12 juin 2025

Temps de lecture : 3 min

IA générative dans l’adtech : IAS fait face à une menace croissante et à des opportunités inédites

Dans sa série dédiée à l'intelligence artificielle générative, Minted interroge les entreprises du secteur de l'adtech pour comprendre comment cette technologie transforme les métiers et les pratiques. Nous avons interviewé IAS dans ce nouveau volet.

Tandis qu’elle facilite la création de contenus à risque, l’IA générative offre aussi des perspectives inédites pour fiabiliser la chaîne publicitaire. Une dualité que les vérificateurs comme IAS doivent maîtriser avec précision et transparence. Echange avec Clément Bascoulergue, Directeur France d’Integral Ad Science.

Quel est l’impact de l’IA générative sur l’ad verification ?

Clément Bascoulergue, Directeur France d’Integral Ad Science

Clément Bascoulergue: Le premier effet, sans doute le plus préoccupant, est la multiplication de contenus de faible qualité, voire à risque. L’IA générative permet de générer en masse des sites ou des contenus uniquement pour capter de la publicité, ce qu’on appelle des MFA (Made For Advertising). Elle entraîne également la prolifération de discours haineux et de contenus problématiques. Jusqu’ici, créer un site demandait un minimum d’efforts et de compétences. Aujourd’hui, en quelques clics, on peut produire des centaines de sites autour d’une même thématique, souvent remplis de contenus peu fiables. Cela représente un risque accru pour les annonceurs, qui peuvent se retrouver à financer involontairement ces coquilles vides.

Ce phénomène est déjà en cours depuis plusieurs années, mais l’IA générative en a accéléré l’ampleur. Avec la hausse continue des investissements dans le digital, de nombreuses impressions publicitaires ne se font pas toujours sur des emplacements réellement qualitatifs. L’IA générative facilite la création de ces environnements à faible valeur ajoutée, ce qui renforce notre rôle de vérificateur indépendant.

Comment utiliser l’IA générative comme levier positif dans votre métier ?

Bien que notre socle technologique repose historiquement sur du machine learning et des modèles de classification, l’IA générative nous permet de gagner en pertinence et en réactivité. Il y a deux ans, IAS traitait chaque jour l’équivalent de deux ans de contenu vidéo. L’année dernière, l’équivalent de 10 ans était traité chaque jour. Aujourd’hui, nous sommes capables d’analyser 40 ans de contenu vidéo en un seul jour, en provenance de plateformes comme Meta, TikTok, YouTube ou Snapchat. Cette explosion de volume serait ingérable sans IA. Elle nous aide à analyser, classifier et agréger les signaux de manière plus intelligente.

L’analyse de la vidéo semble être le défi le plus important de ces dernières années ?

C’est clairement notre plus grand challenge. Analyser une page web textuelle est déjà complexe, mais cela reste relativement structuré. En revanche, la vidéo, notamment UGC (contenu généré par les utilisateurs), est beaucoup plus difficile à décrypter, car elle arrive souvent sans contexte ni historique. C’est pourquoi nous avons racheté Context, qui nous permet d’avoir un ciblage contextuel encore plus précis, et que notre analyse est cross-plateforme.

Depuis l’essor de l’IA générative, nous décuplons nos possibilités d’analyse cross-plateforme. En un an, nous avons élargi notre analyse à Meta, Snapchat, Pinterest et Reddit, en plus de YouTube et TikTok. L’intégration d’une nouvelle plateforme pouvait prendre plusieurs mois auparavant, désormais elle prend seulement quelques semaines.

L’IA générative fait aussi émerger des publicités elles-mêmes générées automatiquement. Cela peut-être un problème pour les éditeurs si elles sont de mauvaise qualité…

Effectivement. Certaines petites entreprises, par manque de moyens, utilisent des outils d’IA pour la création publicitaire. Aujourd’hui, ce n’est pas dans notre périmètre d’action, mais nous restons attentifs à ce sujet. Ce type de contrôle relève plutôt des DSP (Demand Side Platforms) ou des adservers, qui intègrent déjà des briques de vérification créative.

L’IA permet-elle aussi de mesurer des signaux plus divers, comme la durabilité ?

Oui, et c’est un axe important. Grâce à l’IA générative, nous nous positionnons de plus en plus comme un Super Signal Aggregator, capable de recroiser une multitude de signaux cross-plateformes : visibilité, brand safety, attention, durabilité… Nous travaillons avec des partenaires comme Lumen sur l’attention, Good-Loop ou ImpactPlus sur l’empreinte carbone. Cela augmente la complexité, mais aussi la valeur ajoutée pour nos clients.

Est-ce l’occasion pour vous d’élargir votre scope ? Pourquoi pas aller prendre des parts de marché à des DSP par exemple?

Non, ce n’est pas dans notre ambition pour le moment. Notre ADN, c’est d’être un tiers de confiance, indépendant et neutre. C’est une attente forte du marché. Nous ne faisons pas d’achat média. Notre objectif est de maximiser la valeur de l’analyse publicitaire en multipliant les signaux.

Comment voyez-vous l’évolution du secteur de l’adtech dans les prochaines années avec le développement de l’IA générative ?

On assiste déjà à une double dynamique, positive et négative. L’IA générative va accélérer et automatiser énormément de processus, ce qui est vertueux. Nous l’utilisons d’ailleurs en interne pour simplifier la vie de nos clients. Mais il y a aussi des risques de prolifération de sites de basse qualité et problématiques. Enfin, le risque est de recréer des bulles d’opacité sous prétexte de performance. D’où l’importance cruciale de la transparence.

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