Performance Max, deux ans après quel bilan ?


  • Accueilli par le marché avec un mélange d’appréhension et de circonspection, il y a deux ans de cela, le dispositif permettant aux annonceurs de confier la gestion de leur campagne à une IA, a fait une percée importante dans les budgets médias des annonceurs search.

  • Minted a interrogé plusieurs experts du SEA pour comprendre l'ampleur de cette révolution.

Deux ans déjà que Performance Max, ce nouvel outil de gestion automatisée des campagnes Google, est entré dans la vie des spécialistes de l’acquisition. Deux ans que le dispositif, qui permet à un annonceur de confier la gestion de ses campagnes SEA à une IA, suscite les passions, avec ses ambassadeurs zélés et ses détracteurs qui le sont tout autant. 

Deux ans que l’on débat, par exemple, pour savoir si on peut encore dire qu’on fait du SEA quand, en réalité, on se contente de donner un objectif de campagne à l’algorithme de Google en le laissant, sur la base de cet objectif, diffuser cette dernière de la manière qui lui semble la plus appropriée sur le moteur de recherche de Google mais pas que. Puisque votre campagne est également susceptible d’être affichée sur Youtube, le Google Display Network, Gmail, Maps ou encore Discover… 

Une interrogation d’autant plus légitime que les utilisateurs de Performance Max n’ont pas leur mot à dire sur les créations publicitaires affichées et les environnements au sein desquels elles le sont. Pas plus qu’ils ne peuvent choisir de mots-clés à cibler, ce qui a longtemps été, vous me l’accorderez, le nerf de la guerre. 

Alors, deux ans après, où en est-on ? Performance Max, qui a été plutôt “fraîchement” accueilli par le marché (c’est un euphémisme), a-t-il percé ? 

L’adoption est assez forte chez les e-commerçants, qui voient dans Performance Max un prolongement naturel de Smart Shopping

Difficile d’avoir des statistiques d’adoption, dès lors que Google n’en donne pas. Mais au vu des témoignages recueillis par Minted, un constat : l’adoption est assez forte chez les e-commerçants, qui voient dans Performance Max un prolongement naturel de Smart Shopping (produit qui laissait déjà la main à Google sur pas mal d’aspects liés à la gestion des campagnes). 

“Cela peut être jusqu’à deux tiers des budgets d’un retailer qui passent par Performance Max, dès lors que ce dernier n’a pas de grosse problématique de défense de marque”, chiffre Rodolphe De Myttenaere, directeur conseil chez Peak Ace. La défense de marque étant, elle, gérée via une campagne search classique. 

Une exception tout de même, les annonceurs du luxe qui, comme le rappelle Maxime Vivos, lead media et CRM chez Converteo, ne peuvent se permettre de “laisser la main à un algorithme pour décider ce qui est affiché et où.” 

Les autres e-commerçants n’ont, eux, pas vraiment le choix, à en croire Eric Le Page, head of search chez 79, qui a observé que “les annonceurs qui passaient par Shopping avaient du mal à générer du volume face à des concurrents qui, eux, passaient par Performance Max.” Un argument imparable…. Mais qui explique aussi une partie de la défiance vis-à-vis de Performance Max. Défiance que je vous détaille plus bas.

L’adoption est plus sporadique, voire hétérogène, chez les autres annonceurs, qui vendent des services, dans l’assurance, la banque, la téléphonie et qui affichent des campagnes SEA classique. Ces acteurs, “qui représentent le gros des investissements SEA chez Google”, selon Matthieu Cecarelli, fondateur de l’agence North, ont pour “eux une maîtrise très fine de leurs univers sémantique, qu’il leur est difficile de déléguer à une IA.”

 “Ils ont surtout recours à Performance Max pour aller chercher de l’incrémental”, à en croire Rodolphe De Myttenaere. “Notamment tous ces petits annonceurs qui apprécient le fait d’avoir accès à des leviers upper funnel, tout en restant au sein de Google Ads”, complète Eric Le Page. “Performance Max est l’outil idoine pour aller chercher du lead, explique l’expert, parce qu’il vous permet d’aller sur des environnements moins concurrentiels que le moteur de recherche.” 

“Chez Meilleurtaux, c’est aujourd’hui plus d’un euro investi en SEA qui l’est via Performance Max"

Pas un luxe quand, comme c’est le cas de certains secteurs type banque - assurance, vos coûts d’acquisition ont explosé au cours de ces deux dernières années. “Chez Meilleurtaux, c’est aujourd’hui plus d’un euro sur deux investis en SEA qui l’est via Performance Max”, révèle ainsi le directeur de l’acquisition du comparatif d’assurance, Jérémy Lacoste, qui estime que le bilan est aujourd’hui largement positif. S’il a mis deux ou trois mois à trouver un niveau de rentabilité identique à celui des campagnes qu’il gérait manuellement, Jérémy Lacoste a, depuis, réussi à pérenniser ce ROI. 

Meilleurtaux est loin d’être un cas isolé, à en croire Eric Le Page. “On déploie la fonctionnalité pour tous nos clients qui sont en recherche de leads car cela permet d’aller sur des réseaux où les coûts d’acquisitions sont beaucoup plus intéressants”, témoigne l’expert.

“8 fois sur 10, la campagne Performance Max sera plus efficace que la campagne classique chez nous”, assure Jérémy Lacoste. Pour quelle raison ? “Parce que la campagne se positionne en face de mots-clés qui transforment mais que l’on n’avait pas identifiés et qu’elle s’attaque aussi à un inventaire de diffusion qui est beaucoup moins concurrentiel.” Cet utilisateur de la première heure - “dès la beta” - explique y être allé plus par pragmatisme que par volontarisme. “C’était évident, dès le début, que Google allait tout faire pour le rendre incontournable”, justifie-t-il. 

Pour plusieurs raisons, et pas que des bonnes. D’abord parce que Google faisait face à un vrai enjeu de simplification. Parce que la gestion du SEA est restée longtemps quelque chose d’ésotérique, elle est restée l’apanage d’experts. Des experts que tout le monde ne peut pas se payer, à commencer par les TPE et PME. “Avec Performance Max, Google a mis en place un produit qui doit lui permettre de répondre aux besoins de la longue traîne, comme Facebook l’a fait avec Facebook Ads Manager”, détaille Jérémy Lacoste. 

L’autre raison, un peu moins avouable, c’est que Google avait aussi besoin de mieux “yielder” son inventaire alors que le search saturait et qu’à l’inverse, des réseaux comme le Google Display Network, Gmail ou même Youtube n’étaient pas exploités à 100%. Proposer aux annonceurs d’accéder à ces environnements depuis la même interface au sein de laquelle ils gèrent leurs campagnes SEA permet d’enlever une friction. Leur proposer, en plus, de confier à l’IA la ventilation de ces budgets, permet d’en enlever une autre. 

“Pourquoi pas”, répond Erwan Lohezic, associé chez 3qtz. Le problème, c’est que Google a un peu “mis la charrue avant les bœufs en lançant un produit encore en alpha” et en le déployant à marche forcée. Un avis partagé par Eric Le Page, qui déplore une “commercialisation trop frontale”, où les sales de Google martelaient à leurs clients qu’ils devaient absolument utiliser Performance Max et qu’il ne pouvait pas en être autrement.

Ça a forcément fait grincer quelques dents. Ils étaient nombreux à déplorer (et ils le sont encore) que Performance Max soit une vraie boîte noire. L’acheteur n’a pas la main sur les environnements de diffusion (il ne peut pas en exclure) et pire, il ne sait même où il est diffusé (même s’il existe des scripts externes pour avoir une idée) et sur quels mots-clés en SEA. 

Il y a bien sûr du mieux depuis le 23 février. “Avant, il fallait envoyer un email à un account pour exclure certains termes, dont ceux de l’environnement de marque. Désormais, on peut faire ça nativement depuis la plateforme”, témoigne Maxime Vivos. “La partie insights s’est également enrichie de quelques listes de mots-clés sur lesquels l’annonceur est diffusé”, ajoute Eric Le Page. 

Côté activation, l’outil s’est enrichi de fonctionnalités d’IA générative, pour proposer aux annonceurs les moins bien outillés, des créations publicitaires de plus en plus abouties. “Les acheteurs peuvent également ajouter des signaux pour orienter l’algorithme sur une typologie d’audience : donnée socio-démo, centre d’intérêt, audiences in-market…”, liste Rodolphe De Myttenaere.

On peut également uploader une liste de clients, pour faire du look-alike, et lier les données de conversion d’une landing page, pour privilégier les environnements qui convertissent le plus. Et il y a a toujours des outils tiers de web analyse pour “redresser les résultats, lorsque Google s’est montré trop généreux sur son effet post view.” 

A quand la possibilité d'accéder à la ventilation des budgets par environnement ?

C’est bien… mais on peut mieux faire, estime Erwan Lohezic, qui espère que “la ventilation des budgets par environnement sera bientôt proposée nativement.” “Plus Performance Max sera transparent et granulaire dans ses reportings, plus forte sera l’adhésion”, prédit un connaisseur du secteur. 

L’opacité est, à date, le grand problème de Google. Elle l’est d’autant plus que, il faut le rappeler, Google est juge et partie. Or, ses récents démêlés avec la justice démontrent qu’il est loin d’être irréprochable lorsqu’il est dans ce cas de figure. D’où cette interrogation légitime : Performance Max sert-il d’abord les intérêts de l’annonceur ou ceux de Google ? Est-ce qu’il met X% sur Youtube car il a besoin de remplir des inventaires ou parce que ça sert vraiment la campagne ? Compliqué d’y répondre, faute de datas suffisamment granulaires. 

Une certitude, Performance Max peut parfois se “tromper”. Un récent rapport d’Adalytics a mis le feu aux poudres, en alertant sur le fait que certaines campagnes Performance Max (notamment celles d’Apple, Amazon et Pinterest) atterrissaient sur des sites pornographiques et pirates, tous membres du “Search Partner Network”, une poche d’inventaire constituée des sites qui utilisent le moteur de recherche de Google. Ce dernier a essayé d’éteindre l’incendie, en donnant la possibilité aux marques d’exclure cet environnement de leurs campagnes. Pas suffisant évidemment pour éteindre les doutes.

Comment y remédier ? Très simple, selon Maxime Vivos. En donnant la possibilité aux annonceurs qui le veulent de : 

  1. Pouvoir exclure des emplacements, domaines ou chaînes Youtube

  2. Pouvoir figer des annonces, notamment pour les annonceurs du luxe qui ne peuvent se permettre de mauvaise surprise

  3. Avoir un niveau de visibilité similaire à celle des campagnes search ou mono-levier

“On aimerait pouvoir voir ce qui se passe, selon qu’on mette un CPA à 50 ou 70 euros”, ajoute, de son côté, Erwan Lohezic. De même qu’avoir l’impact de Performance Max sur des KPI comme l’awareness ou la considération, via des brand lift surveys qui permettraient de mesurer plus finement ces environnements “upper funnels” sur lesquels Performance Max vous fait aller. 

Est-ce que certaines des ventes concrétisées par Performance Max ne l’auraient pas été, quoi qu’il arrive, de manière organique ? Ou est-ce que ces ventes n’auraient pas été générées, pour moins cher, en open auction via un DSP ?

L’autre problème, à en croire Maxime Vivos, c’est que pas un acteur n’a, pour l’instant, mis sur pied un protocole suffisamment robuste pour juger de l’incrément de performance apporté par Performance Max à un dispositif digital 360. Et d’ainsi avoir une réponse aux questions suivantes : est-ce que certaines des ventes concrétisées par Performance Max ne l’auraient pas été, quoi qu’il arrive, de manière organique ? Ou est-ce que ces ventes n’auraient pas été générées, pour moins cher, en open auction via un DSP ?

“On voit souvent des annonceurs comparer ce qu’ils obtenaient avec Shopping Standard avec ce qu’ils obtiennent avec Performance Max”, observe Maxime Vivos. Le problème, c’est qu’on ne compare absolument pas la même chose, rappelle l’expert. D’un côté, une campagne mono-levier et, de l’autre, une campagne multi-levier. D’un côté, du pull, et de l’autre du push, où les conversions sont attribuées de manière de plus en plus probabiliste. “Sachant qu’en plus les marques qui intègrent le consent mode ou enhanced conversion à leurs modèles data drivent ajoutent beaucoup d’extrapolation”, ajoute un spécialiste du search.

 Les campagnes Performance Max sont des locomotives construites par Google, mises sur les rails par… Google

Charge à Maxime Vivos de résumer le problème comme suit. “Les campagnes search sont des Ferrari pilotées par les experts search. Les campagnes Performance Max sont des locomotives construites par Google, mises sur les rails par… Google.” Une locomotive que les marques doivent apprendre à challenger, estime Mathieu Cecarelli, convaincu que “Performance Max siphonne pas mal des conversions obtenues jusque-là en retargeting ou de manière organique.” L’expert préfère une autre analogie, celle du paquebot, dont le seul moyen de faire varier la trajectoire est… le budget que vous lui allouez. 

Le problème, c’est que les annonceurs ne sont pas toujours armés pour challenger l’outil. “C’est sûr que si vous acceptez les conversions post view de 48h, Performance Max va beaucoup vous afficher sur Youtube”, illustre Erwan Lohezic. 

Comment s’assurer que les rails de Performance Max vont dans la direction qui sert les intérêts de l’annonceur ? Voire qu’elles ne viennent pas cannibaliser d’autres dispositifs (potentiellement moins coûteux) activés sur l’Open Web ? “Avec un AB test étanche, un dispositif A sur une zone donnée, le même dispositif plus Performance Max sur une autre zone, et on relève les compteurs à la fin”, résume Maxime Vivos. Cela vous permettra de voir, comme Eric Le Page dans certains cas, que “Performance Max vient bien marcher sur les plates-bandes de vos campagnes Criteo.”

Au-delà de l’effet de mode,il est important de vous poser cette question : où vous en êtes en matière de SEA ? “Si ça se trouve, il y a déjà beaucoup à faire avant d’aller sur Performance Max”, prévient Maxime Vivos. Un avis partagé par Matthieu Cecarelli, qui estime que Performance Max est un outil parfait pour permettre aux PME d’optimiser leurs campagnes search mais dont l’utilité est plus questionnable pour ceux qui maîtrisent déjà leur ciblage manuel sur le bout des doigts. “Si ça vous fait passer de 3/10 à 6/10 sur le SEA,, comme c’est sans doute le cas pour pas mal d’entreprises de la longue traîne, pas d’hésitation. Si vous êtes déjà dans ces eaux-là, attention.”

Maxime Vivos reste un peu plus mesuré. L’expert est, comme Jérémy Lacoste, convaincu que “Performance Max, c’est le produit phare de Google et que les annonceurs n’auront bientôt plus le choix.” “Il ne faut pas rater le train”, abonde Rodolphe De Myttenaere. C’est, de l’avis d’Eric Le Page, une révolution digne de celle du mobile. “Lorsque Google appuie sur le bouton, comme il l’a fait en son temps avec UAP, pour booster une fonctionnalité, vous êtes sûrs que ça va prendre.”

Le search n'est plus une histoire de mots-clés

C’est la conclusion de ce (long) article. Que vous soyez pour ou contre Performance Max, il faut vous faire une raison : le search, c’est n’est plus une histoire de mots-clés et d’enchères, c’est une question de flux de produits et de données qui viennent nourrir l’algorithme.”C’est donner à Google la data qui lui permettra de comprendre que telle conversion a plus de valeur qu’une autre, complète Erwan Lohezic.

L’objectif, c’est de nourrir l’algorithme, pour qu’il soit le plus efficace possible. “On va envoyer une vingtaine de signaux à l’algorithme, pour chaque groupe d’élément, illustre Jérémy Lacoste. Ceux que les outils Google partagent, ceux que nous avons en first-party, cookies et email, ceux que nous obtenons auprès de partenaires tiers.” 

Faire du Performance Max, c’est aussi, à en croire Jérémy Lacoste, l’occasion de “consacrer plus de temps à des sujets qui étaient un peu délaissés en SEA : la création publicitaire et le parcours de conversion.” Deux volets qui étaient peu délaissés car le SEA touche, par essence, des profils hyper intentionnistes. Contrairement aux nouveaux environnements intégrés à Performance Max, qui sont un peu plus “upper funnel” et implique donc de travailler l’engagement de la publicité. 

Un raisonnement que, de l’avis d’Erwan Lohezic, certaines entreprises n’ont pas bien encore assimilé. “On voit que l’outil est mal utilisé dans nombre d’entreprises, du fait de réticences en interne.” Il faut dire que Performance Max challenge l’existence même de certaines fonctions chez l’annonceur, notamment les traffic managers dont 80% des tâches sont opérées par l’algorithme. “Tout est automatisé sur Facebook, où vous renseignez juste votre cible. Ce sera pareil, à terme, avec Performance Max”, prévient Erwan Lohezic.