19 décembre 2025
Temps de lecture : 3 min
« Prendre part à l’essor de l’intelligence artificielle générative plutôt que d’en souffrir ». C’est en ces termes que Bob Iger justifie le partenariat annoncé la semaine dernière entre Walt Disney et OpenAI. « Cela nous donne l’opportunité de jouer un rôle », poursuit l’emblématique patron du créateur de Mickey, revenu aux commandes en novembre 2022, à peine dix jours avant le lancement de… ChatGPT.
Concrètement, cet accord s’articule autour de quatre volets. Il va d’abord permettre aux utilisateurs de Sora, la nouvelle application d’OpenAI qui permet de créer de courtes vidéos verticales, de générer des clips mettant en scène plus de 200 personnages issus des univers Disney, Marvel et Star Wars. Une sélection de ces créations sera ensuite diffusée directement sur la plateforme de streaming Disney+.
Le partenariat prévoit également que Disney devienne un « client majeur » d’OpenAI. Le groupe déploiera ChatGPT auprès de ses employés et s’appuiera sur les modèles d’IA de la start-up pour concevoir de « nouveaux produits et de nouvelles expériences ». Enfin, le géant hollywoodien entre au capital d’OpenAI à hauteur d’un milliard de dollars, avec la possibilité d’augmenter sa participation à l’avenir.
Au-delà de ce rapprochement inédit, l’annonce s’inscrit dans un contexte plus large, marqué par trois ruptures majeures à l’œuvre autour de l’intelligence artificielle générative.
Début octobre, OpenAI avait lancé Sora sans véritable garde-fou en matière de droit d’auteur. Les utilisateurs de l’application pouvaient alors générer des vidéos à partir d’œuvres protégées. Très rapidement toutefois, la société a fait marche arrière, prenant sans doute conscience des risques judiciaires auxquels elle s’exposait.
En s’associant à Disney, OpenAI entre dans une nouvelle logique. Pour la première fois, l’entreprise accepte de rémunérer un ayant droit afin de pouvoir exploiter ses œuvres. Cette volte-face s’explique par le fait que les contenus protégés ne servent plus seulement à entraîner ses modèles d’IA, mais aussi à produire de nouvelles créations qui en reprennent les codes et les personnages.
Cette distinction est capitale sur le plan juridique. Dans le premier cas, OpenAI peut invoquer le principe du fair use, qui autorise, aux États-Unis, un usage raisonnable d’œuvres protégées – même si cette ligne de défense reste encore sujette à l’appréciation des tribunaux. Dans le deuxième cas, la protection juridique apparaît en revanche bien plus fragile.
Disney, particulièrement vigilant sur la défense de sa propriété intellectuelle, l’a déjà démontré. Le groupe a attaqué Midjourney en justice et vient tout juste d’adresser une mise en demeure à Google.
Cet accord marque également une volte-face du côté de Disney. En juin, la société avait porté plainte contre Midjourney, l’accusant de laisser ses utilisateurs créer des images mettant en scène ses principales franchises. Disney ne se contentait pas de réclamer des dommages et intérêts: il demandait aussi que la start-up mette fin à ces pratiques et qu’elle ne soit pas autorisée à lancer un générateur de vidéos sans garanties préalables pour la protection de ses droits.
Six mois plus tard, le géant du divertissement a donc opté pour une approche radicalement différente. Une stratégie qui pourrait être dupliquée avec d’autres acteurs de l’IA une fois expirée la période d’exclusivité d’un an accordée à OpenAI. De quoi annoncer une rupture majeure à Hollywood. Plutôt que de lutter contre un bouleversement technologique qui apparaît inéluctable, les grands studios pourraient désormais chercher à l’accompagner, afin de s’assurer de capter une part significative de la valeur créée par l’IA.
Un tel revirement s’est déjà produit dans l’industrie musicale. Ces dernières semaines, Universal Music, Sony Music et Warner Music, les trois majors du secteur, ont annoncé plusieurs accords avec des start-up spécialisées dans la création de chansons par intelligence artificielle, mettant fin aux poursuites judiciaires engagées précédemment. Elles ont accepté d’ouvrir l’accès à leurs catalogues, à la fois pour l’entraînement des modèles et pour la création de nouvelles chansons, en échange d’un pourcentage du chiffre d’affaires généré.
L’arrivée de vidéos générées par Sora directement sur Disney+ illustre une troisième rupture: les plateformes ne se contentent plus de permettre la diffusion de contenus générés par l’IA, elles encouragent activement cette pratique. « C’est un moyen d’offrir de nouvelles expériences d’interaction avec nos personnages, en particulier aux jeunes publics », justifie Bob Iger.
En septembre, Meta avait déjà lancé la fonctionnalité Vibes sur Instagram, permettant de créer et partager de courtes vidéos verticales. Le mois suivant, Spotify annonçait un partenariat avec les grandes maisons de disques pour développer de nouveaux « produits d’IA ».
Dans la grande bataille de l’attention, ces plateformes « traditionnelles » ne veulent pas laisser le terrain aux nouveaux acteurs: si les internautes veulent consommer des contenus générés par l’IA, il faut leur en proposer pour éviter qu’ils passent plus de temps ailleurs. À ce titre, le succès fulgurant de Sora à son lancement pourrait bien avoir constitué un électrochoc, accélérant ainsi l’avènement inévitable du « slop web ».
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