Info Minted : Netflix ouvre son inventaire publicitaire aux enchères


  • Netflix va introduire deux modes d'achat programmatique sans garantie de volume : des private deals et des preferred deals.
  • Pas vraiment un game changer, tant qu'elles seront réservées à quelques partenaires privilégiés. Mais la preuve que la plateforme veut faire des efforts quant à l'accessibilité de son inventaire publicitaire. Un inventaire qui reste, quoi qu'il en soit, très coûteux. 

Du nouveau concernant l’offre publicitaire de Netflix puisque Xandr, son partenaire de monétisation, va permettre à certaines agences médias d’accéder à une partie de l’inventaire de la plateforme aux enchères ouvertes. Plus précisément, Xandr va leur proposer des “direct deals”, qui leur permettent d’enchérir en open auction sur la base de prix planchers, des floors, qui sont 30% moins élevés que les prix que pratiquent Netflix depuis le lancement de son offre. 

L’objectif, c’est évidemment d’abaisser le ticket d’entrée d’une campagne de pub sur Netflix. Un ticket d’entrée que certains annonceurs jugent aujourd’hui prohibitif. Parce que les CPM sont élevés en programmatique garanti, 39 euros du CPM pour le 15 secondes, 49 euros pour le 30 secondes (même si certaines grosses agences médias ont déjà pu négocier des décotes), et qu’il faut, en plus, s’engager sur un minimum de dépense. Sans compter que les possibilités de ciblage sont limitées (on y reviendra plus loin).

Si on prend les tarifs de référence de Netflix , cela nous donne un floor de 27,5 euros pour le 15 secondes et 34,5 euros pour le 30 secondes. On est encore loin des tarifs de la catch-up en IPTV ou de la TV segmentée, qui se situent autour des 15-20 euros, mais on s’en approche. La contrepartie, c’est que vous êtes en run of network (vous ne choisissez pas les contextes publicitaires) et que vous n’avez, à ce tarif, pas la garantie de remporter l’enchère. “De sorte que plus vous voudrez avoir l’assurance de livrer votre campagne par ce biais, plus il vous faudra vous rapprocher des prix pratiqués par Netflix en programmatique garanti”, prévient un acheteur. 

A noter que les acheteurs qui ne veulent pas perdre de temps à affiner leur stratégie d’enchères auront une autre option, via la mécanique des “preferred deals”, qui leur permettent de profiter d’un CPM fixe moins élevé que les tarifs historiques de Netflix mais, ici encore, sans garantie de volume. 

La preuve que le volume d’inventaire de Netflix croît à un niveau qui lui permet d’être moins regardant sur les CPM

Que retenir de ces deux nouvelles offres ? Que Netflix veut sans doute élargir son portefeuille d’annonceurs, jusque-là du Tiers 1 ou de l’annonceur luxe - mode, avec des tarifs facialement plus accessibles. Et que son volume d’inventaire croît à un niveau qui lui permet d’être moins regardant sur les CPM. “Netflix est très secret sur le nombre d’abonnés à son offre mais le déploiement d’un mode d’achat aux enchères ouvertes démontre que le taux de remplissage de son inventaire publicitaire, son fill rate, laisse de la place à de nouveaux annonceurs”, analyse un acheteur. Une petite victoire alors que, rappelez-vous, Netflix avait été carrément contraint de rembourser certains annonceurs en décembre dernier, faute d’inventaire suffisant. 

La plateforme, qui vient de publier ses résultats trimestriels, nous en dit d’ailleurs un peu plus sur ses performances en la matière. Son CFO a ainsi révélé que le revenu par utilisateur (ARPU) de son abonnement financé par la publicité était désormais supérieur à celui de son abonnement standard aux Etats-Unis. Le premier étant proposé à 6,99 dollars par mois et le second à 15,99 dollars par mois, cela nous donne donc près de 9 dollars de revenus publicitaires par utilisateur. Et c’est, à en croire un patron d’agence, “la preuve que leur politique de revenue management, en termes de prix et de pression, est efficace sur le volet publicitaire.”  

Une offre qui séduire les plus petites structures et annonceurs

Après des débuts (un peu) décevants, Netflix veut donc accélérer. Cette nouvelle offre de preferred et direct deals va-t-elle le lui permettre ? Pas évident à court terme. “Je ne sais pas si les tarifs seront si avantageux que cela, vu que les fees des DSP sont plus élevés en open auction qu’en programmatique garanti et que c’est aussi beaucoup plus chronophage à gérer”, prévient un acheteur qui n’a pas l’intention de tester. Et qui rappelle que le marché de la catch-up vidéo n’est pas vraiment un marché drivé par l’open auction pour cette raison. Pas sûr donc que les grosses agences médias, auxquelles ces tests sont réservés, mordent à l’hameçon. Il pourrait en être autrement des plus petites structures, plus souples et dotées de budgets moins importants. “Ce sont elles la vraie cible dans cette histoire”, estime un connaisseur.

Reste que les acheteurs semblent avoir des attentes plus urgentes que le mode d’achat. Il y a évidemment le sujet de la mesure. Mesure de la performance de l’inventaire publicitaire (la visibilité est désormais proposée via Double Verify et IAS) et mesure des audiences touchées. “On manque d’informations sur le sujet”, estime un acheteur. Cela permettrait pourtant de justifier des tarifs jugés assez élevés. Surtout que, selon les premiers résultats de campagne que Minted a pu consulter, l’audience de Netflix n’est pas si “TV friendly” qu’attendu. “C’est aujourd’hui 50% de nos impressions qui sont diffusées sur un smartphone ou une tablette”, chiffre un acheteur.

Ça change pas mal de choses. Parce que l’attention n’est pas forcément aussi bonne sur ce device et qu’en plus le nombre de personnes touchées est moindre. “On estime toucher 1,3 personne par écran de TV contre 1 seule personne par écran mobile dans 99% des cas”, chiffre un acheteur. Dans le premier cas, c’est 30% d’exposition supplémentaire et ce n’est évidemment pas anodin au moment des arbitrages budgétaires. “Payer 39 euros pour une pub vidéo de 15 secondes, c’est plus intéressant sur TV que sur mobile”, résume notre acheteur. Ou alors il faut avoir l’assurance que le mobile permet de toucher des jeunes qui se font rares en TV. Ce que Netflix ne confirme (pour l’instant) pas. 

La plateforme ne propose pas non plus de ciblage par device. “Cela viendra sûrement avec le temps”, rassure notre acheteur. Il est vrai que Netflix a pas mal évolué sur ce sujet, en ouvrant d’abord les ciblages socio-démo et géoloc. Un acheteur y voit “le gage que les volumes sont au rendez-vous puisque faire du ciblage géoloc implique d’avoir suffisamment de reach.” Un autre y voit la preuve que les équipes de Xandr, dont la valeur ajoutée est pourtant challengée par Netflix (qui réfléchit à reprendre la main sur le sujet via une acquisition ou un développement en interne). “Ils sont réactifs et ils s’adaptent aux retours du marché dans la mesure de leurs moyens.”

De 25% de CPM additionnel pour le socio-démo jusqu’à… 200% pour une première impression ou un pack parrainage

Netflix propose, depuis peu, des ciblages par genre (action, fantastique…) et permet de n’acheter que de l’inventaire issu du top 10 de ses programmes. Des ciblages qui sont, pour l’instant, peu utilisés en France puisque la concurrence n’est, de toute façon, pas très rude (même sans ciblage on accède assez facilement aux meilleures impressions). Et que, surtout, ils ajoutent un coût à la campagne. De 25% de CPM additionnel pour le socio-démo, l’heure de la journée et le genre jusqu’à… 200% pour une première impression (la première de la session de connexion d’un internaute) ou un pack parrainage de programme (la dernière saison de Stranger Things par exemple). “Si on ajoute à celà les fees DSP, on arrive à des niveaux de prix, de près de 150 euros de CPM, que même un LVMH la veille de Noël ne paierait pas”, s’amuse un acheteur.

La route est donc encore longue pour devenir le poids lourd de l’AVOD que Netflix espère être. Selon Insider Intelligence, la plateforme devrait réaliser près de 770 millions de dollars de revenus publicitaires cette année. Un nombre qui pourrait s’élever à 1,9 milliard de dollars en 2024. “C’est, pour un nouveau venu, évidemment impressionnant et c’est aussi la preuve que Netflix va devenir un sérieux concurrent aux chaînes de TV et à Youtube”, conclut notre acheteur.