- On ne sait pas encore si l’intelligence artificielle pourra produire de l’innovation, mais on sait déjà qu’elle produit des paradoxes. Opportunité économique, risque démocratique, bouleversement technologique...
- Prenons un peu de recul avec l'analyse de Mathieu Chapon, fondateur de Peak Ace et directeur de l’innovation du groupe Heroiks.
On ne sait pas encore si l’intelligence artificielle pourra produire de l’innovation, mais on sait déjà qu’elle produit des paradoxes. Et pour cause ! Elle en est un à elle toute seule, puisqu’elle n’a rien d’intelligent… et tout d’artificiel. Parmi les autres curiosités, il y a bien sûr les 6 derniers mois de commentaires autour du lancement de ChatGPT : d’abord moqué comme un outil ridicule, désormais craint comme une dangereuse menace.
Dans le monde économique, on aura aussi remarqué l’amusante volte-face du truculent Elon Musk : le milliardaire libertarien le plus connu de la planète fait désormais appel aux États pour contrôler (voire interrompre) la recherche sur le développement des IA en raison d’un risque majeur pour l’humanité (alors que Twitter est visiblement l’avenir du genre humain).
Pas mieux dans le monde politique : de nombreux pays membres de l’Union européenne ouvrent des enquêtes sur ChatGPT voire procèdent à des blocages, et c’est désormais le Canada qui leur emboîte le pas. Mais ça n’empêche pas les élus comme les services publics de se doter d’outils dopés à l’intelligence artificielle pour gagner en temps et en efficacité.
Une seule chose est sûre, l’IA est déjà en train de rebattre les cartes de la tech, et il en sera de même pour bien d’autres secteurs, de l’éducation à la médecine en passant par le droit, la communication et l’agriculture. Mais entre les postures, les angoisses, la réalité et les perspectives, difficile de faire le tri !
Une opportunité économique… malgré les craintes ?
Rappelons une chose : à ce jour, la principale fonction de l’intelligence artificielle reste de faire du neuf avec du vieux, mais beaucoup plus vite que vous. Grosse rapidité, zéro créativité, on a déjà vu plus innovant… ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas s’en soucier. Selon les estimations de Goldman Sachs, un quart du travail actuel dans les plus grandes économies du monde est susceptible d’être automatisé, ce qui signifie que les outils liés à l’IA menacent environ 300 millions d’emplois sur la planète.
Voilà pour le verre à moitié vide. Mais regardons le verre à moitié plein : Goldman Sachs estime également que le déploiement mondial de l’intelligence artificielle pourrait faire progresser de 7 % le PIB annuel. Si vous cherchez des relais de croissance, ce n’est pas rien. Or on parle beaucoup du métier de « prompt engineer », mais il appartient à chacun de nous de le devenir ! Car au-delà des emplois détruits, combien d’emplois l’IA va-t-elle créer, faciliter ou réinventer ? Après tout, la robotisation n’a pas tué l’industrie.
Il faut considérer ChatGPT et ses cousins comme des robots pour le cerveau : en automatisant tout qui peut l’être, ces outils vont libérer du temps et de l’énergie que nous pourrons consacrer à des tâches à plus forte valeur ajoutée, qui réclament plus de créativité et d’originalité. Pour que ça fonctionne, ça ne dépend donc que de vous. Formez-vous et formez vos équipes, multipliez les tests et partagez vos résultats, cela vous permettra d’abord de vous approprier les outils au fur et à mesure, mais surtout de développer un usage pertinent permettant d’en exploiter les ressources et d’en compenser les faiblesses.
Dans les métiers du Search marketing, vous savez sans doute que Google déploie Performance Max en s’appuyant sur vos objectifs pour déployer l’ensemble de l’inventaire de Google Ads (Youtube, Shopping, Local, Search Ads…). L’intelligence artificielle est déjà là pour créer des publicités plus ciblées, d’identifier des mots-clés, avec les bonnes landing pages, organiser vos A/B tests ou encore d’analyser les commentaires de vos clients. Mais êtes-vous capable de le faire de façon adéquate et performante ? Si la réponse est oui, vous avez déjà quelques temps d’avance, mais ne relâchez pas vos efforts. Si la réponse est non, vous savez ce qu’il vous reste à faire…
Un risque démocratique… qui reste à démontrer !
Parce que la peur vendra toujours plus que l’espoir, la presse généraliste n’a pas tardé à s’emparer de tous les faits divers autour de l’IA. Et quelle meilleure chambre d’écho que la classe politique pour en dénoncer les manques et les dangers ? Entre Midjourney qui reproduit mal les 5 doigts de la main (sur une photo pourtant bluffante de réalisme) ou ChatGPT qui fournit parfois des réponses stupides quand on lui pose des questions métaphysiques, la preuve est faite que tous ces logiciels sont fantaisistes.
Mais surtout, gare à Big Brother ! Car à force de faire tourner les algorithmes et les données, ces gadgets ne sont pas conformes au RGPD, désormais incontournable dès qu’on pose un orteil (même digital) en Europe. Pour preuve, en Italie, l’équivalent de la CNIL a ouvert une enquête sur OpenAI et procédé à un blocage temporaire pour empêcher l’utilisation des données des utilisateurs italiens. N’ayant plus qu’un lièvre à suivre, les autorités françaises, irlandaises et allemandes réfléchissent à des mesures de ce type.
À croire que tout ce petit monde ignore ce qui se passe à Bruxelles, puisque l’Europe est (pour une fois) en avance sur le reste du monde : le "AI Act" doit être discuté cette année pour une application en 2025, avec une approche au cas par cas. En parallèle, l’entreprise OpenAI travaille activement à la conformité RGPD lors de l’utilisation des données personnelles pour l'entraînement de ses algorithmes.
On le constate, la sphère publique n’échappe pas aux paradoxes de l’intelligence artificielle. On lui tape dessus quand on communique, mais on l’exploite autant que possible dès qu’on en a l’occasion. Outre l’anecdote du maire de Chartres qui a utilisé ChatGPT pour écrire son discours de la cérémonie du 8 mai, il y a surtout l’administration française qui va expérimenter l'IA (dont ChatGPT) dès le mois de septembre 2023 !
Dans les maisons "France Services", ces guichets de proximité pour accompagner les citoyens dans leurs démarches administratives, pas moins de 200 agents s’aideront de plusieurs outils d’intelligence artificielle pour répondre aux questions des usagers. Et il y en aura pour tous les goûts puisque les agents utiliseront ChatGPT, Bloom et LLaMA (l’outil développé par Meta). L’argument de l’administration pour justifier cette expérimentation ? Elle permettra de traiter plus rapidement et de manière plus efficace les nombreuses démarches que doivent réaliser les usagers… On dirait bien que l’intelligence artificielle n’est finalement pas le diable que certains essayent de dépeindre.
Et nous dans tout ça ?
Les innovations technologiques susceptibles de changer notre façon de vivre ou de travailler laissent rarement indifférentes. Qu’il s’agisse de l’intelligence artificielle, de la blockchain ou du métavers, il y a les grands fans et il y a les Cassandre. Mais dans les métiers du marketing comme dans la vie, peu importe que le réel vous séduise ou vous agace ; il va falloir faire avec.
Ces transformations peuvent sembler lointaines, mais elles sont déjà là, même si les outils conçus autour de l’IA restent largement perfectibles. Plutôt que de le voir comme une contrainte à gérer ou un animal fou à apprivoiser, considérez tout cela comme un terrain de jeu à expérimenter. Prenez le temps de vous former mais prenez surtout le temps de tester vos idées. L’innovation n’est plus un objectif, c’est désormais une façon de travailler.
En commençant dès maintenant, vous allez bénéficier d’une meilleure courbe d’apprentissage. Vous aurez l’occasion de multiplier les itérations avec résultats de vos propres tests, les nouvelles fonctionnalités qui apparaîtront et les besoins émergents de vos clients. Non seulement vous gagnerez en efficacité dans vos process, mais vous serez assis dans la locomotive lorsque vos concurrents essaieront de monter dans le train en marche.