. 

Les meilleures sociétés auront toujours accès à des financements à des conditions attractives (bien qu’ajustées) mais lever des fonds va devenir un parcours du combattant pour les entreprises dites de second rang.

Ceci étant dit, il y a un risque non négligeable pour les sociétés non rentables de manquer de ressources dans les 12 à 24 prochains mois. A moins de devenir rentable très rapidement ou d’avoir sécurisé une trésorerie suffisante, il va y avoir quelques turbulences et malheureusement certaines ne survivront pas à l’hiver.  

Si nous abordons le sujet sereinement aujourd’hui, c’est parce que nous avons déjà vécu des turbulences identiques avec Adikteev mais surtout parce que nous avons toujours maintenu une croissance rentable. Par ailleurs, nous avons la chance d’évoluer sur le marché très résilient du jeu mobile.                   

Et maintenant ?

Si nous sommes aujourd’hui dans une position confortable, nous avons déjà connu des tempêtes similaires et voici donc quelques conseils pour ceux qui seraient dans une situation moins sereine:

Votre entreprise n’est pas rentable : Houston we have a problem ! 

Même si une valorisation à la baisse ou une forte dilution sont de mauvaises nouvelles pour une équipe fondatrice, cela pourrait être les seules options de refinancement disponibles pour de nombreuses sociétés dans les prochains mois et elles devront être considérées sérieusement en cas de “cash burn” élevé...

Peut-être que vous serez soutenu par vos investisseurs actuels et qu’ils accepteront de remettre au pot. Mais notre expérience nous a prouvé que cette option demeurait assez hypothétique. Les capitaux-risqueurs sont rarement derrière vous quand les temps sont durs.

La meilleure façon de vous en sortir sera d’éviter tout refinancement dans les deux prochaines années. De nouveau, nous n’inventons rien et c’est d'ailleurs ce que le YC conseille aux fondateurs de startup dans sa stratégie de survie en 10 points.

Le plus important : Ne croyez pas que vous avez le temps! Les crises passées ont prouvé que les entreprises qui survivent sont celles qui réduisent leurs coûts le plus rapidement. Construisez dès à présent un plan de rentabilité à 6 mois et mettez le en place le plus tôt possible en ajustant vos coûts et votre “cash burn”.

Vous lancez votre start-up et vous recherchez un financement : When the going gets tough, the tough get going”! / “Quand les temps sont durs, les durs avancent”

C’est le meilleur moment pour vous lancer ! OK la fête est finie et vous ne pourrez probablement pas lever 5 millions de dollars pour 15% de dilution sur une présentation Powerpoint. Mais si vous avez une bonne idée, si votre équipe est assez solide et si vous avez construit un vrai business plan avec une rentabilité (vraiment) atteignable à moyen termes, vous allez attirer des investisseurs.

Tout l’argent n’a pas disparu et les sociétés de capital-risque auront toujours besoin d’investir pour déployer l’argent qu’elles ont levé. Elles vont simplement être plus regardantes et la rentabilité va devenir un élément clé de leurs décisions. 

Sachant cela, il n’y a aucune raison de ne pas essayer. Si vous réussissez, cela signifiera que votre équipe et votre entreprise ont un excellent niveau de résilience et cela vous rendra plus forts et plus crédibles à l’avenir. 

Si vous échouez, la crise actuelle sera une excellente excuse.

Votre entreprise est rentable: profitez-en !

Vous pensez qu’en étant rentable vous êtes à l’abri ? C’est faux.

Restez concentré ! Les choses vont très vite s'accélérer autour de vous. Dans les prochains mois les entreprises rentables vont commencer à devenir de plus en plus agressives afin de valoriser au mieux leurs positions préférentielles. Ce n’est pas le moment de s’endormir.

En tant qu’entreprise ayant déjà survécu à plusieurs crises, voici ce qu’il est fort probable que nous fassions et donc ce qu’il est possible que vos concurrents fassent aussi:

Nous concentrer sur le recrutement. De nombreux talents vont arriver sur le marché de l’emploi et cela va nous permettre de renforcer nos équipes plus rapidement.

Aller chercher plus de parts de marché en chassant les clients de nos concurrents potentiellement affaiblis par la situation. 

Rechercher activement toutes les opportunités d’investissements et d'acquisitions à des valorisations plus attractives qu’il y a quelques semaines. 

Sécuriser des options de financement au cas où nous aurions besoin de plus de liquidités pour financer notre croissance

En résumé, nous allons tout faire pour mettre à profit notre excellente santé financière afin de devenir plus fort, plus vite. 

La question maintenant c’est : et vous, qu’allez vous faire ?

Emilien Eychenne et Xavier Mariani (Adikteev)