Quel futur pour les agences média face à la data et l’IA ?


  • Finie les heures innombrables à consolider des chiffres de différentes sources, laissant si peu de secondes pour tenter de leur donner du sens. Le patron d'Ermes nous explique pourquoi il faut se réjouir de la démocratisation de la data et de l'IA. Deux tendances qui permettront aux agences médias de se concenter sur les tâches à plus forte valeur ajoutée, nous rappelle-t-il. 

En une semaine, deux annonces sont venues confirmer la profonde transformation qui touche le monde des médias, et plus particulièrement celui des agences média. 

D’une part TF1 annonce avoir connecté la donnée retail média de plusieurs grands distributeurs à son inventaire, à la fois pour cibler et pour mesurer l’impact d’une campagne. Finie la ménagère de moins de 50 ans, bienvenue l’acheteur CSP + de produits laitiers écoresponsable et locavore. Plus besoin d’approximations et circonvolutions pour adresser sa cible, il suffit de la choisir. 

Ensuite et surtout arrive GPT-4. Une capacité éblouissante à agréger et traiter des données, isoler des signaux, monter des tableaux de bords, prédire des performances, proposer des contenus et messages pertinents… Simplement et instantanément. Finis les tableaux Excel laborieusement élaborés et difficilement analysés, bienvenue aux nouvelles interfaces intelligentes répondant clairement à des questions simples. 

Lorsqu’on cumule les deux sujets, d’une part l’audience planning massif et précis fonction de comportements réels et d’autre part la capacité à agréger, simuler, analyser et comprendre la réalité en toute simplicité et transparence, cela revient à mettre une allumette dans un bidon d’essence. 

Que reste-t-il a des experts médias lorsque le ciblage devient enfantin et que l’impact est modélisé précisément par une IA ? 

Que reste-t-il aux analystes média lorsque l’ensemble des données deviennent accessibles, limpides, lisibles et compréhensibles sans manipulations et intermédiaires ? 

Que reste-t-il aux studios créatifs quant à partir d’une idée des centaines voire des milliers de déclinaisons peuvent être produites et mixées en quelques secondes ? 

Certains diront la stratégie et l’imagination. Pas hyper clair. Pas un métier. Difficilement facturable à un annonceur. 

En réalité, il reste la culture, la polyvalence et la responsabilité. 

La culture en média, c’est tout ce qu’on sait sur les différents médias parce qu’on les connait, parce qu’on les a déjà manipulés et compris. Lesquels travaillent le haut de funnel et la considération, lesquels le bas de funnel et lesquels font tout, et ce industrie par industrie, type de marque par type de marque. La culture c’est comprendre si on doit aller vite et fort ou si on doit prendre son temps. La culture c’est de connaitre la valeur des choses et voir ce qui est trop cher ou trop bon marché. Mais la culture en media c’est aussi maintenant de savoir quelle data aller chercher et où, et comment l’utiliser. 

La polyvalence, c’est aussi de l’empathie. C’est se préoccuper de la communication au-delà des couts, des répétitions et des clics. C’est réfléchir et ajuster en fonction de la création publicitaire, du moment et contexte de l’audience, de ce qui se passera après la pub. La polyvalence, c’est la compréhension intime qu’une marque doit être considérée pour engager en espérant éventuellement de vendre. La polyvalence, c’est rendre les silos des métiers de la communication (création, media, engagement, vente) obsolètes. Pour plus d’efficience et d’efficacité. 

Enfin la responsabilité. Quand ils travaillent avec une agence, les annonceurs veulent à juste titre des personnes responsables en face. En partie pour pouvoir déléguer leur responsabilité propre : « j’ai pris cette décision parce qu’un expert me l’avait recommandé ». En partie pour pouvoir se focaliser sur leur métier en s’appuyant sur l’expertise de consultants avérés. Mais aussi pour s’appuyer sur la réactivité et l’agilité d’experts cultivés et polyvalents quand les choses ne se passent pas comme prévu. Ce qui est assez fréquent. 

Ce qui disparait tendanciellement dans les agences media, c’est ce qui occupait une si grande partie de leur temps. La consultation de panels statistiques qu’on fait passer pour une vérité déterministe. Le media planning détaillé sur des feuilles excel à n’en plus finir. La surveillance des consoles. Les heures innombrables à consolider des chiffres de différentes sources, laissant si peu de secondes pour tenter de leur donner du sens. Les réunions fleuves à regarder des tableaux qui n’ont ni sens ni sujet ni conclusions. Les tentatives plus ou moins transparentes de rationaliser ce qui de toute façon a déjà été fait. 

En réalité l’Intelligence Artificielle force les agences médias et leurs talents à se focaliser sur plus d’Intelligence moins Artificielle. Les conséquences qualitatives et quantitatives en termes d’équipes seront gigantesques. Elles seront moins nombreuses, mieux payées, et systématiquement assistées par une IA. C’est l’essor de l’intelligence hybride, plus précise, plus rapide et plus substantielle au service de la performance des annonceurs. 

Sauf pour les annonceurs qui à l’instar de P&G sauteront le pas de la responsabilité et travailleront directement avec des plateformes media riches en data & IA. 
Sans intermédiaires du tout.