François-Xavier Préaut (Outbrain) : “L’attention peut réussir là où les adblockers ou Digital Ad Trust ont échoué : nettoyer le marché publicitaire”


  • Rencontre avec le GM Europe du Sud et Latam du géant de la recommandation de contenus pour évoquer son nouveau positionnement branding et l'intérêt des annonceurs pour le KPI de l'attention.

Minted. Cela fait bientôt 6 mois que vous avez lancé Onyx, votre plateforme de marque consacrée au branding. Quel est le premier bilan ?

François-Xavier Préaut. Pour rappel, Onyx c’est une plateforme publicitaire qui a été conçue pour permettre à nos clients d'optimiser l’attention des utilisateurs et booster, ce faisant, l’impact de leurs formats publicitaires display et vidéo sur des items de marque. 

Onyx a été lancé dans 5 pays dont la France, où les objectifs de chiffre d’affaires ont été atteints. Nous venons de le déployer au Japon et allons continuer à le faire dans nos autres marchés. Mais tout cela reste encore très frais. Nous sommes toujours dans une logique de tester un maximum de choses avec un maximum d’annonceurs. Et d’évangéliser autant que possible les marchés où nous sommes peut-être moins légitimes sur ce volet branding, pour être capable de proposer à nos clients une solution full-funnel, qui allie branding et performance.

J’ai un peu l’impression que vous essayez de vous positionner en frontal avec Teads, avec lequel vous avez d’ailleurs failli vous rapprocher en 2022

Teads mais pas que… Vous savez, il y a de nombreux acteurs positionnés sur ce volet branding aujourd’hui. Dont un certain nombre qui ont essayé, sans succès, d’aller en frontal avec nous, sur le volet performance.

Qui ?

Désolé, je ne donnerai pas de nom ! Mais, c’est un fait : il y a beaucoup de barrières à l’entrée quand on veut faire du lower funnel. A commencer par la difficulté de prendre des positions publicitaires au pied des articles des groupes médias. 

Ce sont, à mon avis, les meilleurs emplacements pour générer du clic de qualité, car le lecteur, une fois son article consommé, est disposé à faire autre chose, comme interagir avec la publicité. Beaucoup plus, en tout cas, que lorsque celle-ci est au cœur de l’article ou en colonne de droite. Mais ces positions bas de page, qui ont longtemps été méprisées par l’industrie, sont aujourd’hui verrouillées par Outbrain et Taboola. Nous avons, par exemple, un contrat d’exclusivité qui dure 7 ans avec Le Monde.

Sans compter que nous sommes, en plus, codé “en dur” chez Le Monde comme les autres médias qui font appel à notre solution. Cela nous permet d’accéder à toute une série d’informations (comportement souris, contexte…) qui nous permettent de prédire l’engagement de l’utilisateur. Informations que nos concurrents, qui sont le plus souvent intégrés via un wrapper, ne peuvent pas consulter.

Et, à l’inverse, la barrière à l’entrée est plus faible quand on passe de la perf au branding ?

Je ne dis pas qu’il n’y en a pas… mais qu’il y en a beaucoup moins. Surtout quand, comme c’est le cas d’Onyx, on s’attaque au sujet sous le prisme de l’attention, qui est un KPI qui intéresse de plus en plus d’annonceurs.

C’est sûr ! D’ailleurs la plupart des adtech se lancent aujourd’hui sur ce créneau…

Nous nous y mettons car nous voyons que c’est un mouvement inévitable mais que, surtout, nous nous sommes légitimes là-dessus. Outbrain, c’est une technologie qui, depuis 15 ans, fait des paris sur l’engagement que généreront des impressions publicitaires, en les achetant au CPM pour les revendre au clic, voire à la visite qualifiée. Quand on est capable de faire cela, on est capable d’optimiser une campagne à l’attention, puisque cette dernière est un pré-requis à l’engagement de l’internaute. 

Nous avons bousculé le marché du display en l’orientant vers une dimension performance, comme la recherche du clic, qui était trop rare à l’époque. Nous espérons faire de même avec le branding et l’attention. Même si je tiens à rappeler que l’attention, cela reste un proxy. L’important, c’est de s’assurer que la campagne a été vue et qu’elle a eu une contribution incrémentale au business.

Pourquoi cette précaution ?

Parce que ce qui compte ce n'est pas l'attention, c'est le business incrémental, c'est le meilleur ROI que l'on puisse obtenir ! Par ailleurs, je pense que, de la même manière que le KPI de la visibilité est en train de disparaître progressivement, l’attention a, elle aussi une durée de vie limitée. Le problème, c’est que notre marché a le chic pour imaginer de nouveaux standards, avec l’ambition de mieux mettre en avant l’inventaire de qualité, mais que ces standards finissent fatalement par être dévoyés. 

C’est ce qui est arrivé avec la visibilité, qui n’est aujourd’hui plus assez discriminante, voire même le contraire. Parce qu’on voit des sites multiplier les formats intrusifs, qui se ferrent en bas à droite de votre écran. Des formats visibles mais pas vraiment vus. Et c'est ce qui arrivera sans doute un jour pour l'attention. Pas tout de suite.. Mais d'ici quelques années sans doute.

C’est une crainte que j’ai déjà remontée à Fabien Magalon, le fondateur d’xpln.ai, un spécialiste de la pratique. Il m’a répondu que l’attention était, contrairement à la visibilité, un KPI qui agrégeait de nombreuses variables et qu’il était, à ce titre, difficile à dévoyer…

C’est sûr que c’est beaucoup plus complexe. D’ailleurs, faute de pouvoir entrer dans la tête du lecteur, on en est souvent à faire des paris probabilistes sur ce KPI, en fonction de nombreuses variables. Ce qui peut aussi poser la question de la justesse de nouveau KPI. D’autant que chaque technologie a sa propre méthodologie sur le sujet. 

Un frein pour le déploiement de ce KPI ?

Non, je pense qu’il va continuer à se déployer. Et j’enjoins même les annonceurs à ne pas attendre qu’on arrive à un standard pour s’y mettre. L’important, c’est la courbe d’expérience que l’on se fait et la trajectoire que l’on se donne. Comme le fait un annonceur, comme Mars, qui bascule l’ensemble de ses campagnes sur l’attention.

Mais il faut évidemment que chaque annonceur se fasse son idée, en se plongeant dans les méthodologies des uns et des autres. Pour, ensuite, pouvoir challenger ce que lui remonte le partenaire choisi.

C’est ce que vous avez fait avec Adelaide, que vous avez choisi pour aiguiller Onyx sur le sujet de l’attention ?

Si c’est effectivement Adelaide qui aide notre algorithme d’optimisation à identifier les meilleurs emplacements, nous voulons rester agnostiques sur le sujet. Nous discutons avec des acteurs comme Lumen, Amplify ou Double Verify qui se sont, eux aussi, lancés là-dessus.

Mais pas xpln.ai ?

Nous en sommes encore à la prise de contact.

Au-delà de l’opportunité business évidente, pourquoi c’est si important que cela de se mettre à l’attention selon vous ?

Parce que je pense que c’est un KPI qui va contribuer à nettoyer notre secteur. Ce que n’ont clairement pas réussi à faire les ad-blockers ou une initiative comme Digital Ad Trust. Faire en sorte qu’il y ait moins de sites qui diffusent de la publicité à l’excès car ça ne sert personne : pas plus l’expérience utilisateur que l’efficacité des campagnes. 

Vous me tendez une perche là car les sites que vous évoquez, “made for advertising”, prolifèrent en faisant de l’arbitrage média : ils achètent du trafic, essentiellement via Taboola et votre plateforme, qu’ils rentabilisent en abusant de publicités…

Je pense qu’il ne faut pas se tromper de combat. Déjà, la pratique de l’arbitrage n’est pas répréhensible en tant que telle. Elle est même salutaire pour permettre à certains médias de développer leurs audiences et de les rentabiliser. 

Concernant les acteurs que vous évoquez, est-ce que c’est à Outbrain de jouer à l’arbitre ? Je ne pense pas. Nous avons déjà des guidelines très restrictives en ce qui concerne les contenus affichés par nos clients, pour nous assurer qu’ils n’abusent pas des internautes. Nous surveillons, par exemple, ce qui se passe sur les landing pages de certaines typologies d’annonceurs avec l’ARPP. Mais cela s’arrête là. Ce n’est pas à Outbrain de faire la police auprès des sites qui tartinent leurs pages de publicité et affichent du contenu inoffensif. C’est plutôt aux annonceurs de prendre leurs responsabilités, en faisant le tri dans l’Open Web et en acceptant de payer plus cher pour l’inventaire de qualité.

Pour en revenir au sujet de l’attention, il reste une question importante : est-ce qu’une impression attentive est une impression plus performante d’un point de vue branding ?

Je ne peux pas encore vous communiquer d’études officielles de brand lift mais je peux vous assurer qu’il y a un lien entre attention et awareness, mémorisation et considération. Notamment parce qu’une impression attentive génère plus de clic et d’engagement.

L’autre constat, que je trouve amusant, c’est que l’on réalise qu’à partir d’un certain seuil, on est obligé de dégrader ses exigences en matière de visibilité pour optimiser l’attention.

Pourquoi cela ?

Parce que toutes les impressions visibles ne sont pas vues et que toutes les impressions qui génèrent beaucoup d’attention ne sont pas forcément hyper visibles. Si vous prenez nos emplacements pieds d’articles, ils ne sont pas les plus performants d’un point de vue visibilité… mais ils génèrent une forte attention. Un annonceur qui voudra absolument maintenir un seuil de visibilité de 70% aura tôt ou tard des difficultés à optimiser l’attention.