20 February 2025

Temps de lecture : 3 min

Fusion Omnicom / IPG: quel impact pour le marché ?

“Retour vers le futur”: c’est par ces quelques mots qu’Arthur Sadoun, le patron de Publicis décrit l’opération qui devrait amener ses concurrents Omnicom et Interpublic Group (IPG) à fusionner, dans une interview récente aux Echos.

S’il va jusqu’au bout, ce deal à 13,25 milliards de dollars, annoncé en décembre 2024, verrait le numéro 3 de la publicité mondiale (Omnicom et ses agences TBWA, BBDO, Omnicom Media Group, notamment), avaler le numéro 4, (IPG, qui regroupe Initiative, UM, McCann, Weber Shandwick, Mediabrand, Axciom…), pour constituer le leader du secteur, devant Publicis, qui venait tout juste de ravir le titre l’an dernier. Mais cette course à la taille est considérée comme anachronique chez le leader français, qui dit privilégier, lui, l’intégration de compétences complémentaires, à l’image du rachat structurant d’Epsilon dans la data, en 2019.

Moins de concurrence dans les appels d’offres ?

Publicis y voit même une opportunité, puisque mécaniquement, les agences du groupe devraient trouver face à elles moins de concurrents dans les grands appels d’offres internationaux. En décembre, le Wall Street Journal écrivait ainsi que les principaux bénéficiaires de la fusion pourraient être les concurrents d’Omnicom et IPG: “les clients qui s’inquiètent de l’effet de distraction [liée au processus de fusion] ou de l’absorption de leur agence pourraient envisager de travailler avec d’autres groupes, en attendant que la situation de la nouvelle entité Omnicom soit stabilisée. Cela pourrait conduire des clients à se tourner vers d’autres groupes publicitaires comme Publicis Groupe ou WPP, ou vers des acteurs indépendants plus petits“.

Comme le souligne Arthur Sadoun dans son interview aux Echos, “aujourd’hui, plus de 90 % des appels d’offres internationaux sont remportés par le Top 4. Et, comme on va se retrouver à trois, le paysage concurrentiel va être mécaniquement réduit de 25 %. Ce qui est une très bonne nouvelle pour nous quand on voit notre taux de transformation. A l’inverse, Omnicom va être plus gros et aura donc beaucoup plus de comptes à défendre, tout en ne disposant plus que d’un seul siège pour aller en gagner.

“En France, IPG est tout petit”

Dans l’Hexagone, toutefois, l’impact pourrait être plus limité qu’à l’international. En raison du poids de Publicis et de Havas, le nouvel ensemble (actuellement en cinquième et sixième positions), ne sera pas numéro 1. Dans l’achat média, en particulier, IPG y est fragilisé: une réorganisation avait été lancée quelques semaines avant l’annonce du rachat par Omnicom, avec le remplacement de Thomas Jamet par Bertrand Beaudichon à la tête d’IPG Mediabrands (qui regroupe les agences UM et Initiative, ainsi que Magna et Kinesso) et une réduction de 10% de ses effectifs.

Avec Remind PHD, Fuse, OMD et Hearts & Science, Omnicom compte déjà un réseau de quatre agences médias en France. En y ajoutant celles d’IPG, la nouvelle entité comptera pléthore de structures: des rapprochements sont donc à anticiper, tout comme dans les autres branches d’activités du groupe. Comme le relève un observateur du marché, “ils vont additionner des portefeuilles et des économies d’échelle, ils vont grossir en puissance d’achat. Mais en France, IPG est tout petit”.

Objectif: 750 millions de dollars d’économies par an

D’après le magazine américain Adage, Omnicom prévoit d’ores et déjà d’intégrer les agences créatives d’IPG au sein de sa structure Omnicom Advertising Group (qui fédère déjà les agences DDB, Auditoire, BBDO, TBWA, etc.), même si “dans les 10 premiers marchés du groupe, toutes les marques d’IPG continueront à être représentées.”

Quoi qu’il en soit, que ce soit en France ou à l’échelle mondiale, ce rapprochement va inévitablement se traduire par des rationalisations. Le directeur général d’Omnicom, John Wren, a récemment confirmé son objectif de réaliser autour de 750 millions de dollars d’économies par an grâce à la fusion, ce qui avait été annoncé aux actionnaires lors de la présentation du projet. Mais le dirigeant précise aussi, toujours d’après Adage, que ce chiffre est plutôt “conservateur”. Néanmoins, les salariés “dédiés au service des clients” et “générant des revenus” n’auraient pas à s’inquiéter pour leur poste.

Havas, prochaine cible dans le mouvement de consolidation en cours ?

Par ailleurs, cette opération pourrait ouvrir la porte à d’autres mouvements de M&A dans le secteur. Le site britannique Digiday estime ainsi que cette annonce va “très probablement déclencher une réaction en chaîne de fusions et d’acquisitions, car aucun autre grand groupe publicitaire ne peut rester en l’état.” Le dossier Havas est régulièrement cité, alors que sa séparation d’avec Vivendi, concrétisée par une cotation à Amsterdam, pourrait faciliter une acquisition. 

Toutefois, ce point peut être nuancé: avec la fusion d’Omnicom et Interpublic Group, Havas perd mécaniquement un acheteur potentiel (et même deux, puisque le nouvel ensemble mettra du temps à s’intéresser à de nouvelles acquisitions conséquentes). Et si rachat il y a, ce sera de toute façon avec l’accord de la famille Bolloré, qui a mis en place des mécanismes de protection contre les OPA hostiles pouvant cibler le groupe.

De son côté, Arthur Sadoun a d’ores et déjà indiqué qu’il n’est pas intéressé par le dossier, même si Publicis prévoit de poursuivre sa stratégie d’acquisitions ciblées, avec une enveloppe de 800 à 900 millions d’euros.

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