7 juillet 2025
Temps de lecture : 6 min
Selon Making Science, l’IA générative est en train de créer une révolution dans le secteur publicitaire, car elle permet de décupler les possibilités créatives. Cette nouvelle donne n’est pas sans inquiéter les acteurs établis et pose des questions essentielles sur son adoption et son contrôle, ainsi que sur son impact sociétal. Entretien avec Maxime Woussen, directeur général adjoint de Making Science France.
L’IA générative offre une hyper-personnalisation des annonces et de nouvelles possibilités créatives. Pour nos clients, cela se traduit par une amélioration significative de l’efficacité de leurs campagnes. En interne, nous observons des gains d’efficacité en termes de temps, nos propres technologies nous permettant d’aller plus vite et d’être plus « scalables ». Nous utilisons nos technologies propriétaires mais aussi celles du marché comme Google Agentspace, ChatGPT ou Claude. Une centaine de nos collaborateurs utilisent déjà des solutions d’agents IA pour simplifier et accélérer leurs tâches quotidiennes.
Historiquement, cela fait environ sept ans que nous investissons dans les technologies d’IA. Au départ, il s’agissait d’hyper-personnalisation des annonces textuelles sur Google Search, où nous étions capables de remettre les mots-clés de la recherche directement dans le cœur des annonces. Plus récemment, au cours des 18 derniers mois, nous avons intégré l’IA générative pour des usages plus créatifs avec Creative Hub. A partir d’une seule image, nous pouvons la rendre compatible avec tous les formats des grandes plateformes comme Google, Meta et TikTok, la redimensionner et même changer le fond. Notre technologie est multiplateforme, permettant également à nos clients de connecter leurs données first-party pour créer des messages ultra-personnalisés, tout en conservant le contrôle sur ce qui est généré.
L’IA générative est capable d’analyser les éléments au sein des créations visuelles qui vont générer le plus de gains de performance. Par exemple, pour une image d’hôtel avec piscine, l’IA peut déterminer si la performance publicitaire est meilleure en montrant une famille ou des gens faisant la fête. Cela nous permet de réutiliser les éléments les plus efficaces pour les bonnes audiences, diffusant ainsi le bon message à la bonne personne.
Cette approche va au-delà de l’A/B testing traditionnel. Grâce aux solutions d’IA générative, nous pouvons obtenir des informations directement des rapports de campagne, analysant les statistiques et les KPI pour identifier quels éléments d’une annonce ont été les plus performants. Notre outil, Creative Hub, est spécifiquement conçu pour l’analytique visuelle. Il permet un gain de temps considérable en travail graphique, réduisant le temps nécessaire de un jour et demi à seulement 15 minutes pour créer tous les visuels nécessaires à une campagne.
Je pense que la façon de créer des films publicitaires va être révolutionnée. Les coûts de production actuels pour un film de qualité sont tellement importants que l’IA va inverser cette tendance. Bien que ce ne soit pas notre domaine d’expertise principal, les premiers tests de solutions comme VEO3 de Google ou celles de Meta montrent des résultats spectaculaires. On peut créer des films publicitaires d’une très haute qualité en très peu de temps et à un coût considérablement réduit. Un film qui aurait coûté 200.000 à 500.000 euros pourrait être réalisé pour 2.000 euros, ce qui est révolutionnaire.
L’IA permet également de réaliser des effets spéciaux qui seraient impossibles ou extrêmement coûteux à faire en réalité, comme des joueurs de tennis sous l’eau pour une marque d’eau pétillante. Cela va démocratiser l’accès à la publicité vidéo, permettant à beaucoup plus d’acteurs de produire des films de haute qualité. L’IA générative permettra aussi de créer des concepts totalement nouveaux. La créativité humaine et un bon « prompt » resteront essentiels, mais les compétences techniques de fabrication et de réalisation des films vont drastiquement changer, réduisant ainsi les besoins en production et générant des économies significatives.
Oui, l’IA générative fait encore peur, surtout aux acteurs établis. C’est un phénomène normal pour toute révolution technologique qui perturbe les positions de force. C’est pourquoi, par exemple, on ne voit pas forcément les innovations les plus disruptives aux Cannes Lions, un événement très lié à un écosystème établi qui n’a pas forcément envie de mettre cela en avant trop vite.
La technologie est encore en développement, notamment pour la vidéo, et sa prise en main n’est pas encore facile. Le « prompting » et la post-production nécessitent encore du travail. Cependant, malgré ces défis, l’IA est déjà très concrète, comme en témoignent les publicités de Coca-Cola ou de la NBA produites pour des budgets dérisoires mais avec une qualité impressionnante. Je pense que cela deviendra très concret dans les prochains mois. Cette évolution va faire émerger de nouveaux acteurs maîtrisant bien le prompting et les outils d’IA. Pour les agences créatives traditionnelles, cela pose de vraies questions sur leur modèle économique et sur la reconversion des compétences techniques de leurs équipes.
Je pense que les grandes marques, qui sont très attachées à leur image comme LVMH ou L’Oréal ne dégraderont pas la qualité de leurs contenus à cause de l’IA générative. Au contraire, l’IA leur permettra de maintenir voire d’augmenter la qualité, la créativité et la personnalisation. Elles mettront en place des contrôles rigoureux pour éviter tout impact négatif sur leur image de marque.
En parallèle, la capacité à tester beaucoup plus de choses et à démultiplier les contenus à grande échelle pourrait générer du « déchet », c’est-à-dire des productions de moindre qualité. Notre rôle, en tant qu’agence, sera d’aider nos clients à contrôler ce qui est produit, en garantissant leur image de marque et le ROI de leurs campagnes.
Au final, l’intérêt business devrait préserver la qualité. Nous allons vers plus de contenu, plus de personnalisation, une création plus rapide et une augmentation générale de la créativité. L’IA générative démocratise la créativité, permettant à plus de clients d’accéder à la vidéo et à l’image à grande échelle, et à plus de personnes au sein de ces entreprises d’exprimer leur créativité. L’idée originale vient toujours de l’humain et l’IA offre l’opportunité à un grand nombre d’humains de réaliser leurs idées.
Oui, tant que les utilisateurs passent de plus en plus de temps sur ces plateformes (Google, Meta, TikTok, Amazon, Netflix, YouTube), celles-ci continueront d’avoir un impact majeur et de croître dans l’industrie publicitaire. L’IA générative repose sur l’accès à des milliards de données et une puissance de calcul colossale. Seules les entités capables d’investir des milliards d’euros dans cette technologie (Google a investi 80 milliards l’année dernière et Sam Altman parle de 1.000 milliards) peuvent rivaliser.
Ces acteurs sont principalement les grandes puissances technologiques américaines et chinoises. Il sera très difficile pour des champions français ou européens d’émerger avec les mêmes moyens. Ces plateformes vont donc continuer d’accélérer et de prendre de plus en plus de place dans l’industrie publicitaire, bouleversant les modèles traditionnels. La vidéo, notamment sur Meta, YouTube et même Netflix, va être un axe majeur de cette croissance.
Le contrôle passe principalement par le développement de l’esprit critique de nos enfants et de la population en général. Il faut apprendre à vérifier les sources et à comprendre le fonctionnement des algorithmes. Les lois et les politiques publiques sont souvent en retard par rapport à la vitesse de l’innovation technologique.
Bien que l’IA apporte beaucoup de bien, sa rapidité peut aussi entraîner des dégâts, notamment en matière de désinformation. Il est crucial de former nos politiques et des experts ayant un réel intérêt public pour qu’ils comprennent l’IA et puissent définir des limites. Comme dans les films de science-fiction, l’enjeu est de ne pas devenir passifs face à la technologie, mais de conserver un regard critique et une capacité à faire nos propres recherches.
Nous explorons l’IA générative pour notre efficacité interne. Nous développons des agents IA pour diverses fonctions comme les RH, le marketing, la communication et le commercial. Par exemple, nous travaillons sur des agents IA connectés à nos données pour générer des dashboards, permettant à nos équipes de consulter les performances clients (CPC, ROI, etc.) simplement en discutant avec l’agent.
Pour nos clients, nos efforts se concentrent sur l’hyper-personnalisation, la scalabilité et le contrôle. Notre objectif est de leur permettre de diffuser les meilleures publicités aux bonnes audiences pour maximiser la performance publicitaire. Enfin, un principe fondamental de nos développements est de garantir que nos clients ont le dernier mot et peuvent vérifier tout le contenu qui sera diffusé afin qu’ils conservent un contrôle total.
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