Les nouveaux KPI de l’attention… et comment ils sont calculés


  • Viewed rate, durée d’attention moyenne ou nombre de secondes d’attention pour mille impressions… Nouvelles coqueluches du secteur de la publicité digitale, les spécialistes de la mesure de l’attention n’hésitent pas à inonder les agences médias d’indicateurs en tous genres.
  • Des indicateurs qui ont évidemment tous une utilité (parce qu’ils ne disent pas forcément la même chose) mais entre lesquels il n’est pas toujours évident de navigue. Raison pour laquelle on vous explique comment procèdent deux des pionniers de la pratique en France, Lumen et xpln.ai. 

Le premier KPI qu’il vous faudra regarder, c'est le pourcentage d’impressions vues par les internautes. Un KPI que Lumen appelle le “viewed rate” et qu’il ne faut pas confondre avec le “viewable rate”, soit le pourcentage d’impressions visibles que vous communiquent des acteurs comme IAS et Double Verify depuis des années. Le premier renvoie aux impressions qui sont réellement vues par les internautes selon les outils de mesure d’attention (je vous explique plus bas comment ils procèdent) alors que le deuxième s’appuie sur les standards de visibilité édictés par l’IAB (la création publicitaire qui s’affiche sur l’écran à plus de 50% durant une seconde pour le display, deux secondes pour la vidéo).

Une confusion sémantique malheureusement trop souvent réalisée, selon Fabien Magalon, fondateur d’xpln.ai. C’est la raison pour laquelle xpln.ai préfère désormais parler d’“attentive rate“ pour se référer aux impressions qui sont réellement vues par les internautes. “Cette proportion d’impressions qui génèrent un minimum d’attention est généralement le premier levier d’optimisation d’une campagne”, explique le dirigeant.

Il s’agit de l’augmenter au maximum pour limiter les impressions inutiles. A noter qu’une impression inutile chez xpln peut ne pas l’être chez Lumen puisque les deux technologies n’ont pas choisi le même plancher pour considérer à partir de quel moment une impression est considérée comme “vue”. Il est de 0,1 seconde chez Lumen, 0,2 seconde chez xpln. Une différence vraiment “marginale”, assure Fabien Magalon. 

Une fois ce premier travail fait, vous pourrez travailler sur la durée d’attention moyenne de votre campagne, soit le temps moyen passé par impression. Ce KPI se calcule en secondes et est le fruit d’une division très simple : nombre de secondes d’attention générées par votre campagne sur le nombre d’impressions. Ici encore, une petite différence entre Lumen et xpln.ai puisque les deux spécialistes ne prennent pas le même dénominateur.

Xpln.ai effectue son calcul sur l’ensemble des impressions achetées alors que Lumen ne garde que les impressions qui ont été vues (dans le viewed rate). Ne soyez donc pas étonné si le second, qui appelle ce KPI “eyes on dwell time”, vous remonte une meilleure moyenne que le premier lorsque vous les activez tous les deux pour une même campagne. 

Ce KPI peut évidemment se décliner de plusieurs manières. Notamment par planchers avec la proportion d’impressions vues plus de 1 seconde, 2 secondes, 3 secondes et ainsi de suite. Cette proportion d’impressions ayant généré plus de X secondes d’attention est, de l’avis de Fabien Magalon, un KPI qui va vite devenir clé pour les agences médias, qui auront pour enjeu d’identifier l’intensité d’attention qu’elles veulent atteindre pour répondre à leur objectif de campagne, qu’il s’agisse d’un item de marque (awareness, mémorisation, préférence de marque…) ou d’un enjeu business (clic, collecte de leads, ventes…). Et qui devront, pour ce faire, se poser des questions comme : Quelle est la durée d’attention minimum à atteindre pour que leur spot de 10 secondes ait un impact ? Et à partir de quelle durée d’attention est-ce que l’incrément est moins évident ?

Côté agence média, cela signifie faire le lien entre les données remontées par les outils et vos bilans de campagne, qu’il s’agisse d’un post-test avec un panel pour des items de marque ou des données adcentric / site centric pour des objectifs business. 

Le funnel de l'attention publicitaire

Les nouveaux KPI de l’attention… et comment ils sont calculés - Le funnel de l'attention publicitaire
Credit Photo - xpln.ai

Un autre KPI qui est souvent très visible chez les mesureurs, c’est l’APM, soit le nombre de secondes attentives pour mille impressions diffusées. Un KPI qui réunit la durée moyenne d’attention et la proportion d’impressions vues (plus de 0,1 seconde chez Lumen, plus de 0,2 secondes chez xpln.ai). “Un indicateur agrégé qui a donc le mérite d’offrir un point de comparaison pour des formats ou environnements donnés”, explique Fabien Magalon. Les mieux disant sur ce score sont généralement les environnemens replay des broadcasters. Viennent ensuite Youtube, les plateformes sociales… Jusqu’au petit dernier : le display sur l’Open Web, “auquel le benchmark effectué par Lumen attribue une note moyenne de 559 sur l’Open Web”, précise Caroline Hugonenc, SVP Research & Insights at Teads.

Qu'est-ce qu'un bon APM ?

Les nouveaux KPI de l’attention… et comment ils sont calculés - Qu'est-ce qu'un bon APM ?
Credit Photo - Lumen

Teads se situe, à titre d’exemple, autour des 1 700 d’APM, que ce soit chez Lumen comme chez xpln.ai, même si le nombre varie évidemment en fonction des créations, formats et environnements concernés. Jean-Damien Agurto-Levy, head of digital et data chez Initiative, voit ce score d’APM “osciller entre 400 et 10 000 sur les premières campagnes qu’il a menées, avec des résultats très proches chez Lumen et chez xpln.”

Comme souvent avec les KPI de l’attention, ce score ne permet qu’un premier niveau de lecture et il faut aller, plus en granularité, pour faire le tri. “Un environnement qui offre beaucoup d’impressions vues mais une faible durée d’attention moyenne peut avoir le même APM qu’un autre qui offre moins d’impressions vues mais une forte durée d’attention moyenne”, rappelle Caroline Hugonenc. Si vous êtes dans une logique d’awareness, ça fera peut-être l’affaire pour le premier mais si vous êtes plutôt dans une logique “mid-funnel” de mémorisation ou préférence de marque, ça ne sera sans doute pas suffisant. 

“De la même manière, une campagne peut avoir une faible durée d’attention parce que le ciblage n’est pas bon ou parce que l’environnement est hyper saturé”, illustre Laurent Capion, chief strategy officer de Publicis Media. Dans ces deux cas de figure, les actions à entreprendre pour corriger le tir sont radicalement différentes.

C’est la raison pour laquelle xpln.ai a fait le pari de reporter de manière transparente l'ensemble des variables sous-jacentes qui permettent de construire APM ou durée d’attention. “Share of screen, encombrement publicitaire, proportion du son, source du trafic… On remonte tout”, précise Fabien Magalon. Autant un élément de transparence que de bonne compréhension qui est, selon le dirigeant, unique dans le secteur. 

Evidemment, il vous faudra mettre tous ces KPI en perspective avec l’argent dépensé. Deux KPI le permettent : le coût pour 1 000 secondes d’attention (votre APM multiplié par votre CPM / 1000) et l’attentive CPM. Caroline Hugonenc avoue ne pas être une grande fan du premier, qui peut “favoriser les environnements qui vendent beaucoup d’impressions à peine vues mais pas cher.” Ce qui ne sera pas le cas de l’attentive CPM, un KPI qui dépend du plancher que vous vous êtes fixé. Si vous estimez que ce plancher est d’une seconde, il vous faut regarder le pourcentage d’impressions au-dessus.

Prenons l’exemple où c’est le cas de 60% d’entre elles, avec un CPM de 5 euros, cela vous donne un attentive CPM de 8,3 euros. Autant d’indications qui permettent aux agences médias, comme c’est le cas d’Initiatie, de “bidder à la baisse pour les impressions et les environnements les moins performants”, précise Jean-Damien Agurto.

Les enjeux de la mesure de l'attention

Les nouveaux KPI de l’attention… et comment ils sont calculés - Les enjeux de la mesure de l'attention
Credit Photo - Teads

“La mesure de l’attention, c’est un peu comme la recette du Coca-Cola, personne ne veut dire comment il s’y prend exactement”, s’amuse Jean-Damien Agurto. Une première étape “eye tracking”, en laboratoire ou en distanciel, pour étudier le comportement d’un panel en situation de surf, c’est-à-dire où son regard se pose et combien de temps. “Un algorithme de machine learning va ensuite identifier les corrélations entre les signaux environnementaux et les résultats d'attention pour créer un modèle”, ajoute Caroline Hugonenc. 

Les signaux environnementaux  (encombrement publicitaire, taille et emplacement de la créa, durée de présence à l’écran, autoplay ou non, skippable ou non, contenu édito associé…) sont capturés à chaque impression via un tag intégré dans la création. “Il suffit que notre client coche une option au sein de notre plateforme pour que la campagne soit mesurée”, précise Caroline Hugonenc dont le partenaire est, dans la majorité des cas, Lumen en Europe. 

A noter que les variables disponibles ne sont pas les mêmes d’une page à une autre. Vous n’avez pas l’encombrement publicitaire chez Meta, même si, rappelle Fabien Magalon, “c’est rarement plus d’une création par écran.” Vous avez en revanche les nombre de like, commentaires et partages qui sont des marqueurs forts d’engagement. L'attention est estimée par le modèle sur la base des signaux environnementaux suivis.

Laurent Capion a lui un regret : que les solutions occultent, pour l’instant, l’aspect créatif. “Le niveau d’attention d’une campagne dépend énormément du choix de la créa et de sa bonne compréhension”, estime le dirigeant. Lequel rappelle qu’un message qui n’est pas compris n’est pas bien mémorisé. Lumen planche sur le sujet, avec un panel qui peut être sollicité quasiment en temps réel pour tester le potentiel d’attention d’une copie créative. Kantar fait de même, via son outil Kantar link express.

Fabien Magalonreconnaîtt volontiers l’influence de la création sur l’attention, un sujet sur lequel il a accéléré ces derniers mois. “La qualité de la créa, de la marque, du message : c'est déjà pris en compte par la durée de visibilité, estime l’expert. Même si la créa n'influence pas la durée de visibilité des formats sticky, elle le fait pour tout les formats non-sticky.”

Il n’y a, pour l’instant, pas encore d’accréditation officielle. Le Mobile Rating Council, qui certifie les acteurs de la mesure de la visibilité et de la fraude, est un prétendant légitime mais ne s’est pas positionné. “Son CEO, Georges Ivie, est intervenu à l’occasion de l’Attention council, fin avril, sans toutefois faire d’annonce concrète”, note Caroline Hugonenc. Quelques signes que les choses bougent.  Lumen est le premier acteur à s’être fait auditer par PWC alors que l’Advertising Research Foundation (ARF) planche sur un mapping des acteurs du secteur. “Une première étape bienvenue”, se réjouit Fabien Magalon.

Un passage obligé selon Edouard Brunet, qui explique “avoir besoin de pouvoir s’appuyer sur les certifications de spécialiste de l’audit pour pouvoir être sûr de choisir les bons partenaires.” On n’en est encore qu’aux débuts à en croire l’expert de chez Publicis Media, qui a déjà testé plusieurs solutions, dont celles de Double Verify, Xpln.ai et Adelaide.