Bouygues Telecom, Orange et SFR veulent tester un ID publicitaire commun en France


  • Orange, Bouygues Télécom et SFR vont associer un ID publicitaire à la carte Sim de leurs clients qui ont accepté la démarche, pour permettre aux annonceurs de continuer à leur afficher des publicités adaptées.
  • Une dizaine d’éditeurs et d’acheteurs français ont été sollicités. Les premiers tests sont espérés dans les semaines à venir.

Du nouveau concernant TrustPid, un projet d’identifiant publicitaire piloté par Vodafone, qui veut s’appuyer sur les opérateurs télécom européens pour permettre aux annonceurs de continuer à diffuser des publicités adaptées au comportement de navigation des internautes. En France, c’est un trio composé d’Orange, Bouygues Télécom et SFR qui est selon nos informations mis à contribution. Leurs équipes commerciales ne sont pour l’instant pas vraiment sollicitées et toutes sont sous NDA. Le projet est en effet piloté par les équipes Vodafone depuis Londres et une consultante française, Aurore N’Guyen, également basée à Londres. Tout ce petit monde démarche actuellement une dizaine d’éditeurs et d’acheteurs médias français pour leur présenter le projet. Minted a pu s'entretenir avec certains d'entre eux. Les premiers tests sont espérés dans les semaines à venir.

Le principe est simple : associer un ID à la carte Sim de l’utilisateur. Evidemment, aucune donnée associée au contrat mobile (âge, sexe, revenus…) ne sera remontée aux acteurs du marché. Il s’agit plutôt de mettre sur pied un ID persistant permettant de traquer l’utilisateur au fil de sa navigation sur le Web et le monde applicatif. Lorsque l’utilisateur se connecte à un site en 3G, 4G ou 5G (le procédé ne fonctionne pour l’instant pas en Wifi), un appel est effectué vers l’antenne relais de l’opérateur. L’opérateur concerné identifie l’utilisateur et transmet à l’entité qui le sollicite l’ID rattaché à l’utilisateur. Cet ID est stocké au sein du téléphone de l’utilisateur de façon à  ce que lorsque ce dernier bascule sur une connexion Wifi, l’identification soit encore possible. 

Deux IDs : le Martech Token et l’Adtech Token

Il y aura selon nos informations en réalité deux IDs : le Martech Token et l’Adtech Token. Le premier identifiant est exclusivement réservé aux éditeurs pour leur permettre de faire de la personnalisation de contenus, de la segmentation d’audience ou de la mesure d’audience entre les différents sites de leur portefeuille. Il n’a pas vocation à être partagé à l’extérieur, au contraire de l’Adtech Token, qui pourra, par exemple, être partagé à un annonceur qui veut faire du retargeting. Pour éviter tout risque de data leakage, cet ID a une durée de vie très limitée puisqu’il expire à la fin de chaque session d’un utilisateur. De sorte que l’acheteur devra solliciter les telcos à chaque nouvelle session d’un utilisateur pour connaître l’identifiant publicitaire qui lui est associé. “La promesse est sur le papier magnifique, reconnaît un acheteur. On parle d’un ID publicitaire déterministe, cross-sites et cross-apps, pensé de façon à ce qu’il ne puisse pas être partagé à n’importe qui.” Un super cookie en somme. Un ID qui pourrait, dans un second temps, s’enrichir des données relatives au box. Mais on n’y est pas encore. 

Les discussions entre telcos et éditeurs achoppent sur la modification de la pop-up de récolte du consentement

Les éditeurs français sont évidemment mis à contribution. Ils doivent en effet intégrer un javascript au code de leur site Web ou de leur application pour interroger l’opérateur à chaque visite et récupérer l’identifiant associé au visiteur. Anecdotique. Ce qui l’est moins, c’est qu’ils doivent modifier leur outil de récolte du consentement, la fameuse CMP, puisque l’utilisation des IDs ne peut se faire sans l’aval des utilisateurs concernés, en vertu du RGPD. C’est sur ce point précis que les discussions achoppent pour l’instant puisque les demandes des telcos sont, selon nos informations, jugées incompatibles avec la manière de procéder des éditeurs.

Si les telcos veulent à ce point “verrouiller” la récolte du consentement, c’est surtout parce qu’ils veulent se prémunir contre tout retour de bâton concernant un sujet qu’ils savent être aussi explosif qu’anxiogène pour le consommateur lambda. Les telcos ne veulent en effet pas que cette nouvelle ligne de revenus, qui restera quoi qu’il arrive anecdotique par rapport à leur core business, leur vale un “bad buzz” dans la presse grand public. Vodafone a d'ailleurs, selon les informations de nos confrères de Mind Media, prévu de rencontrer la Cnil dans les semaines à venir pour lui présenter le projet, comme il l'avait fait avec son homologue allemand. Pas sûr que l'organisation, qui n'a pas pour habitude de donner son avis en amont du déploiement d'un projet, lui donne un blanc seing. Un désaveu de la Cnil serait néanmoins un sérieux coup d'arrêt pour le projet, rappelle Mind Media. Mais il est difficile d'imaginer le gendarme des données personnelles s'opposer à un tel projet dès lors que tout se fait avec le consentement éclairé de l'utilisateur, dans le respect du RGPD. C'est d'ailleurs ce que font déjà les telcos avec les chaînes de TV dans le cadre des opérations de TV segmentée, sans que la Cnil s'en soit émue.

L’autre écueil potentiel, c’est celui du modèle économique, qui est pour l’instant flou. “On n’a pas encore parlé argent”, confirme un acheteur. Le martech token devrait être commercialisé à un prix symbolique auprès des éditeurs. Il n’en sera évidemment pas de même concernant l’adtech token qui sera, lui, facturé aux acteurs de la chaîne programmatique : SSP et DSP. Rien n’a encore été arrêté mais on peut imaginer que l’alliance facture une licence mensuelle aux acheteurs programmatiques qui voudraient, à chaque fois, qu’un éditeur leur communique l’adtech token via une bid request, le décoder. L'expérimentation allemande, qui est déjà en cours de route, devrait donner à l'alliance un bon aperçu de ce qui est faisable ou non.

Car la France n’est pas le seul pays à avancer ses pions. Au Royaume-Uni, c’est la donnée Vodafone qui sera utilisée, en Allemagne, c'est celle de Vodafone et Deutsche Telecom et en Espagne, ce sera celle de Telefonica. Pour les éditeurs comme les acheteurs, il y a urgence. Même si Google a décalé la disparition des cookies tiers de Chrome à 2024, c’est déjà une problématique d’aujourd’hui. “C’est déjà 40% de l’inventaire d’un éditeur, soit la part de marché de Firefox et Safari, qui est devenu très difficile à monétiser parce que les cookies tiers sont bloqués par ces navigateurs, rappelait David Folgueira, fondateur de first.id. Le résultat, c’est une chute des revenus de l’ordre de 50% au sein de ces environnements.” Contactées par Minted, un porte-parole de Vodafone a expliqué à ne pas pouvoir commenter les informations relatives aux marchés où le TrustPid n'est pas encore officiellement déployé.