19 juin 2025

Temps de lecture : 3 min

« Pour la première fois depuis quatre ans, on n’entend pas parler de privacy à Cannes »

La rédaction de Minted est à Cannes cette semaine pour vous faire vivre les Cannes Lions. L'occasion de rencontrer des acteurs du secteur pour des interviews vidéo. Entretien avec Thomas Bernal, SVP Go To Market at Ogury.  

Vous avez lancé Ogury One, votre nouvelle plateforme, quelques jours avant le rétropédalage de Google sur les cookies tiers. Est-ce que cette solution est toujours valable ?

Oui, la plateforme est toujours pertinente et notre solution a de beaux jours devant elle. Ce qui est intéressant, c’est que nous sommes à Cannes cette semaine, et c’est peut-être la première année depuis quatre ou cinq ans où je n’entends pas forcément parler de privacy. Et pourtant, il a eu une annonce assez importante de Google il y a quelques semaines. Pour moi, que Google rétropédale ou pas, ça ne change pas forcément le sens de l’histoire. L’identité au sens large et l’adressabilité restent des challenges. Aujourd’hui, on a déjà 50% de l’open web qui n’est pas adressable, donc on ne peut pas avoir une traçabilité déterministe des identifiants utilisateurs.

C’est le challenge que nous essayons de résoudre avec le « Personified Advertising ». Et la raison pour laquelle nous avons lancé Ogury One. Même si nous aurions pu bénéficier d’un coup de boost lié aux décisions de Google, nous pensons que cela ne change pas le fond. Les utilisateurs prendront le contrôle et feront respecter leur choix, comme on l’a vu avec Apple et l’ATT il y a quelques années.

Cela fait des années que vous avez élargi les possibilités en termes de personnalisation, d’ailleurs. Vous étiez donc préparés à cette évolution du marché ?

Exactement. Pour rappel, Ogury était historiquement une entreprise fondée sur l’identification des utilisateurs, certes avec leur consentement, mais avec une donnée riche permettant de bien comprendre leur comportement. Depuis 2021-2022, nous avons compris que ce modèle allait changer, et nous avons basculé vers un modèle plus vertueux, plus respectueux de la vie privée, en ligne avec les attentes des utilisateurs et des régulateurs.

Notre cheval de bataille, c’est donc la « personnification ». Cela vise à offrir des solutions de targeting pertinentes aux annonceurs en partant du postulat que l’identité n’existe plus (même si ce ne sera jamais complètement vrai).

On s’appuie sur des données contextuelles, des données issues des requêtes ou publiques, et surtout sur des données dites « zero-party »: on achète nous-mêmes de l’inventaire publicitaire pour poser des questions aux utilisateurs, comme le ferait un panel, pour comprendre leurs attentes et habitudes.

Cette année à Cannes, l’un des grands thèmes, c’est l’IA générative. Quel rôle joue-t-elle pour vous ?

C’est intéressant. Il y a déjà deux ans, on en parlait beaucoup. Cette année, on commence à voir des solutions concrètes. Chez nous, comme chez beaucoup, nos modèles de machine learning reposent déjà sur l’IA.

Mais ce que nous a essayons d’apporter, c’est une brique générative supplémentaire. Par exemple, nos personas — une bibliothèque de profils types d’utilisateurs — sont construits pour être interopérables avec les modèles des agences.

Nous avons une plateforme qui permet aux annonceurs de formuler un brief et qui génère automatiquement une recommandation de budget, de personas à viser, etc.

En interne aussi, nous utilisons l’IA générative pour enrichir les personas. Nos experts n’ont pas toujours la connaissance fine de tous les marchés. L’IA permet d’aller chercher de l’info publique, d’affiner les modèles et de vérifier leur pertinence.

Pensez-vous que chaque solution tech aura bientôt son propre agent IA ? Est-ce que ces agents pourront dialoguer entre eux ?

Deux réflexions. D’abord, aujourd’hui, l’usage le plus évident de l’IA, c’est l’efficacité opérationnelle. On répond à des appels d’offres, souvent avec les mêmes questions — c’est légitime d’automatiser ça. Idem pour la gestion de campagnes, de reporting, de créas. La vraie question, c’est: est-ce que ces gains de productivité vont bénéficier aux clients ou être vendus comme valeur ajoutée, donc à un coût supplémentaire ?

Ensuite, pour ce qui est des agents qui se parlent entre eux… je suis un peu plus sceptique. Utiliser de l’IA pour automatiser une tâche, oui. Remplacer l’openRTB par une communication agent-agent en temps réel ? Ça me semble complexe, coûteux, et pas encore réaliste pour du traitement à l’échelle. Mais il y a un vrai potentiel dans l’automatisation des campagnes, dans la personnalisation, et pour gérer la fragmentation croissante du marché.

Cette fragmentation du marché, elle appelle aussi à de nouveaux standards, peut-être ?

Oui, clairement. La question de la compatibilité des données devient cruciale. Et ça rejoint aussi la question de la privacy. Pour nous, ce n’est pas une valeur ajoutée, c’est le minimum. Depuis trois ou quatre ans, on a renversé la logique. La privacy n’est plus une contrainte, c’est un postulat de départ. Et à partir de là, on construit une solution qui soit pérenne, performante et crédible. Et avec l’IA générative, on peut affiner nos modèles beaucoup plus vite. Hier, c’était un travail manuel. Aujourd’hui, on peut tester, créer, améliorer bien plus efficacement.

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