Cookieless : ce qu’il faut retenir de la première campagne test d’Utiq en France


  • Publicis Media dévoile en exclusivité pour Minted les résultats de sa première campagne avec l'identifiant Utiq.
  • L'occasion de démontrer l'incrément d'adressabilité permis par l'ID des telcos... mais aussi de démontrer les limites des cookies tiers et solutions basées sur des ID probabilistes. 

C’est, avec ID5 et First ID, l’une des alternatives les plus prometteuses aux cookies tiers. Je vous parle d’Utiq, la solution d’identification lancée par les telcos européens (Orange, Bouygues Telecom et SFR en France).  Une solution qui, depuis son déploiement par les premiers sites français en septembre dernier (ceux de 366), a fait son bonhomme de chemin. 

Raison pour laquelle les équipes de Publicis Media, dont l'agence Zenith et son client Intermarché, ont décidé, pour la toute première fois, de mener une campagne test en activant cet identifiant sur Web mobile à l’occasion des fêtes de Pâques (voir la méthodologie ci-dessous). L’occasion de mesurer le reach incrémental apporté par Utiq sur les environnements cookie3dless bien sûr. Mais pas que… 

Voici ce qu’il faut retenir de la première campagne test d’Utiq en France, selon Jean-Baptiste Rouet, head of digital innovation et corporate reputation de Publicis Media France.

La moitié des impressions Web mobile n’ont déjà plus de cookies tiers

Qu’importe que Google se décide à retarder à nouveau leur disparition de Chrome, les cookies tiers sont déjà obsolètes. Seules 53% des impressions achetées par Publicis Media, dans le cadre de ce test (qui se cantonne au web mobile), comportaient un cookie tiers. 

Plusieurs raisons à cela. D’abord, le fait que ce dernier a déjà disparu des navigateurs Safari (19% des impressions) et Firefox (1% des impressions). C’est un fait déjà bien connu. Ce qui l’est moins, c’est que d’autres environnements Web mobile très populaires lui sont également hostiles. 

Le navigateur Samsung, qui l’exclut carrément, et les environnements WebView, affichés à la suite d’un clic sur un lien sortant depuis l’application d’une plateforme sociale, où la plupart des impressions n’ont aujourd’hui pas de cookie tiers. “Ces derniers représentent tout de même 10% des impressions achetées dans le cadre de ce test”, précise Jean-Baptiste Rouet.

De fait, Chrome, qui représente 63% des impressions achetées, est le dernier sanctuaire des cookies tiers. Il cumule à lui seul 93% des cookies tiers de  la campagne. Et encore, ce sanctuaire est-il de plus en plus challengé…. Entre le test mené actuellement par Chrome, les internautes qui naviguent en privé et ceux qui ne donnent pas leur consentement à la dépose de cookies tiers. “Sur Chrome, 19% des  impressions n’ont déjà plus de cookies tiers”, chiffre Jean-Baptiste Rouet. 

On n’a de cesse de vous le répéter, la fin des cookies tiers est déjà une réalité. Du moins sur Web mobile. Il serait intéressant, une fois qu’Utiq sera compatible avec les environnements desktop (c’est-à-dire quand l’ID pourra être créé via une connexion Wifi), de voir ce qu’il en est pour ce dernier. 

Dans tous les cas, une certitude : les marques qui attendent (sagement) leur disparition de Chrome se tirent une balle dans le pied.

Quand Utiq est là, les impressions cookie3dless cliquent plus que celles avec cookies tiers

C’est une petite surprise. On pourrait imaginer que la présence d’une information de ciblage supplémentaire (le cookie tiers) a forcément une influence positive sur la performance de la campagne. 

Ce n’est, à en croire le test mené par Publicis Media, pas le cas puisque les  impressions sans cookies tiers mais avec un ID UTIQ affichent un taux de clic  plus élevé  (+29%) que celles qui disposent d’un cookie tiers et d’un ID  UTIQ.  La différence est suffisamment importante pour être relevée, quand bien même le périmètre de l’étude est, il convient encore de le rappeler, relativement restreint. 

“La principale hypothèse, à ce stade, c’est que les environnements sans cookies tiers sont moins prisés par les acheteurs médias et que la pression publicitaire y est donc moindre, ce qui permet aux quelques marques qui continuent à diffuser sur ces environnements de mieux émerger”, analyse Jean-Baptiste Rouet. 

On peut également rappeler que Safari, qui est uniquement acheté en cookie3dless, permet aux annonceurs de toucher des internautes plutôt CSP+, avec un meilleur pouvoir d’achat.

Ici encore un bon rappel de l’importance pour les annonceurs de basculer sur des stratégies d’achat cookie3dless puisqu’elles occasionnent, dès aujourd’hui, de vraies opportunités économiques. 

La fiabilité des ID probabilistes remise en question…

La présence d’un ID déterministe stable comme l’est Utiq (car lié au porteur du contrat avec l’opérateur) a également permis à Publicis Media de vérifier la fiabilité de certains identifiants sur lesquels les acheteurs s’appuient habituellement : les cookies tiers et les ID probabilistes.

Commençons par ces derniers. “Ces ID probabilistes, hybrides ou multi-signaux rivalisent en couverture avec l’ID Utiq, ça, on s’en doutait, note Jean-Baptiste Rouet. Mais ce que l’on voulait surtout vérifier, c’était leur stabilité.” 

C’est le principal doute qui entoure cette typologie d’ID. On sait qu’ils sont capables de générer un identifiant pour la quasi-totalité du trafic Web d’un site. Ce qu’on ne sait pas, en revanche, c’est s’ils le font correctement. 

Publicis Media a donc décidé, le temps de la campagne, de comparer le comportement du pool d’ID généré par un spécialiste de l’identification probabiliste que nous appellerons X avec celui du pool d’ID généré par Utiq. 

Mauvaise surprise, le taux de renouvellement des ID X monte jusqu’à 45%. C'est-à-dire que sur les trois semaines qu’a duré la campagne, 45% des ID générés au départ ont été renouvelés. “Après une journée, c’était déjà 33% des utilisateurs qui avaient deux identifiants générés X”, chiffre Jean-Baptiste Rouet. 

Ce renouvellement biaise la mesure du “reach and frequency” car il fait croire à l’annonceur qu’il touche un nouveau contact. Cela le conduit donc à surestimer la couverture de sa campagne et sous-évaluer la répétition de cette dernière. “Cela remet tout de même vraiment en question la fiabilité de cette solution”, s’inquiète Jean-Baptiste Rouet. 

…de même que celle des cookies tiers

On peut faire exactement le même constat pour les cookies tiers, puisqu’en déduplicant les cookies tiers avec l’ID Utiq, Publicis Media observe qu’il y a un renouvellement des cookies tiers de l’ordre de 14%, les trois semaines qu’a duré la campagne.

“Dans 14% des cas, l’annonceur pense toucher un nouveau contact alors qu’il s’agit, en réalité, d’un contact qu’il a déjà touché mais pour lequel un nouveau cookie tiers a été créé”, résume Jean-Baptiste Rouet. 

C’est sensiblement mieux que l’ID probabiliste testé plus haut mais cela reste tout de même problématique pour une clé de réconciliation qui est prise pour argent comptant par la plupart des annonceurs. 

Adform, le DSP par lequel transitaire la campagne, n’ayant pas développé d’interface permettant aux équipes Publicis Media d’accéder aux logs de la campagne, ces dernières ont décidé d’analyser un échantillon, pour mettre en évidence l’impact de la présence d’un ID déterministe (versus le cookie tiers) dans le calcul du “reach and frequency”.

L’échantillon analysé comportait 342 000 logs. “Lorsqu’il se base sur les cookies tiers, on voit que le reporting de la campagne attribue un total de 47 600 cookies uniques dédupliqués et une répétition de 7,2 sur cette base de 342 000 logs”, détaille Jean-Baptiste Rouet. 

Le nouveau calcul, en prenant en compte ce taux de renouvellement des cookies tiers, donne une autre lecture de la campagne. “Celle-ci permet, en réalité, de toucher 41 800 cookies uniques dédupliqués, avec une répétition de 8,2”, chiffre Jean-Baptiste Rouet. 

Les 342 000 impressions analysées permettent donc de toucher moins de contacts uniques que la lecture avec des cookies tiers le laisse croire. Le reach de la campagne est moindre, la fréquence d’exposition est, elle, plus élevée. 

La différence est, dans cet exemple, relativement marginale. Rien de bien dramatique à avoir à une répétition qui passe de 7,2 à 8,2. Mais cela peut conduire, dans certains cas, à du gaspillage (j’achète des impressions supplémentaires inutiles) voire à créer des irritants (j’achète des impressions supplémentaires qui agacent l’internaute car il en a marre de voir et revoir la même campagne). 

Cela vient rappeler, à nouveau, la pertinence de tester des alternatives à une solution qui est imparfaite (et viable que sur le Web).

Un incrément d’adressabilité de 88% grâce à Utiq

En extrapolant le calcul effectué par Publicis Media, on peut mesurer concrètement le gain d'adressabilité supplémentaire obtenu grâce à Utiq. 

Pour rappel, la présence d’Utiq a permis à l’annonceur de retrouver une capacité de ciblage sur les 47% d’impressions publicitaires qui n’avaient pas de cookies tiers. 

On passe de 1,5 million d’impressions avec des cookies tiers à 2,8 millions d’impressions avec ID Utiq.  “Cela représente un incrément d’impressions adressables de l’ordre de 88%, c’est considérable”, chiffre Jean-Baptiste Rouet.

Appliquons ce ratio de 88% aux 41 800 contacts uniques de notre échantillon. Cela nous donne un total de contacts uniques de 78 720. “En maintenant l’hypothèse d’une répétition à 8,2, cela nous donne un total d’impressions qui monte à 646 000 contre 342 000 en passant juste par des cookies tiers”, chiffre Jean-Baptiste Rouet. 

Une extrapolation qui a ses limites mais qui permet de démontrer que la mise en place d’alternatives aux cookies tiers peut permettre aux annonceurs, qui peinent parfois à trouver le reach suffisant sur l’Open Web, d’y trouver leur compte et de le faire, de surcroît, à des prix plus abordables car ces environnements sont moins sollicités. 

Et la suite ?

“Plus Utiq sera adopté par les éditeurs, plus les enseignements obtenus via les campagnes tests seront robustes”, reconnaît Jean-Baptiste Rouet. La bonne nouvelle, c’est que l’ID publicitaire s’installe progressivement chez la plupart des éditeurs du Web français. 

Actuellement déployé au sein d’une dizaine de groupes médias selon nos informations, l’identifiant devrait en rajouter une vingtaine, d’ici la fin de l’année. De quoi permettre à Utiq de qualifier la grande majorité des internautes français alors qu’il a tout récemment dépassé la barre des 10 millions de profils consentis (d’autant qu’Utiq accueillera Free et ses 15 millions de clients mobiles au second semestre).

L’étape charnière, ce sera la possibilité, pour Utiq, de générer un identifiant à partir d’une connexion Wifi (ce n’est, à date, possible que pour la 3G, 4G et 5G). Cela permettra à l’identifiant d’être enfin opérationnel sur l’environnement desktop. Cela pourrait, en revanche, impacter cette stabilité qui est chère à Publicis Media. 

Comment dédupliquer les ID Utiq associés à une personne qui passe du Wifi à la 4G régulièrement ? Comment savoir, à partir d’une connexion Wifi, le membre du foyer qui est concerné ? A priori difficile sans passer par un graph ID ou du recoupement (et donc verser dans une approche hybride / probabiliste).

Côté Publicis Media, on espère rapidement aller plus loin que la maîtrise de la répétition. “L’objectif, c’est de pouvoir faire de l’audience planning à partir de la donnée 1st party d’Intermarché”, explique Jean-Baptiste Rouet. 

C’est concrètement appairer la base client CRM du groupe de distribution avec les signaux Utiq pour tester des cas d’usage tels que le retargeting de l’audience 1st party ou l’exclusion de cette audience pour faire de la conquête. Ou encore la mesure de l’impact incrémental d’une campagne sur les ventes. 

Une mesure dans laquelle Utiq sera, sans doute, plus limité que les ID basés sur l’email puisque le pourcentage de clients encartés partageant leur numéro de téléphone est fatalement plus faible que ceux qui ont donné leur email.

La méthodologie :

“Les tests ont été soigneusement conçus pour refléter des conditions réalistes. Le filtrage de l'inventaire  UTIQ via un segment intégré au DSP Adform a été utilisé pour garantir une analyse précise. L'activation  de la campagne a été déployée sur l'ensemble des navigateurs sans aucun ciblage spécifique, sur une  durée de 3 semaines, du 12 mars au 1er avril, sur le device mobile et dans un environnement web, avec  une connexion 4G/5G, sur les opérateurs : Orange, SFR et Bouygues Telecom”, nous explique Jean-Baptiste Rouet. 

Deux paramètres à prendre en compte : l’identifiant Utiq n’en était, à l’époque, qu’aux débuts de son déploiement, et le budget alloué par Publicis Media à ce test est relativement marginal.